Chapitre 6 : Le terrier

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Aux abords de la ville de Lyon, Ethan attendait Halica depuis près d'une heure et son amie était la première à savoir que le garçon n'était pas de nature patiente, car elle ne l'était pas plus que lui. Après avoir fait les cent pas, modelé quelques lampadaires, poteaux, voitures et panneaux de signalisation à sa guise, il fut vite à court d'idées pour passer le temps et dut se résoudre au fait que Halica l'avait « planté ». Plus d'une heure de retard pour l'élémentale était rare et résumait le plus souvent à un oubli ou un refus de dernière minute non annoncé. La technologie n'étant pas le fort de la presque-deux-fois-centenaire, elle oubliait simplement de prévenir par téléphone ou par mail.

Il regarda sa montre en soufflant d'impatience et d'agacement mal réprimé. Bientôt une heure et demi qu'il attendait sur ce trottoir. Il regretta le temps de la ponctualité du 19e siècle dans sa terre natale, la Roumanie. A cette époque, on savait éviter les imprévus, en partant en avance pour commencer.

Les pieds de l'élémental se prirent dans une canette de soda dont le métal crissa sur le sol. Il donna un grand coup de pied et la fit voler jusqu'à une haie qui entourait une maison. Le projectile disparut dans un bruissement. La nuit commençait à tomber et les lumières de la rue se déclenchèrent créant d'avantage d'ombres et installant une atmosphère mystérieuse.

Les derniers rayons du soleil coloraient d'or et de rouille les façades des maisons de banlieue et illuminaient les tuiles auréolées. Le quartier était silencieux et désert, seul subsistait ce petit homme blond entièrement vêtu de noir qui s'agitait progressivement suivant que les minutes s'accumulaient. Aucun ne tentait de regarder par la fenêtre alors que le quartier, éloigné de la ville, avait pour habitude des tapages nocturnes et des individus à la présence louche. Les habitants s'en étaient accoutumés et ignoraient la vie extérieure par reflex évolutif.

C'est pourquoi personne ne remarqua l'ombre qui, tapis derrière le buisson où avait atterrie la canette, observait en silence depuis près d'une heure l'élémental impatient. Pour cette silhouette fondue dans l'ombre, la patience était ancrée dans les gênes et les minutes étaient un concept trop éloigné pour en tenir compte.

Ethan ne remarqua pas plus son épieur. Dans un élan de loyauté et de sympathie pour son amie, il décida de rester encore une demi-heure et de foncer ensuite à coup de ronflement de moteur de la moto qu'il s'était créé, pour dire tout haut ce qu'il avait sur le cœur. Sachant pertinemment qu'aucun mot ne toucherait la glaciale et pale brune, mais extérioriser ses émotions l'aidait à supporter ce siècle dément et de par son impassibilité, Halica était la « victime » des plus adéquates. Et en l'occurrence, la principale concernée.

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Alors que les deux filles disparaissaient dans un jardin de banlieue de Lyon, à une dizaine de kilomètres vers l'ouest, dominant l'horizon du centre d'un prés de propriété privée dont l'acheteur préféra rester anonyme, le quartier général des élémentaux tenait toujours malgré sa forme distordue et sa fragilité évidente, contre vents et tempêtes, pluies et intempéries. Cette base peu conforme abritait le jeune loup Louis, qui s'était vu obligé de quitter son domicile, ne pouvant payer le loyer.

La base n'était pas propice à l'habitation. Pas de cuisine, pas de véritables lits, ni de salle de bain mais un coin café et une petite table carrée dans un coin de la salle principale et des matelas disposés dans une petite pièce pour se reposer après les missions et maintenant pour les nuits sans cavales du loup-garou. Arduinna avait fait aménager des toilettes et un coin d'eau dans un renforcement de l'étage supérieur, sous les toits, par les soins du métallique Ethan et les siens pour raccorder l'installation à une fausse commune à l'arrière du Terrier. Car tel était le nom que Louis se plaisait à donner au QG d'après une série de roman qu'il avait lu à la bibliothèque la plus proche. Dans ces livres de fantasy, une maison tout aussi maladroitement bâtie était appelée ainsi et Louis y trouva là une appellation digne de leur lieu de rassemblement.

Le lieu était d'ailleurs, la plupart du temps, désert. Ses collègues ayant pour la grande majorité, une vie à l'extérieur de ces murs. Il vaguait à un train-train quotidien, prenant ce qu'il appelait des douches -qui n'étaient en réalité que des coups d'eau fraiche à grands renforts de gants- un café (augmentant considérablement la facture de Arduinna), galopant -littéralement- vers la ville pour s'acheter des provisions où grignoter à un snack, profitant des grandes étendues d'herbes pour gambader sous sa forme animale.

Certains jours, Ethan venait s'entraîner avec lui dans le pré, combats physiques ou pouvoirs contres habilités. Louis aimait particulièrement ces moments, il voyait en l'élémental le frère qu'il n'avait jamais eu.

Ce jour-là, justement, Ethan n'était pas venu. Contrairement à Gabriel ou Halica qui ne prenaient pas la peine de prévenir d'un éventuel retard ou d'une absence, Ethan était respectueux et ne lui aurait jamais fait faux bond. Alors Louis attendit, assis sous le porche du Terrier, comme un chien attendant son maître et meilleur ami. Une heure passa, puis deux. Il ne tint plus, il devait courir, se dégourdir les jambes, faire fonctionner ses muscles, sentir le vent sur sa fourrure, son espèce n'était pas faite pour rester immobile et ses membres engourdis le confirmèrent. Mais d'abord, peut-être serait-il bon d'informer Arduinna de la mystérieuse absence du Transylvanien.

Les élémentaux - Acte 1Where stories live. Discover now