Le petit ami

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Ce matin-là, tout était normal. Je m'étais levée en retard, avais passé le petit déjeuner, avais accouru à mon arrêt de bus, pour m'apercevoir que le car était en retard - comme d'habitude. Entrée dans le bus en saluant vaguement le chauffeur, encore essoufflée de mon incroyable et inutile course contre la montre. Rien d'inhabituel jusqu'ici.

Les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, cachées par mes longs cheveux bruns et raides, je regardais par la fenêtre, déjà salie par un voile d'eau et de poussière collé à la paroi.

Jusqu'à ce que l'on pose une main sur mon épaule. Je sursautais, surprise. Ceci était inhabituel, j'étais toujours seule dans le bus, il y avait bien quelques élèves de mon lycée, mais aucun ne me connaissait ou faisait attention à moi.

Je me retournais donc vers la personne qui avait osé me déranger, et découvris un visage presque parfait, au teint de porcelaine, encadré de longs cheveux blonds soigneusement bouclés et aux yeux verts jaunâtre.

Je l'avais déjà vu quelque part, ce visage, j'en étais sûre. Et c'était ce qui faisait que la situation était encore plus inhabituelle qu'elle ne le paraissait.

- Maxine ? me reconnut l'adolescente qui me dévisageait.

- Oui ? répondis-je simplement.

Cette fille me disait vaguement quelque chose. Un souvenir lointain, comme une chanson seulement entendue, qu'on réécoute par hasard. Un étrange sentiment de déjà-vu, comme dans un rêve, sauf que celui-ci était bien réel.

La jeune fille s'assit à côté de moi, m'offrant un sourire aux dents implacablement blanches et alignées.

- Tu ne me reconnais pas ?

- Vaguement, je suis désolée... m'excusai-je.

Je l'observais plus attentivement. Elle se tenait droite, son sac posé sur ses genoux découverts de par la jupe qu'elle portait. Un sac de marque, assez chère. Alors je remarquais que tout ce qu'elle avait sur elle valait sûrement le triple, voir le quadruple de ma facture de téléphone le mois-dernier.

Je ne connaissais qu'une seule personne de ce genre-là, de ce genre à être mieux habillée que quiconque, mieux élevée, et qui n'avait strictement rien à faire dans un bus à sept heures du matin.

Julia De Castre.

- Tu n'as pas changé Maxine, me sourit Julia.

- Toi non plus...

Julia était une connaissance de collège. C'était elle, qui, en première année, où j'étais totalement perdue, m'avait aidée, prise sous son aile ; c'était elle qui m'avait invitée chez elle des milliers de fois ; c'était qu'elle qui m'avait présentée à toutes ses amies ; c'était elle qui s'amusait à parler dans mon dos alors qu'elle faisait comme si rien n'était devant moi ; c'était elle qui m'avait ridiculement laisser tomber en plein milieu d'année, ruiné mes années collège, et effacé le peu de confiance que j'avais en moi.

- Quand même un peu, rit-elle.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? lui demandai-je un peu trop sèchement.

Cinq années étaient passées. Peut-être avait-elle oublié, ou non. Peut-être qu'elle s'en voulait, ou ne regrettait en aucun cas ces choix. Mais, en tout cas, elle me parlait comme à une vieille amie. Ce que je ne comprenais pas forcément. Alors je me méfiais. J'en avais totalement le droit, après tout ce qu'elle m'avait fait subir.

- Oh, et bien, j'ai décidé de prendre le bus, tout simplement...

Je savais qu'elle mentait, jamais elle n'aurait choisi de son plein gré de prendre le bus alors qu'un chauffeur la conduisait ou elle voulait - et ça je le savais même après cinq ans.

Le petit amiWhere stories live. Discover now