3 - La question du bonheur

21 2 29
                                    


"Le présent se construit à partir d'un accumulation de choses passées."

Proverbe japonais.

 -⋆-

LE SOLEIL MATINAL éclairait la piste orangée d'une lueur dorée, se reflétant dans les iris cuivrés de Mitsuha. L'ovale goudronné entourait une étendue herbeuse trouée de dunettes de sables pour le saut en longueur ou de de tapis pour le saut à la perche. Le complexe d'athlétisme, récemment rénové, dévoilait aux prunelles de la jeunes filles un large panel de disciplines, dont la plupart lui étaient inconnues. Il n'est jamais trop tard pour apprendre, songea-t-elle.

-Impressionnant, n'est-ce pas ? résonna une voix aux intonations d'alto derrière elle.

Mitsuha pivota. Une adolescente un peu plus jeune qu'elle lui faisait face, vêtue d'un bas noir qui collait à sa peau et soulignait ses muscles et d'un haut bleu glacier faisant écho à la couleur de son regard. Ses longs cheveux ondulés, attachés en couette, voltigeaient dans la bise matinale, fanions sombres contrastant avec le clair du ciel matinal. Un haut front, des pommettes acérées, un nez aquilin et la trace d'une cicatrice sur son sourcil droit complétaient son portrait.

-Tu es nouvelle, non ? C'est vrai que les nouveaux inscrits arrivent une semaine plus tard. Tu as déjà fait de l'athlé ? Tu connais un peu le principe ? Saut en longueur où saut en hauteur ? Saut en hauteur pour moi, je déteste le bac à sable, à chaque fois je me débrouille pour avoir du sable dans le legging et ça me tiraille pendant toute ma course, râla la brune.

Cette logorrhée amusa Mitsuha. D'ordinaire, les inconnus ne lui adressaient pas la parole. Peut-être remarquaient-ils son air peu loquace. Un raclement de gorge l'empêcha de répondre et une petite silhouette se planta à sa droite.

-Emiko, arrêtes de parler sans arrêt ! Tu vas faire fuir cette jeune fille. Montre-lui plutôt les vestiaires pour qu'elle pose son sac.

Mitsuha jeta un coup d'œil furtif à l'inconnue. De petite taille, son front était marqué par le temps. Les pointes de son carré châtain avaient blondie, éclaircies par le soleil. Ses muscles des bras étaient saillants et sa posture droite, les pieds écartés, en imposait. Une ancienne militaire à n'en point douter.

La prénommée Emiko lui fit signe de la suivre et quand elles furent suffisamment loin de la nouvelle venue, elle murmura :

-Des années après l'armée, elle s'y croit encore. C'est une super prof mais, même avec une minute de retard, elle t'oblige à faire vingt pompes. J'ai commencé ce sport, je ne savais pas faire de pompes et je ne connaissais pas la ponctualité. En une semaine j'ai appris les deux. Aucun rapport, mais tu t'appelles comment ? Moi c'est Emiko, mais mes amis m'appellent Emi. Je t'y autorise, lui sourit la brune avec un clin d'œil.

-Mitsuha. Tu peux m'appeler Mitsu, c'est limite devenu mon prénom dans mon ancien lycée.

Emiki lui désigna du doigt où poser ses affaires. Les vestiaires étaient inhabituellement superbes. Une peinture charbonneuse couvrait les murs, rendant les bancs en bois de chêne encore plus clairs qu'ils ne l'étaient. Des douches récentes s'alignaient dans le fond, séparées par des cloisons semblant chromées tant leur couleur s'approchait du cuivre. Mitsuha restera bouche bée, ce qui n'échappa pas à sa nouvelle amie.

-C'est en partie mon lycée qui a financé la rénovation, alors ils en rajoutent des masses pour que tous soient ébahis. Honnêtement, ils abusent, mais la déco est nettement mieux que les murs gris tous moches des autres vestiaires que je connais.

-Et tu es dans quel-

-Académie Fukurodani, la coupa la brune en mimant des guillemets avec ses doigts, accompagnant son imitation d'un ton guindé et d'une grimace. En deuxième année. Change-toi vite, le cours commence, on discutera pendant les deux tours d'échauffement, ils seront assez longs.

Ma bonne étoileDonde viven las historias. Descúbrelo ahora