2 | ᴅᴇᴜx sᴇᴍᴀɪɴᴇs

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|sᴇʟᴇɴᴀ|

— Il ne t'a toujours pas rendu visite ? Assise en face de moi en sirotant son thé, Katheline écoute ma frustration provoquée par mon frère.

Cela fait déjà deux semaines que j'ai appris qu'il serait en ville pour quelque temps, et depuis deux semaines, je n'ai reçu aucune nouvelle.

Elle a rapidement remarqué mon attitude morose lorsque nous nettoyions le hall du musée, et a insisté pour que je déballe tout ce qui me tracasse. Je lui ai donc raconté pour mon frère et pour Charles, lui expliquant qu'il était le deuxième à être au courant pour mon père après elle.

Elle l'avait découvert en entrant dans les vestiaires et avait vu mon dos violacé. Étant mère de famille, elle n'a pas pu vivre comme si de rien n'était, alors j'ai fini par tout lui expliquer. Que ce soit sur mon frère qui s'est volatilisé à Manchester, ma mère qui est plus au travail qu'à la maison, et l'alcoolisme de mon père.

— Non, il doit sûrement loger chez un de ses potes, ou dans un vieux motel, supposai-je en rangeant le balai dans le débarras

— As-tu essayé de l'appeler ?

— Il l'aurait déjà fait s'il le voulait.

Le regard de pitié que me lance Kat me fait terriblement mal, car malgré le fait que son choix soit une trahison pour moi.

Vouloir fuir l'enfer est naturel, non ?

Esteban sait ce qui l'attendait s'il ne partait pas immédiatement de la maison, surtout que petit, c'était lui qui recevait le plus de coups. Car selon mon père, l'homme doit souffrir plus que la femme, il disait qu'elles sont trop faibles pour recevoir ce genre de correction.

Pourtant, ce n'est pas ce qui l'empêche de me « corriger » aujourd'hui.

Je ne suis pas en colère contre lui pour avoir fui, je suis en colère parce qu'il fait comme si mon corps n'était pas marqué par mon géniteur. Il ne me demande plus si ça va, il ne soigne plus mes blessures, il ne m'aide plus.

Mon frère vient de me jeter dans une eau glacée, sachant pertinemment que je ne sais pas nager. Il est en train de causer la perte de mon âme que j'ai tant essayé de sauver. Pourtant, j'ai encore besoin de l'avoir près de moi, j'ai encore besoin de mon grand frère.

— Tu sais Selena, des fois il faut faire le premier pas si la personne devant nous a trop peur, me conseille-t-elle en se levant de sa chaise.

— Tu crois que je n'ai pas essayé ? Je n'ai pas arrêté de l'appeler durant des mois, mais il ne répondait que rarement, et lorsqu'il répondait, il me disait : « je n'ai pas le temps, rappelle-moi une prochaine fois »

Une vague de chaleur me frappe en même temps que le bruit de la serpillière qui est tombée au sol. Mes mains asséchées par les produits ménagers récupèrent le manche à balai qui vient de tomber et je m'enfonce dans le débarras.

— Essaye encore, ou même, va le voir, réplique-t-elle en retirant son tablier. — Il ne pourra pas fuir cette fois-ci.

— D'accord mais je n'ai aucune idée de où il est exactement, ajoutai-je en déposant à mon tour le tablier dans mon casier.

J'avais déjà pensé à l'affronter à vive voix, mais à chaque fois qu'il apparaissait à la maison, il n'y restait qu'une heure avant de sortir boire des verres avec ses potes. Il me saluait simplement, comme si j'étais une simple passante dans la rue. J'étais devenue insignifiante à ses yeux.

— Tu es perspicace Selena, tu trouveras.

Sa voix est devenue plus douce que d'habitude, bien que de base on pourrait croire qu'elle est un ange tombé du ciel. Cette femme est devenue la seule partie de douceur de mon monde, comme une petite ange gardienne qui me guide.

ᴛʜᴇ ʜɪᴅᴅᴇɴ sᴄᴀʀs Where stories live. Discover now