Barbe Bleue

Chapitre 4 : Les clients américains

Cette première escapade à la campagne des deux tourtereaux fut loin d'être la dernière. Presque tous les week-ends, ils prenaient la route pour se retrouver tous les deux, coupés du monde. Tiphaine fut obligée d'en informer sa mère, qui fut ravie par la nouvelle. Sa sœur Anne, en revanche, s'inquiétait un peu: « ça va un peu vite entre vous, non ? »

Tiphaine et Gilles n'avaient pas mis de label sur leur relation, n'en ayant pas à proprement parler discuté. Ils savaient juste qu'ils ne voyaient personne d'autre et qu'ils passaient de bons moments ensemble. Pour l'instant, ça leur suffisait.

A l'occasion du week-end de l'Ascension, ils décidèrent de passer toute une semaine dans la maison de campagne de la famille de Conomor. Tiphaine avait envoyé quelques CV et lettres de motivation mais n'avait pas eu de retours positifs. Gilles, sur le ton de la plaisanterie, avait proposé de l'engager en tant que secrétaire personnelle, mais elle avait refusé qu'il lui donne quelconque argent. Il dépensait déjà bien assez pour elle, et cela commençait à la gêner.

Si elle avait parfois, dans son passé, rêvé de se trouver un homme riche pour l'entretenir, elle aimait en réalité trop sa liberté et son indépendance pour se reposer sur qui que ce soit. C'était une chose qu'elle avait définitivement réalisé en retournant habiter chez sa mère.

Gilles et elle se fréquentaient depuis bientôt deux mois, et c'était toujours lui qui payait pour tout. Il l'avait rassurée à plusieurs reprises en lui affirmant que l'inviter était toujours un plaisir pour lui, mais elle supportait de moins en moins de ne pas pouvoir dépenser son propre argent, argent qu'elle n'avait pas. Cela avait provoqué quelques tensions entre les deux amants, mais pas assez pour qu'ils n'annulent leur week-end prolongé en Seine-et-Marne.

Ils partirent le mercredi soir, après que Gilles eut fini sa journée de travail. Tiphaine avait eu un entretien d'embauche deux jours avant, mais c'était encore pour un poste hors de ses compétences. Elle commençait à désespérer de ne pas retrouver un emploi, et par la même occasion son indépendance. Elle résidait toujours officiellement chez sa mère, mais elle passait la majorité de son temps dans l'appartement de Gilles, quelques étages au-dessus.

Elle l'avait d'ailleurs présenté à sa sœur, mais celle-ci ne s'était pas montré aussi enthousiaste que leur mère. Les hommes d'affaires n'étaient pas sa tasse de thé et, pour elle, la rupture de Tiphaine avec Charles était encore trop proche pour que sa sœur ne se relance dans une relation longue.

Depuis le soir où il l'avait recontacté, Tiphaine avait d'ailleurs reçu plusieurs messages de son ex-fiancé, qui avait fini par venir en bas de chez elle pour tenter de reprendre contact avec elle, mais elle avait refusé de lui ouvrir.

Gilles, un peu jaloux, ne comprenait pas pourquoi elle ne bloquait pas tout simplement son numéro, et c'était un autre sujet de tension entre eux.

Le trajet jusqu'à la maison de famille des de Conomor se fit ainsi dans un silence pesant.

Arrivés sur place, ils passèrent immédiatement à table, ayant apporté de quoi dîner avec eux.

L'homme d'affaires prétexta d'être fatigué et alla se coucher juste après avoir débarrassé la table. Il était à peine vingt-deux heures et Tiphaine se retrouvait seule dans le grand salon.

Elle se vautra dans le tout aussi grand canapé et alluma l'immense télévision. Aucun programme sur les nombreuses chaines disponibles ne l'intéressait et elle éteignit rapidement l'appareil.

Elle n'osait pas aller se coucher. Gilles était-il toujours éveillé ? L'attendait-il ou en avait-il marre d'elle ? Elle resta là, immobile sur le canapé, fixant le plafond. Elle se rappela la première fois où elle s'était réveillée dans le lit de son amant. Ce n'était que quelques semaines plutôt mais elle avait l'impression que cela faisait une éternité. Peut-être qu'Anne avait raison, peut-être qu'elle s'était lancée dans cette relation trop vite ?