1 - Celle qui court

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Elle courait. Autour d'elle, les arbres avaient pris des couleurs chaudes. Rouge, jaune, orange, brun. Parfois une feuille se détachait et tourbillonnait doucement jusqu'au sol, rejoignant ses sœurs pour former un tapis aux couleurs éclatantes. L'automne était arrivé et chaque arbre portait son empreinte. Mais elle ne voyait rien de tout cela. Elle courait, c'est tout. Sans trop savoir vers où, mais elle courait. Son cœur battait à toute allure. Des larmes brouillaient sa vision et roulaient sur ses joues avant de s'écraser au sol. Tenant les pans de sa robe entre ses mains, elle courait comme une biche effarouchée, avec l'énergie du désespoir. Plus rien ne comptait, si ce n'est fuir, le plus loin possible.

Elle finit par s'arrêter, le souffle court. Ses jambes s'effondrèrent sous elle et elle s'écroula aux pieds d'un arbre. Elle ne savait pas où elle était mais elle s'en moquait. Sa course effrénée arrêtée, les pensées qu'elle fuyait lui revinrent à la figure et elle éclata en sanglots.

« Anne, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer ! »


Ses cheveux bruns relevés en un chignon, elle nourrissait les chèvres. Elle aimait bien ça, nourrir les bêtes. Les animaux qui se pressaient contre elle la faisaient rire. Ils l'aimaient bien, quand elle leur apportait à manger ! Parfois même, ils la faisaient tomber dans la boue. Mais ça valait toujours mieux que de tisser ou cuisiner pour huit. Elle s'éloigna des chèvres, désormais totalement désintéressées d'elle, et sortit de l'enclos. La jeune fille s'assura que le portail était bien fermé puis s'éloigna d'un pas tranquille.

Elle traversa la cour, son seau vide dans les mains, et passa devant son neveu et sa nièce. Ils jouaient bruyamment. À moins qu'il ne se bagarrent. C'était difficile de deviner en général, et cette fois-là ne faisait pas exception à la règle. Elle soupira, amusée, et ne put empêcher un sourire d'éclore sur ses lèvres.

La matinée continua ainsi, comme chaque jour. Chacun accomplissait ses taches, et parfois un incident venait rompre la routine, comme une chèvre qui s'échappait ou un panier d'œufs renversé.

Vers midi, son père revint des champs, un grand sourire sur le visage. À peine entré, il se dirigea vers elle.

- Anne, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer !

La jeune fille se figea. Elle ne voulait pas entendre ce qu'il allait dire. Elle ne voulait pas savoir qu'elle était cette grande nouvelle qui rendait son père si fier. Mais elle ne pouvait pas l'empêcher de parler.

- Je t'ai trouvé un mari.

Son cœur manqua un battement.

- Quoi ? murmura-t-elle faiblement.

- Je t'ai trouvé un mari. Le fils du maréchal-ferrant. Il a l'âge de prendre une épouse et c'est un gentil garçon. Il fera un bon époux.

- Mais... mais je ne veux pas me marier !

Sa mère s'approcha d'elle et lui prit les mains.

- Anne, tu as dix-sept ans ! Tu es une femme maintenant !Tu ne pourras pas rester vivre avec nous indéfiniment. À ton âge, ta sœur était déjà mariée, et moi j'attendais mon premier enfant. C'est ton tour désormais.

Elle soupira face au regard dévasté de sa plus jeune fille.

- Je comprends que tu ais peur. Le mariage est un saut dans l'inconnu. Mais je t'assure que tout se passera bien. Je connais le garçon dont ton père parle. Quand je lui ai parlé, il m'a parut tout à fait charmant. Il te rendra heureuse, j'en suis sûre. Et tu as de la chance, il est plutôt beau garçon !

Anne était bouleversée. Elle savait très bien que quoi qu'elle dise, ils ne changeraient pas d'avis. Leur décision était prise. Et elle savait qu'elle aurait du être heureuse, se réjouir de son mariage prochain ! Mais elle ne pouvait s'y résoudre. Ce n'était pas ce qu'elle voulait. Lentement, sans un mot, elle retira ses mains des mains de sa mère, puis recula doucement.

- Anne, commença son père.

Mais elle n'attendit pas la fin de sa phrase et partit en courant. Elle traversa la cour de la ferme, passant devant les enfants de son frère qui la regardèrent, ébahis. Elle couru à travers le village sans même ralentir, slalomant entre les habitants et les animaux. Et elle ne s'arrêta pas lorsqu'elle atteint la forêt.


Elle courait. Autour d'elle, les arbres avaient pris des couleurs chaudes. Rouge, jaune, orange, brun. Parfois une feuille se détachait et tourbillonnait doucement jusqu'au sol, rejoignant ses sœurs pour former un tapis aux couleurs éclatantes. L'automne était arrivé et chaque arbre portait son empreinte. Mais elle ne voyait rien de tout cela. Elle courait, c'est tout. Sans trop savoir vers où, mais elle courait. Son cœur battait à toute allure. Des larmes brouillaient sa vision et roulaient sur ses joues avant de s'écraser au sol. Tenant les pans de sa robe entre ses mains, elle courait comme une biche effarouchée, avec l'énergie du désespoir. Plus rien ne comptait, si ce n'est fuir, le plus loin possible.

Elle finit par s'arrêter, le souffle court. Ses jambes s'effondrèrent sous elle et elle s'écroula aux pieds d'un arbre. Elle ne savait pas où elle était mais elle s'en moquait. Sa course effrénée arrêtée, les pensées qu'elle fuyait lui revinrent à la figure et elle éclata en sanglots.

Elle ne voulait pas se marier ! Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait, en fait, mais ce n'était pas ça. Se marier avec un presque inconnu. Lui faire des tas d'enfants. S'en occuper jour après jour, tout en s'occupant de la ferme. Faire la cuisine et le ménage. Et faire la même chose chaque jour, encore et encore. Non, ce n'était pas pour elle. Mais que pouvait-elle faire désormais ?

Lorsque les feuilles tombentWhere stories live. Discover now