Chapitre 1 : Premiere lueur

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 Eline tressaillit. Le soleil d'été, déjà brûlant, inondait sa chambre. La caresse de l'astre sur sa peau l'apaisa peu à peu. Elle demeura étendue pendant un moment, son souffle haletant après une nuit agitée. Un bref coup d'œil à son environnement lui insuffla un sentiment renforcé de sécurité. Les murs étaient un patchwork d'œuvres d'art, où des croquis au crayon finement tracés se mêlaient à des peintures éclatantes. Chaque dessin racontait une histoire, dévoilant les différentes facettes de la personnalité douce et réfléchie d'Eline. Des paysages enchanteurs aux portraits expressifs, en passant par des compositions abstraites. Des esquisses rapides griffonnées au dos de vieux billets de concert se confondaient en harmonie à des illustrations minutieusement travaillées.

Des étagères disséminées à travers la pièce servaient de vitrines pour d'autres projets en cours. Des carnets à croquis à moitié remplis, des tubes de peinture usés et des pinceaux démontraient son engagement passionné. Des affiches ornées de citations inspirantes complétaient l'ensemble, alimentant ses idées et la rappelant sans cesse à sa passion pour la création. Un sanctuaire artistique où elle pouvait laisser voguer ses envies, s'évadant ainsi des contraintes écrasantes de la réalité.

Dans un coin baigné de lumière, un chevalet supportait un portrait inachevé, celui de sa meilleure amie, Malia. Les contours étaient déjà tracés avec précision, tandis que les nuances de son teint d'ébène et de ses taches de rousseur, héritées de ses origines métissées, commençaient à prendre forme. Eline avait réussi à capturer, à travers le regard de Malia, l'espièglerie qui la caractérisait si bien. Ses yeux empreints d'une profondeur indicible, semblables au nectar doré d'une ruche.

Son amie lui manquait, surtout pendant ces deux longs mois de vacances scolaires où elle était absente. En juillet, Malia s'était envolée vers l'Afrique pour rejoindre la famille de son père, puis elle avait embrassé l'Écosse en août pour retrouver les siens du côté maternel. Bien qu'elle chérissait sa vie à Eldoras, la jeune fille ne se sentait pas à l'aise en restant confinée dans un seul endroit. Son cœur était assoiffé d'aventure, avide de découvrir les trésors cachés dans les paysages variés du monde entier.

Passionnée par la nature, elle se fascinait pour la diversité de la faune et de la flore. Ses parents avaient même érigé une imposante serre dans le parc derrière leur café-bibliothèque, où Malia avait passé des heures à contempler les plantes. Petite, elle croyait connaître chaque insecte qui avait élu domicile dans cet écosystème miniature sous verre.

Cependant, à l'approche de ses dix-huit ans, un sentiment d'insatisfaction progressait en elle. Elle aspirait à quelque chose de plus grand, à parcourir le monde au-delà des montagnes d'Eldoras qui semblaient lui faire office de remparts.

Sur ce point, Malia et Eline étaient aux antipodes l'une de l'autre. Eline trouvait son refuge dans l'isolement de sa chambre ou au cœur du jardin d'hiver de sa demeure. Pourvu qu'elle ait à portée de main ses crayons et son carnet de dessin, le reste de l'univers pouvait bien s'effacer. Elle se perdait pendant des heures dans ses créations. En une bulle de concentration si intense que les mouvements du soleil, caressant son visage sous toutes ses coutures au fil de la journée, ne parvenaient pas à en troubler sa quiétude. L'astre lui-même jouait les voyeurs, curieux de découvrir sous quel nouvel angle il pourrait éclairer ses traits, tandis qu'elle donnait vie à ses visions d'artiste.

Eline laissa son regard s'attarder un moment sur la toile devant elle, son esprit agité par le désir inassouvi de la voir achevée avant la rentrée. Sa passion, toutefois, avait été reléguée au second plan, sacrifiée sur l'autel de son exigence scolaire. Elle s'était engagée dans des cours particuliers pour hisser son niveau encore plus haut, bien qu'elle brille déjà dans de nombreuses disciplines. Mais dans la quête de l'excellence, « suffisant » n'était jamais au rendez-vous. Elle se devait de surpasser, de se frayer un chemin anticipé vers l'université, refusant de se laisser engloutir par les flots tumultueux des études supérieures. Elle était consciente de la nature souvent impitoyable de cet univers, où la compétition pouvait amener certains à entraver la route des autres pour se distinguer.

Les SœurcièresWhere stories live. Discover now