𝗥𝗘𝗗 𝗟𝗜𝗚𝗛𝗧 𝗗𝗜𝗦𝗧𝗥𝗜𝗖𝗧 || Vitrine 🄽 ° 7

𝘾𝙝𝙖𝙥𝙞𝙩𝙧𝙚 𝟭𝟮 : l'autruche.

Une fois dehors, elle se mit à courir plus vite en direction du canal, haletante et impatiente de se retrouver devant l'inconnu pour libérer les cordes invisibles de la rage qui l'étreignait.

Une fois de plus, elle traversa la rue à grands pas heurtés, sans se soucier de la marée des automobiles, dont une faillit la frôler, ni de leurs coups de klaxons nerveux, ni des passants qu'elle bousculait malencontreusement sans s'excuser et sans leur jeter un seul regard. Elle ne prêta guère attention à leurs jurons d'exaspération qui la traitaient tantôt de toquée, tantôt de suicidaire…

Au-dessus d'elle, une expansion sphérique des feux d'artifice continuait de remplir le ciel cotonneux d'une émeute festive de couleurs pour donner le coup d'envoi au festival des lumières, qui durerait deux mois. Les sculptures lumineuses enchanteresses, créés par des artistes surdoués, parsemaient en abondance l'horizon, lui conférant des teintes flamboyantes. Hélas ! Même ce spectacle éblouissant ne réussissait pas à égayer un peu son humeur sombre. La terrible scène de son humiliation refusait de sortir de sa tête. Elle la revivait en boucle. Paradoxalement, cela lui procurait l'énergie nécessaire pour remettre l'inconnu à sa place. Quel culot de s'emporter contre elle pour un baiser au goût amer, dont elle n'était pas responsable et de chercher ensuite à la décrédibiliser aux yeux de sa mère tout en sachant qu'elle était de santé fragile ! 

Il était grand temps qu'elle adopte une autre stratégie de défense, à plus forte raison si elle ne voulait pas que sa mère soit victime d'une récidive post-opératoire et que Raya fasse une tentative de suicide. Le fait que son inconscient se permette de lui envoyer l'image érotique de Gabin en train de lui bouffer sans répit la poitrine relevait de la catastrophe assurée, surtout quand Raya n'était pas loin. Elle avait commis une erreur incommensurable en acceptant de travailler sous sa direction. Elle avait créé une proximité dangereuse entre eux. Elle devait trouver un autre moyen d'éponger sa dette faramineuse, faute de quoi, elle risquerait de subir à longueur de journée des harcèlements de toutes espèces, sans pouvoir réagir. Elle avait commis suffisamment de contraventions pour oser solliciter l'aide des forces de l'ordre. Tout au fond de son cœur, elle avait toujours rêvé de donner de grands concerts de violon dans le monde entier. Elle était née pour être violoniste. Ce talent musical, elle l'avait dans les gènes, transmis par sa mère biologique. Elle était elle aussi une musicienne virtuose. Mais son père égoïste ne l'avait pas laissé faire carrière dans ce domaine. Peut-être si elle commençait à interpréter de longs solos dans les églises et les salles de spectacle, elle pourrait empocher une somme rondelette et rembourser son maître chanteur. En réalisant qu'elle portait toujours les baskets offertes par lui, elle se détestait… 

Maintenant, elle avait la preuve que Gabin était un mythomane de la pire espèce, tellement immoral qu'il n'avait pas hésité à profiter de la situation pour l'embrasser contre sa volonté alors qu'il lui avait donné sa parole d'honneur de ne pas la toucher. 

L'infâme connard ! 

Quelle stupide elle avait été d'accorder le moindre crédit à la promesse d'un manipulateur sans foi ni loi ! Elle tenta de se donner bonne conscience en se répétant qu'elle était victime de sa fourberie. Mais au fond d'elle, elle savait qu'elle méritait tout ce qui lui arrivait, car elle était responsable en grande partie du malheur qu'elle vivait actuellement. À trop vouloir contrarier l'inconnu, elle avait oublié qu'elle s'exposait aux risques de graves représailles.