2. Brouiller les pistes

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J'avais merdé. Magistralement merdé.

Une semaine s'était écoulée depuis notre réunion avec Mobius – et depuis cette fameuse fois où il avait bien failli nous surprendre, Loki et moi, dans une position, disons... aussi acrobatique que préjudiciable. Il s'en était fallu de peu. Mais cela n'avait pas été le pire.

La séance de travail qui avait suivi m'avait redonné l'espoir de coincer notre fugitif. Le peu d'informations que mon collègue et moi avions collectées dans les archives s'étaient avérées de la plus haute importance et, en les croisant avec les observations des agents de terrains, nous nous étions rendu compte que notre variant reproduisait les mêmes actions que l'individu dont il était issu – appelé individu zéro dans notre jargon. Il devenait alors possible de prédire ses prochains mouvements.

Les jours suivants avaient été dédiés à la préparation d'une intervention sur le terrain. Enfin le terrain. Mobius m'avait laissé prendre la tête de l'opération et la pression pesait lourd sur mes épaules. Loki avait compris l'importance de ce moment pour la TVA – et autant dire qu'il s'en fichait – mais il avait aussi saisi l'importance de ce moment pour moi – et cela, en revanche, il ne s'en fichait pas. Il avait été là pour me soutenir, me rappeler tous les détails importants que nous avions collectés et m'assister dans l'élaboration d'une stratégie. Dès la première fois où nous avions travaillé ensemble, son audace et son assurance s'étaient assortis à merveille avec ma propre ténacité. Durant cette nouvelle mission, il avait été, une fois de plus, le parfait coéquipier.

Mais voilà ; moi en revanche, j'avais merdé.

L'opération avait été un fiasco complet. Mobius avait tenté de me rassurer ; cela n'était pas de ma faute, je ne pouvais pas savoir que le variant aurait un complice. En effet, je n'aurais pas pu l'envisager puisque j'avais imaginé un scénario basé sur la seule reproduction des actions de l'individu zéro. Je semblais avoir oublié que la qualité principale d'un variant, c'est de varier.

— C'est la caractéristique la plus spécifique des variants. Je travaille littéralement avec un variant tous les jours ! Et j'ai omis cela !

À cause de ma négligence, mon équipe n'avait pas été configurée pour appréhender deux personnes et les fugitifs s'étaient évaporés. Cet échec nous ramenait au point de départ : la salle des archives classées où y collecter des informations sur les prochains mouvements de notre variant.

— Je sais que tu as fait ce que tu pensais être le mieux, avait tempéré Mobius. Tu n'es pas du genre à bâcler ton travail. Ne te sens pas coupable de ne pas pouvoir contrôler tous les paramètres, parce que c'est impossible.

Le lendemain de l'opération, alors que Loki était déjà descendu aux archives pour y travailler, mon supérieur m'avait retenue dans son bureau pour me tenir ce discours. Il avait réaffirmé sa confiance en moi et en mes capacités pendant dix longues minutes et, sur le moment, je m'étais sentie mieux ; mais à présent, dans l'ascenseur qui me ramenait vers les sous-sols obscurs de la TVA, l'anxiété s'insinuait à nouveau en moi. Une petite voix dans ma tête ne cessait de me répéter combien j'étais misérable et incompétente.

Après un interminable trajet sous terre, les portes s'ouvrirent et je retrouvais la pénombre des lieux aux allures de crypte. Un souffle d'air glacial m'effleura le visage alors que je sortais de l'ascenseur. Je suivis le chemin familier dans les profondeurs des étagères métalliques. Des particules de poussière dansaient sous les pâles faisceaux des lumières qui tombaient du haut plafond. Un silence absolu régnait, troublé seulement par la réverbération de mes pas sur les murs nus et froids.

Loki m'attendait dans l'allée où nous avions suspendu nos recherches la semaine dernière. Debout dans la faible clarté des lampes, il tenait dans ses bras un classeur ouvert et quelques boîtes en carton s'entassaient à ses pieds. Je notai qu'il avait gardé sa veste de variant, dont il avait relevé col. Il la portait toujours ainsi, ce qui ne soulignait que davantage son cou élégant et l'arête vive de sa mâchoire ; un détail que je trouvais très séduisant chez lui.

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