Chapitre 10

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Tri'na et Lo'ak sont l'un en face de l'autre. Il n'y a pas de bruit autour d'eux, ou seulement la brise qui vient taper sur les quelques immenses rochers qui les isolent de tout.

Ils se regardent. Il attend qu'elle lui révèle enfin toute la vérité.

- Je ne suis pas Omatikaya, dit-elle après une grande hésitation.

- Quoi ?

Il pense avoir mal entendu ses propos tant ça paraît fou.

- Je viens du peuple Kekunan, le clan des rochers. C'est ici que je suis née. Mon peuple vivait principalement dans les montagnes. Les Kekunan se servaient des grottes comme maison.

Elle marque une courte pause.

- Tout ce que j'ai toujours connu est ici. C'est ici que j'ai appris à manier la pierre. Ici que j'ai grandi, avec ma famille et mes amis.

Une larme coule sur sa joue mais elle fait comme si de rien n'était. Le regard dans le vide, elle laisse ses paroles s'échapper de son cœur.

Lo'ak a le visage fermé. Il lui en veut. Il lui en veut tellement qu'elle lui ait caché cette partie de sa vie.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demande-t-il froidement voyant qu'elle ne disait plus rien.

Elle relève les yeux. Elle voit que son regard a changé.

- Ceux qui viennent du ciel ont exterminé mon peuple. Une guerre avait commencé depuis bien longtemps entre les Kekunan et les humains. Ils étaient à la recherche de nouvelles ressources, et malheureusement, ils convoitaient ce que nous possédions. Dès qu'ils se sont installés près de notre village, Olo'eyktan a tout fait pour éloigner leur menace. Et puis un jour, ceux qui viennent du ciel ont tout fait exploser. La guerre devait cesser. Les Kekunan n'avaient aucune chance de s'en sortir vivants.

Les larmes défilent à toute allure sur sa peau. Elle continue pourtant à faire mine de rien. C'était la première fois qu'elle racontait son histoire à quelqu'un. Elle ne pensait pas que ça lui ferait autant de mal que de mettre des mots sur son passé.

Le visage de Lo'ak s'est adouci. Il a les larmes aux yeux. Il ne peut s'imaginer la souffrance qu'elle a subie.

- Mais pourtant tu as survécu toi, dit-il.

- Mon père savait ce qui allait se passer. Il m'a ordonné de partir me cacher dans la forêt. J'ai refusé. Je ne pouvais pas abandonner ma famille. Il m'a dit que je devais prévenir les autres clans et qu'on se retrouverait après. Il m'a menti. J'ai cru en lui et en ses paroles. Je suis partie, à contre-coeur. J'ai attendu et j'ai vu les explosions. Ça ne s'arrêtait pas. J'entendais les cris de ceux qui tentaient de fuir ou de combattre. Et puis, au bout d'un moment, il n'y avait plus aucun bruit. Je pouvais seulement voir les flammes qui avalaient tout ce qu'il restait de ma maison. Je n'ai jamais revu aucun Kekunan. Je les ai attendu pendant des jours. J'espérais au fond de moi que quelqu'un me trouverait. Et puis, j'ai compris que c'était vraiment fini. Je me suis aventurée dans la forêt que je ne connaissais pas du tout. Pendant des mois j'ai vécu seule aux côtés de Taika, essayant de survivre tout en remettant ma vie en question. Je n'avais plus aucune force Lo'ak, sa voix monte légèrement. Je n'avais plus aucune envie de vivre. J'ai perdu tout ce qui comptait pour moi.

Il commence à pleurer à son tour. Il a mal pour elle. Elle a tout perdu. Il ne préfère même pas songer à ce qu'il ressentirait à sa place.

Elle renifle un bon coup et termine son récit.

- Taika s'est blessée en se battant contre un autre ikran. J'ai pris soin d'elle, enfin, j'ai fait ce que j'ai pu. Puis je t'ai rencontré.

Elle essuie ses larmes mais ne relâche pas son regard.

DE L'OMBRE A LA LUMIEREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant