6.2.

5 0 0
                                    

Iels se retrouvèrent dans une autre planque entourée de champs, des tipis de rhodonite parsemés un peu partout, un triangle translucide protégeant l'ensemble. En réalité, de l'extérieur, les parois agissaient de la même manière que la peau d'un caméléon grâce à un savant jeu de lumière.
C'était la première fois que Auréale voyait de telles habitations et des matériaux aussi sophistiqués.
Elle ne remarqua pas tout de suite certains petits animaux qui paissaient en toute sérénité. Son répertoire de connaissances était pourtant assez fourni, mais ceux là ne correspondaient à rien de ce qu'elle avait apprit : ils étaient rondouillards, le poil blanc parsemé de motifs mouchetés, le nez long, les pattes et la queue fines, deux doigts munis de griffes arrondies.
L'herbe et les autres végétaux semblaient presque artificiels.

Irène nota la stupéfaction de la jeune femme et s'approcha lentement.

- Je vois que tu es intriguée par les deikops, ce sont des êtres adorables. Tout ce que tu trouveras ici a été expérimenté en laboratoire, pas toujours dans le nôtre soit dit en passant. C'est le genre de choses qui va aussi te chambouler mais j'ai confiance en ton adaptation !

Auréale analysa les mouvements de sa bouche par réflexe. Une expression à peine visible passa mais elle n'arrivait pas à la décoder.

- Avec l'un de vos véhicules nous avons emprunté un curieux passage très sombre et j'ai eu comme un malaise, où sommes-nous allés ? où sommes nous ? demanda t-elle.

Irène lui fit signe de la suivre jusqu'à un tipi.

- Hiyuv nous a fait entrer dans une couche dimensionnelle. Nous sommes toujours à Flezac mais à l'abri, comme au milieu d'un mille-feuille.
Elle hésita sur ce dernier mot. La jeune femme avait-elle déjà savouré une pâtisserie ?
Cette dernière donnait l'impression de fouiller dans des archives intérieures, puis finalement sembla trouver la métaphore suave.
- Notre présence ici n'a encore pour le moment jamais été détectée par qui que ce soit. Ajouta la scientifique.

Elles entrèrent, tandis que Nicolas les surveillaient de loin. Des meubles en bois et métaux mélangés décoraient l'intérieur. L'espace s'étendait intelligemment, de sorte à donner à l'endroit un sentiment de paix.
Lorsque leur présence fut détectée, un petit son cristallin se fit entendre.

- Voici ton abri, déclara Irène. Je ne sais pas encore combien de temps nous resterons à cet endroit, d'autres vont nous rejoindre. Je t'encourage à participer au quotidien de chacun et chacune afin de te faire une idée de ce que nous entreprenons.
Elle désigna des ouvrages posés sur une couche d'inspiration japonaise.
- Je me suis permise de te faire une sélection de savoirs généraux sur ce qui t'entoure, sur la physique, sur les technologies, sur Vénus, et...
La femme hésita puis termina :
- Sur l'ancienne Terre.

Auréale ne commenta pas, s'imprégnant du décor. Finalement, une question la démangeait :
- Pourquoi ne restez-vous pas à l'abri ici ? ce n'est pas plus simple pour y travailler ?

Irène la considéra avec un drôle de sourire.
- Etant donné tous les chamboulements extérieurs, nous ne pouvons rester caché.e.s. N'oublie pas que notre but principal a toujours été d'agir.

La jeune femme s'assombrit.
- Si vous repartez, je viens avec vous,  je veux aussi vous aider. Je refuse de rester de nouveau cloitrée et à l'écart.

La scientifique dissimula habilement une micro expression et conserva un visage neutre, choisissant des mots efficaces.
- Je comprends. Cependant, cela pourrait aussi nous ralentir car nous ne pourrions pas assurer correctement ta sécurité.
Un discours franc serait le plus convaincant, il était inutile de tergiverser.
- Garde conscience que tu n'es pas une humaine classique. Si l'équipe met de nouveau la main sur toi, tu ne serais certainement pas en position de contrôler...ce que tu fais ou dis.

Auréale fut submergée par un autre sentiment inconnu. Cela gonflait à la fois ses poumons et la faisait aussi suffoquer.

- Personne ne sait qui je suis en définitive, articula t-elle, une ondulation courant le long de sa colonne vertébrale.
Sans trop s'en apercevoir, son corps se laissa tomber sur un gros coussin qui ornait le sol.
Elle déglutit à plusieurs reprises afin de faire passer le goût d'amertume qui emplissait sa gorge.
- Je ne laisserai plus personne me dire comment être. Je ne laisserai personne définir ce qu'est la conscience et la mienne en particulier !
Cette fois, ses jambes la firent bondir. Ses mains se saisirent des livres et les éparpillèrent dans la pièce avec un élan de colère.
- Je veux me découvrir toute seule  ! Je veux découvrir ce que je peux et dois faire ! cria t-elle excédée.
La respiration suffocante, elle peinait à concevoir ce tourbillon qui l'emportait brutalement.
- Je vous observe, vous avez aussi des intérêts dans toute cette histoire que vous me distillez à mi-mots, mais ne comptez pas sur moi pour changer de maître, être encore cet instrument.
Irène resta de marbre, écoutant attentivement.
Un long silence s'établit.

- Tu le fais déjà, te découvrir. Les responsabilités pèsent sur toutes les épaules. Conclut la femme.
Après quoi, elle rangea une encyclopédie qui se trouvait sur son passage, juste avant de sortir.

A l'extérieur, elle croisa Nicolas. Il se garda de lui faire part de son jugement au sujet des personnes conciliantes qui n'étaient, selon lui, pas faites pour mener un groupe et encore moins une mixte de ce type.
- Laisse-lui le temps de se reposer, proposa simplement Irène lorsqu'elle remarqua son air bilieux.

Durant ce temps, Hiyuv s'était faufilé.e vers un deikops pour lui redonner un peu d'énergie. Le pauvre animal ne se nourrissait pas assez, sensible aux vibrations de la couche primaire de Flezac.
Iel entreprit ensuite d'effleurer la porte du tipi.
Auréale hésita à ouvrir mais dés qu'elle sentit sa présence, elle fondit sur ellui en pleurs, comme si chaque saison et chaque temps s'alternaient sous chacun de ses organes.
Hiyuv ingurgitait sa douleur pour lui insuffler en échange une sphère tranquillisante.

- Viens avez moi, lui transmis t-iel, je vais te montrer tout ce que tu souhaites savoir.
A la lumière, ses cheveux roux se transformaient en éclat d'or.



HippunkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant