1. Le marin

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Nouvelles influences, soif de voyage.

***

Le cœur plus lourd que jamais, Scylla nageait vers la surface. Son regard fixait la lumière du soleil sans jamais s'en détourner, et à mesure qu'elle s'éloignait, elle luttait pour ne pas faire demi-tour. Elle ne pouvait plus revenir en arrière... c'était impossible. Elle était condamnée à les oublier. Elle était condamnée à payer pour ses erreurs et il n'y avait rien de plus déchirant. Elle aurait sans doute préféré qu'on la tue, qu'on la torture, qu'on l'enferme au fin fond de la mer... En fait, elle aurait préféré n'importe quoi plutôt que vivre avec ce fardeau, plutôt que devoir quitter sa terre natale. Et pourtant, aussi courageuse elle fut pour répandre le mal, elle ne le fut pas autant pour mettre fin à ses jours. Une partie d'elle lui criait que c'était passager, qu'elle était seulement perdue, et qu'un jour ils lui pardonneraient. Mais c'était trop tôt et elle n'avait plus choix.

A mesure que la jeune néréide sortait des eaux profondes et entrait dans les hauts récifs, elle ne pouvait ignorer les familiers apeurés et fuyants lorsqu'ils l'apercevaient. Son cœur se resserrait encore plus, même sa deuxième famille la repoussait.... la mer. Son essence à toute chose, la raison de son existence. Comment c'était possible ? Comment en était-elle arrivée à ce point de non-retour ? Ça ne devait pas se finir comme ça... tout avait tellement dérapé.

Scylla n'était plus qu'à quelques mètres de l'air et elle redoublait d'efforts jusqu'à enfin sortir sa tête de l'eau. Elle profitait du soleil brulant alors qu'elle sentait ses branchies disparaitre sous sa peau. Elle prit un temps pour réfléchir - peut-être méditer - bercée par les vagues de la mer. Elle avait toujours aimé respirer l'air, comme si une partie d'elle était attirée par la terre et les secrets qu'elle regorgeait... Pourtant, ayant grandie dans l'eau, elle était elle-même nulle part ailleurs qu'ici. Sa famille, c'est la mer.

Mais à en croire les traces de son père, il était plus qu'un simple être de l'eau... Et ça lui couterait sûrement quelque chose toute sa vie.

Alors aujourd'hui elle quittait ce foyer. Peut-être définitivement... mais elle espérait que non. La situation était devenue trop instable, incontrôlable, et dangereuse après ces dernières années. Il fallait qu'elle rejoigne les côtes, elle savait que la cité d'Eel n'était pas très loin. C'était de loin son unique espoir... Les rumeurs racontaient qu'ils avaient une nouvelle cheffe, dont les valeurs morales étaient encore plus justes qu'auparavant. Elle osait espérer qu'ils l'accepteraient comme elle était, n'étant d'ailleurs pas sûre d'être la bienvenue autre part... peut-être les fenghuangs ? A la rigueur, elle pourrait toujours se tourner vers eux, mais elle doutait que les vampires l'acceptent si ce n'est pas pour la manger, et encore moins les kappas et les lutins. Elle avait peut-être une dernière chance avec les elfes de l'est ? Ils s'étaient apaisés avec le temps. 

Son attention fut soudain distraite par un doux frottement contre sa jambe. Elle se laissait alors couler dans l'eau, pour découvrir qui voudrait encore attirer son attention. En le reconnaissant, elle fut à la fois prise d'une peine immense et à la fois entourée d'un bonheur court. C'était son familier : Hippolyte. Il lui était encore fidèle... et c'était bien le dernier.

- Hippo ! Elle s'approchait de lui pour poser sa tête contre la sienne, alors qu'avec sa nageoire il la collait à lui. Je suis désolée, mais là où je vais c'est trop dangereux pour toi. Les êtres de la terre ne connaissent pas ta race de familier. Il faut que tu rentres avec les autres.

Son couinement grave indiquait qu'il ne partirait pas d'ici. Il écartait déjà sa nageoire pour la lui tendre comme à son habitude. Elle lui souriait, émue par son entêtement, et elle s'accrochait férocement à lui alors qu'ils glissaient ensemble vers les côtes. Pour l'aider, elle faisait venir des courants derrière eux afin de lui éviter d'être trop fatigué pour son retour. Le trajet fut donc plus rapide que ce qu'elle imaginait ; Hippo nageait déjà très vite, alors avec l'aide des courants ils donnaient l'air de briser l'eau sur leur passage. Et très vite, le sable se rapprochait d'eux. Lorsqu'ils étaient plus qu'à quelques mètres du sol, elle lâchait sa nageoire.

MÉNADE [Lance - ELDARYA]Where stories live. Discover now