Chapitre 28

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Fuir était devenu une habitude, pourtant mon corps ne s'adaptait toujours pas à la course. J'étais haletante et suante, mes genoux fléchissaient et mes cuisses tiraient. Je commençais à voir trouble et –

Non Agathe. Ne te lamente pas, ça ne fera qu'aggraver ton état. Continue de courir, ne lâche rien. Tu peux le faire. Pense à Iris. Pense à Dylan. Pense à papa et maman. Pense à toi. Cours.

Les arbres devant moi défilaient rapidement. Je donnais régulièrement un coup dans les branches qui me ralentissaient pour me permettre de passer. La peur m'envahissait le cœur et me poussait à me surpasser. Ma tête bouillonnait et je respirais difficilement. Je courais avec toutes les forces qui me subsistaient. Je faisais tout mon possible pour ne pas ralentir mes amis qui me devançaient de peu. Iris se cachait le visage dans les bras de Dylan et Harry courait d'un air absent et furieux.

J'en suis capable. Je peux le faire. Je ne dois pas me sous-estimer. Pas cette fois.

Iris pleurait dans le cou de Dylan en me tendant désespérément la main. Mais je ne pouvais pas la saisir, même si je le voulais plus que tout. Je sentais mes jambes trembler sous mon poids, courir devenait de plus en plus difficile. Je me sentais abandonner, je ralentissais petit à petit tandis que les cris des clones se rapprochaient.

Tu n'as pas le droit de ralentir Agathe. Si tu te laisses aller dans les bras du Patriote, ce n'est pas seulement toi qui sera condamnée.

- Agathe, ne ralentis pas ! me cria Dylan en jetant un œil derrière son épaule.

- Agathe ! hurla à la détresse ma petite sœur.

Sa voix me hurlait de m'accrocher d'une douleur désespérée. J'aurais aimé avoir la force de continuer comme le faisaient Dylan et Harry. Pourtant, Harry venait de perdre un très bon ami. Une pensée se pointa dans mon esprit : il se servait de sa rage et de sa douleur pour redoubler d'efforts et courir aussi vite. Alors c'était ce que j'allais faire, mes souffrances me serviraient à autre chose que pleurer.

Je commençai à songer à des évènements qui me fulminaient et me brisaient à la fois.

L'invasion des clones en Bretagne, le commencement de tant de supplices.

Mes jambes trouvèrent une nouvelle raison de continuer à courir.

La mort de ma maman qui m'avait profondément détruite. Le Patriote seul en avait la responsabilité.

Une rage soudaine s'empara de moi et me poussa à courir plus vite. Mes jambes me brûlaient mais je ne m'en plaignais pas. Je me servirais de cette douleur pour aller de l'avant.

Le sacrifice qui m'avait d'abord paru insensé de Maxime, tandis qu'à présent je le comprenais de tout mon être. Maxime avait été un des premiers à croire en moi, à croire en ma force lorsque je pensais en être dépourvue.

Une vague de fureur inespérée m'arracha un cri de détermination. J'allais prouver à Maxime que j'étais forte et courageuse, qu'il avait vu juste en moi. Je le lui devais.

Je revis le tendre visage de mon meilleur ami. Arthur avait toujours été là pour moi quand personne d'autre ne l'était. C'était mon seul et unique confident, je lui parlais de toutes mes peines sans pour autant le déranger. Il m'avait toujours mise à l'aise pour éviter que je ne me sente pas à ma place à ses côtés. Arthur était le type de personnes à se préoccuper davantage des autres que de lui-même. Il guérissait ses amis par ses mots alors qu'au fond, il rêverait qu'on les lui répète. J'aurais aimé le comprendre plus tôt pour essayer d'être là pour lui comme il l'avait toujours été pour moi. Arthur avait peut-être dû penser qu'en soignant les autres il se guérissait lui-même, ce qui était faux. Qui avait été là pour soigner ses blessures ? Personne, pas même moi. Ne pas avoir été présente pour Arthur me hantait tous les jours, c'était un de mes plus sombres regrets.

CondamnésWhere stories live. Discover now