Juin (6)

17 3 2
                                    

/ Moteur, caméra, action

Lundi 19 juin

17h30

Une salle entièrement vitrée au deuxième étage du bâtiment administratif de mon collège. Quatre chaises autour d'une table ronde en bois s'accordant avec le style épuré de la pièce. Seule une plante verte disposée dans un coin ajouta cette touche de couleur. Ces quatre chaises noires, bientôt toutes occupées. Cette table où quatre personnes seraient très prochainement assises autour et où l'histoire commencerait à être comptée.

La porte s'ouvrit en dessous d'une pendule accrochée. Sans pour autant m'alerter, je continuai d'examiner le mobilier.

Une personne s'installa à ma droite. Ma vision périphérique me confirma qu'il s'agissait de ma mère, son carré brun s'offrant partiellement à ma vue.

— Comment te sens-tu ?

Nous savions toutes deux que cette question n'aurait jamais de réponse. Je ne continuerai pas cette discussion.

Mon père arriva quelques instants plus tard, embrassant ma mère avant de tirer la chaise à ma gauche. Une dernière chaise, face à moi, se trouva vide. Ma professeure d'anglais qui avait proposé ce rendez-vous à ma mère dans le weekend qui venait de se finir entra à son tour, nous saluant en insistant sur ma personne la combla.

— Monsieur, Madame Sorena, je suis navrée de devoir vous revoir dans ces circonstances, expliqua-t-elle.

Mes parents acquiescèrent.

— Bien, Rose, son attention se déposa sur moi pendant que j'esquivai son regard. Je comprends que ce contexte puisse te mettre mal à l'aise ou que tu te sentes potentiellement oppressée, mais nous sommes là et uniquement ici pour t'aider. Seulement ton papa et ta maman et moi-même, nous ne pouvons pas simplement deviner au travers de ta lettre. Son corps face au mien, ses mains bougèrent en fonction de ses paroles. J'ai remarqué ton changement de comportement depuis plusieurs mois, mais je n'aurai jamais pu imaginer que cela était aussi grave.

— Personne ne peut imaginer ce que je vis au quotidien, madame, osai-je exprimer de manière désintéressée.

Ses yeux s'ouvrirent de plus en plus grand, sûrement interloqués de m'entendre m'exprimer de cette façon ou juste d'entendre ma voix. Elle ne l'avait plus écouté depuis cette fin de cours où elle m'avait questionné sur mon état.

— C'est à peine pensable, ironisai-je, plus d'une dizaine de personnes s'acharnant sur une seule et même personne. Vous pouvez y croire, vous ? Lui demandai-je sans attendre de réelles réponses, mes noisettes à présent dans ses yeux vert d'eau. Tout cela a débuté il y a plusieurs mois. Pas la peine de me demander la date, j'en ai perdu la notion du temps. Chaque jour, c'était la même rengaine. J'arrivais en cours, la boule au ventre, l'estomac aussi vide que mon esprit. Devant vous, j'essayais de paraître normal, vous savez, une élève classique suivant les cours, prenant des notes. Mais dans chaque cours, au moment où l'attention du prof ou de la prof était accès sur le tableau, je me retrouvais en cage où je me prenais des insultes, des reproches, des moqueries. Tous les jours, ils répétaient les mêmes mots. Je pense que je les connais par cœur à présent.

— Qui sont ces « ils » Rose, s'interrogea ma mère, tournant sa tête vers moi.

— Pendant les cours de sport, continuai-je ignorant totalement sa demande, les insultes s'accompagnaient de blessures. Leurs visages se décomposèrent. On ne me frappait pas, juste pendant la lutte, il arrivait que certains ou certaines enfoncent leurs doigts dans ma peau. Apparemment, je le méritais, c'est ce qu'ils répétaient, « tout est de ta faute, Sorena ». J'avais mérité ce qui m'arrivait. Le soir, je rentrais achevée, je mettais toute la bonne volonté pour faire mes devoirs, mais j'y arrivais pas alors, je les laissais et allais me coucher. Certaines fois, je regardais mon portable, mais ça continuait même dessus, des menaces, des attentes sur ce que me réservait le lendemain. La routine, finalement.

SCOLIO'MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant