Chapitre 4

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Morgane grommelait, furieuse que Louis Serra l'ait fait cesser sa « réunion » avec les nymphettes des Estaffes, alors que la pré-Élitienne tentait de les sortir de leur mutisme pour avoir plus d'informations sur ce qu'il s'était passé au dernier siècle. Mais aucune des petites fées n'avait daigné lui dire un mot, se contentant juste de se blottir à nouveau dans leur cage, comme si Morgane était une ennemie dont elle devait s'éloigner au plus vite, et que le seul moyen pour cela était de retourner dans la cage qui leur avait tenu lieu d'abri pendant des décennies.

Ce qui avait choqué la sirène au plus haut point. Les nymphettes étaient des êtres particulièrement sensibles, qui, si elles n'étaient pas au service de quelqu'un, voyageaient librement en usant de leurs ailes pour vivre au fil des courants aériens.

Et elle les comprenait très bien, puisqu'elle aussi n'était pas humaine. Les sirènes voyageaient au fil de l'eau, et remontaient parfois à la surface à quelques occasions, en fonction de la curiosité de chacune. Morgane avait d'ailleurs rencontré sa nymphette personnelle en même temps qu'elle avait désiré faire partie du monde humain et intégrer l'école de l'Élite. Corail avait été charmante, malgré un humour un peu plat, elle la comprenait totalement, comme si entre elles, un langage secret avait existé entre deux créatures magiques.

Ce qui n'avait pas empêché Morgane d'être stupide au cours d'une mission, et son arrogance avait coûté la vie à sa seule véritable amie.

Et les Estaffes avaient osé brisé leurs propres nymphettes personnelles !

– Quelle bande de salauds, si je vois William, je...

– Vous ?! Vous m'en voyez surpris ! s'exclama une voix en la coupant dans ses insultes.

Morgane se força à sortir de ses pensées, redressant la tête pour trouver l'origine de cette voix, croisant avec étonnement un regard qu'elle avait cherché dans la foule, et qu'elle avait en même temps imaginé ne pas revoir.

– Monsieur Barjaut ! Vous avez vieilli ! Et dire que je vous trouvais déjà vieux la dernière fois !

– C'était il y a neuf décennies, se souvint l'ancien directeur de l'Élite pour elle. On m'avait informé qu'un élève était revenu d'entre les morts, j'aurai dû parier que c'était vous, avoua-t-il avec un rire couinant.

– En quel honneur ?

Le regard bleu et pénétrant de Magimel avait toujours quelque chose qui la mettait profondément mal à l'aise, comme s'il était capable de savoir en un regard qui vous étiez, votre passé, et ce que vous alliez devenir. Morgane s'était beaucoup méfiée de lui, lors de ses premières années à l'Élite, le soupçonnant de savoir qu'elle était une sirène. Parmi toutes les frasques, et tous les ennuis qu'elle s'était attirée, elle avait toujours veillé à être punie par les Élitiens, et l'évitait soigneusement.

Mais il ne devait certainement pas être si omniscient, puisqu'il n'avait rien fait au sujet des Estaffes.

– Vous êtes très semblable à Mathieu Hidalf, à votre manière, couina le vieillard en caressant sa barbe. Et puisqu'il s'est débrouillé pour intégrer l'Élite en utilisant la montre de mort et en se tuant, lors de son épreuve du Prétendant, j'aurai dû me douter qu'avec un esprit comme le vôtre, vous seriez capable d'avoir une idée assez tordue pour revenir à la vie.

– À vous entendre, je n'arrive pas à savoir si vous me faîtes un compliment, ou si vous m'adressez une insulte.

– Peut-être les deux...

– Sénile ingrat, marmonna aussitôt Morgane.

Elle savait que l'insulte n'était pas bien grave, et de toute façon, ce vieux fou ne faisait plus partie de l'Élite, il ne pouvait donc pas la punir pour son insolence. Il n'aurait qu'à avaler sa barbe en enrageant de la voir lui casser les pieds à nouveaux, si ça l'énervait.

La pré-Élitienne cachéeWhere stories live. Discover now