Interlogue : Backfire

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Bai avait l'habitude de la torture. Oui, il avait déjà torturé et tué des innocents. Des enfants. Il avait déjà participé à des massacres. Il avait déjà ruiné des vies. Longtemps, il avait blâmé Jin Lin-Ma pour ça. Cet homme qui l'avait forcé à entrer à son service. Cet homme qui lui avait appris à tuer. Il l'avait forcé à tuer. À torturer. Et après ? Bai avait continué. La mafia, quelle qu'elle soit, était une machine qui vous broyait en entier, lentement, si elle ne vous attrapait ne serait-ce qu'une phalange. Il avait cédé. Il avait été happé par la machine et en avait tiré tout le profit imaginable.

Bai ne croyait en rien sinon à la violence, au pouvoir et à l'argent, mais lorsqu'il avait été témoin de l'explosion de colère surnaturelle qu'avait manifestée cette jeune Française... Jamais il n'avait vu d'otage si jeune et si inexpérimenté lutter ainsi contre des tortures abjectes – Scarsi le dégoûtait – et surtout jamais il n'avait vu d'otage rompre ainsi ses chaînes et sa cage sans effort apparent. Ça tenait de la magie. Ou bien d'une influence divine. Dans un cas comme dans l'autre, Bai eut peur. Il n'eut pas peur pour son intégrité physique mais pour son intégrité spirituelle. Il avait balayé d'un geste de la main les quelques indices que Oliver Lucca avait laissé échapper mais elle... cette fille... Elle s'était battue non pas pour se libérer – et elle aurait très bien pu y parvenir, compte tenu de la force qu'elle avait employée contre ses geôliers, tuant l'un d'eux au passage ! – mais pour libérer Lucca dont ils tentaient de comprendre l'origine de ses pouvoirs. Ne savait-elle pas que cet homme à moitié fou avait œuvré pour sa perte ?! Pourquoi avait-elle perdu sa seule chance de fuir pour l'aider, lui, un moins-que-rien ?

Bai, dans un éclair de lucidité, avait compris que s'attaquer à elle, c'était s'exposer à une menace bien plus grande qu'une lycéenne Blanche à peine majeure. L'homme aurait voulu se convaincre qu'il ne croyait plus aux malédictions et aux damnations divines, mais la fibre mystique qu'il portait en lui, comme un bourgeon qui n'aurait jamais reçu la lumière du soleil, l'alertait : cette fille devait être rendue à ses proches. Il ne fallait pas qu'il ait son sang sur les mains. Quoi qu'il lui en coûte. Oui, ses chefs lui avaient exigé d'extraire le secret de cette étrange puissance que ces humains manifestaient. Oui, il haïssait Jin.

Mais il avait peur d'elle. Et des fléaux qui s'abattraient un jour ou l'autre sur sa tête pour avoir porté la main sur elle.

Il devait s'en débarrasser.

Au plus vite.


L'Escorte 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant