Chapitre 4. De sang et d'os

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Le temps semble s'étirer, s'étirer à l'infini, comme si le monde extérieur s'était figé dans une suspension irréelle. Émilie sentit son rythme cardiaque s'accélérer, chaque battement résonnant dans ses tempes comme un tambour de guerre.La boule au ventre qu'elle ressentait était plus qu'une simple anxiété. C'était une peur viscérale, une terreur profonde qui lui enserrait les entrailles, lui faisant ressentir une vulnérabilité sans précédent. Chaque fibre de son être semblait vibrer sous l'effet de cette émotion écrasante, comme si elle était au bord de l'effondrement. Dans cet état de terreur intense, son esprit semble se déconnecter progressivement de la réalité. Une étrange dissociation s'empara d'elle, résulta en une sorte de transe dans laquelle elle se sentait à la fois ancrée et désincarnée. Ses pensées semblaient flotter dans un océan d'obscurité, comme des éclats de fragments de réalité qui se heurtaient sans but. L'instinct de survie, primal et puissant, prend le dessus. Une force invisible semblait la pousser à agir, à se défendre contre le danger imminent. Son corps semblait agir de lui-même, chaque mouvement dicté par un réflexe de protection inné. Les battements de son cœur dévenaient un tempo hypnotique, devenant spectatrice de son comportement bestial une phrase prononcé bien des années auparavant par son gand-pére résonnat dans son esprit : 

Certains lapins, pris au piège, préféraient se ronger le membre prisonnier plutôt que de se laisser capturer.

Un groupe de lapins explore une clairière, leurs longues oreilles se dressant avec méfiance à chaque bruissement de feuilles. Leur fourrure douce et leurs grands yeux vifs cachent cependant une capacité à s'adapter aux situations désespérées.Parmi eux se trouvent un lapin jeune et intrépide, curieux de nature. Il est le premier à s'approcher d'un piège, inconscient du danger qui se cache dans les mécanismes ingénieusement conçus. Le piège se referme avec un cliquetis sec, emprisonnant la patte du lapin. Le lapin, submergé par la peur et la panique, tente désespérément de se libérer. Mais les mâchoires d'acier du piège restent en place, enserrant sa patte fragile. Le temps s'étire dans un étrange ralenti, les secondes devenant des éternités alors qu'il lutte pour sa vie. Dans cette situation critique, ses instincts de survie s'éveillent. Il entre dans un état presque frénétique de détermination. Les dents pointues du lapin se sont imposées sur sa propre patte emprisonnée, et il commence à mordre, à ronger sa propre chaise pour échapper à ce piège mortel. La douleur est déchirante, presque insoutenable, mais le lapin persiste. Sa petite gueule se referme encore et encore, des gouttes de sang mêlées à sa salive. Le son du rongement est à la fois glaçant et déchirant, un témoignage de la lutte acharnée pour la vie. La patience du lapin est mise à rude épreuve, mais il continue à mordre, à ronger, ignorant la douleur lancinante. Finalement, après des efforts épuisants, le lapin a réussi à briser ses propres os, à déchirer sa chaise. L'odeur métallique du sang emplit l'air alors qu'il gagne enfin sa liberté. Sa patte blessée pend à un angle étrange, mais il est enfin libre

Certains lapins, pris au piège, préféraient se ronger le membre prisonnier plutôt que de se laisser capturer.

Émilie porta de nouveau la main à sa bouche. Il se remit à ronger, doucement d'abord, refoulant les larmes qui lui montaient aux yeux. La douleur était insoutenable. Si forte et violente qu'une onde glacée lui traversa le corps le long de la colonne vertébrale. Le goût sucré de son propre sang qui s'écoulait maintenant de la plaie l'incita à mordre à pleines dents pour abréger ce supplice et à arracher des lambeaux de sa propre chair. La douleur avait dépassé le stade de l'insupportable.  La brûlure intense qui émanait de sa main semblait s'étendre à tout son corps, comme si chaque fibre de son être était connectée à cette souffrance insidieuse. Une onde glacée d'agonie traversa sa colonne vertébrale, lui arrachant un frisson involontaire.

C'était sa seule chance de fuir. Elle déchiqueta sa chaire jusqu'à l'os. Son membre décharné rendus poisseux par le sang finit par se glisser en dehors de la menotte. La pièce semblait tourner autour d'elle, comme si la réalité elle-même se pliait à souffrance. Finalement, dans un geste désespéré, elle sentit un frémissement de relâchement alors que sa main enfin se dégageait de la menotte qui la retenait captive. Un cri étouffé de triomphe et de douleur s'échappa de ses lèvres, mêlant l'agonie à la libération. Son bras, poisseux de sang et déformé par l'acte de mutilation, pendait maintenant librement, une preuve tangible de sa résilience face à l'horreur.  Émilie était maintenant affaiblie, épuisée, mais elle avait gagné sa liberté, même si elle l'avait arrachée à ses propres dépens.

Émilie se redressa et fixa les escaliers menant à l'étage. Des bruits métalliques lui parvenaient. Il cherchait le meilleur instrument pour la tuée. Elle le savait, avait pleinement conscience que le jeu du lapin et du chasseur qui se déroulait dans cette maison allée être mortel. Elle savait également qu'elle était la proie, que sa meilleure chance était la fuite.

Doucement, elle gravit les marches. La porte d'entrée avait été verrouillée par Calvin, en cherchant les clés, elle risquait d'être surprise et de se retrouver prise au piège par son assaillant. Elle se dirigea vers le salon dans l'idée de sortir par la large fenêtre. Un frisson lui parcourut l'échine quand ses yeux aperçurent le puzzle, posé sur la table basse. 

La nuit était bien avancée, de l'extérieur elle n'apercevait que la silhouette sombre des arbres et l'éclat fantomatique de la lune. Soudain, elle sentit une présence derrière elle. Calvin se tenait sur le seuil de la porte, un couteau de cuisine dans la main. Il se rua vers la jeune femme, qui réussit à esquiver de peu son assaillant. Elle tenta de ressortir de la pièce, mais il lui bloqua le passage. Elle prit un vase sur sa table et lui jeta à la figure, il se protégea avec son bras. Les éclats de porcelaines jonchés le sol. Le couteau lui avait échappé des mains. Dans un élan, elle se jeta au sol pour le repousser sous un meuble hors d'atteinte. Calvin, la releva par les cheveux et la projeta contre un mur. Ils luttèrent de façon acharnée, lui avec son envie de voir cette femme morte et elle avec son désir de survivre.

Le courage du lapinWhere stories live. Discover now