Murmures

Chapitre 6- Un coin tranquille

Léonie s'avança jusqu'à la table et lança à la femme, qui n'avait pas décollé le nez de son portable depuis son entrée dans l'établissement:

- Salut ! Comme on se retrouve... Coïncidence ou signe du destin ? !

- Je ne crois pas au destin... Ni aux coïncidences, d'ailleurs ! Vous me suivez ? ! S'interrogea Nora.

- Moi, je n'oserais pas ! Il se trouve que vous avez choisi mon bar préféré. Je m'y rend toujours quand je passe en ville.

- Comme c'est étrange.

- Je ne le vous fais pas dire !

- En même temps, je crois que c'est le seul bar ouvert ici le soir !

- C'est ce que j'ai dit: mon bar préféré le soir en ville ! Vous permettez ? Demanda Léo en montrant la place vide en face de la jeune femme.

Qui ne dit mot consent... Et comme aucun refus ne lui était opposé, elle se laissa tomber sur la banquette.

- J'allais diner...

- Alors, nous commencerons par un apéritif. Fit Léo à la serveuse qui prenait note des desiderata culinaires de la rousse.

Quand leur commande fut partie en cuisine, un ange passa et se fut Nora qui l'éloigna d'une pichenette:

- On n'a pas vraiment été présentées officiellement, je crois: Eléonora Lesage, une amie de la famille de Camille.

Ainsi, c'était une amie de la mariée. Sa sœur ne lui avait jamais parlé de cette fille. Mais en même temps, ses sœurs étaient très actives socialement, et cela faisait plusieurs années que Léo ne faisait que passer en coup de vent. Lorsqu'elle débarquait, à l'improviste le plus souvent,  celles-ci étaient absentes: soit en voyage d'études, soit à la faculté. Cela faisait d'ailleurs bien cinq années que son travail aux quatre coins de la planète l'avait tenu éloignée des réunions de famille. En plus, depuis plusieurs mois, sa puinée vivait chez son fiancé à quelques heures du domaine. Léo avait eu peu l'occasion de s'enquérir du florilège d'amis de sa sororité.

- En fait, je connais les Salomon depuis des années, ajouta la jeune femme.

- Ah oui ? !

- Oui, Sarah et moi, on s'est rencontré au collège. On s'est toujours bien entendu. On peut dire qu'on est presque des sœurs. Je ne pourrais même pas compter le nombre de fois où la mère de Camille m'a accueilli à sa table ou dans sa maison pour la soirée, la nuit ou le week-end.

- C'est vrai ? ! Vous devez effectivement être chanceuse: avoir pu profiter aussi pleinement d'une aussi belle amitié !

- Oui. Et vous, comment connaissez-vous Sarah et sa famille ?

- Ohh Sarah ( Ma chère Sarah, ma petite sœur chérie, pourquoi m'avoir cachée ta belle amie durant toutes ces années? Se demanda Léo )... On peut dire qu'on se connait depuis des années: nous étions très proches avant, même si je l'ai un peu délaissée... Et nous avons eu une période de "break" quand je suis partie sans un mot. Mais, je suis de retour, je le lui ai promis que je serais à ses côtés encore de nombreuses années, quand nous nous sommes revues et que je me suis expliqué sur mon départ précipité.

Nora jeta un regard furtif sur sa main et l'anneau qui ornait son doigt. Elle n'y avait pas fait attention lors de leur premier échange. Ainsi, elle aussi était "engagée". Et d'après ce qu'elle venait d'apprendre: avec Sarah, semblait-il. Son amie ne lui en avait pas vraiment parlé, mais c'est vrai qu'elle avait laissé échapper une ou deux remarques plutôt sibyllines sur la jeune femme: qu'elle avait disparue il y avait une dizaine d'années sans explication, qu'elle venait de rentrer, qu'elle ne s'attendait plus à son retour mais que tout était pardonné. Oui, Nora comprenait mieux: un amour de jeunesse qui réapparait, et sa Sarah en est toute chamboulé.