Chapitre 4

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_ « C'est impossible !

_ Et pourtant je vous dis ce que j'ai vu Alice, il ne reste qu'une infime cicatrice sur son corps ! Comment est-ce possible ? »

La gouvernante, pour une fois, était sans voix. Elle avait vu les mains de Rose trembler lorsque cette dernière était ressortie de la chambre de l'inconnu.Il aurait du être au plus mal, fiévreux, voire mort, et pourtant,il semblait dormir paisiblement quand elle était entrée dans sa chambre au lever du jour. Elle ne s'était pas approchée de l'homme et avait seulement posé une fiole d'alcool et des linges sur la commode,près du lit, pour que sa maîtresse puisse s'occuper de l'homme quand elle se réveillerait. Jamais elle n'aurait pu imaginer ce que Rose venait de lui rapporter. Alice se remémora les histoire inquiétantes de démons incarnés en hommes que le Père Philémon contait aux enfants à l'orphelinat. La beauté saisissante de ces êtres, leurs facultés surhumaines... un frisson la parcouru.

_ « Madame, vous devez prévenir les autorités.

_ Pourquoi ferais-je cela ? Il ne nous a fait aucun mal...

_ Ce qui loge dans cette chambre est dangereux, Personne ne guéris aussi vite. Et que faisait-il autour de votre domaine ? Il doit quitter ces lieux,il en va de votre sécurité, la Bible mentionne l'existence de démons qui...

_ Alice ! Vous savez pertinemment ce que je pense des enseignements bibliques. Je vous rejoins sur le fait que cette guérison soit anormale, mais vous ne pouvez pas l'accuser d'être un démon. D'autant plus qu'il... dans la forêt il m'a parlé de mon père et... son visage m'est étrangement familier. Je dois éclaircir cela avant de condamner cet homme. »

Alice affichait un air horrifié. Levant les yeux au ciel, elle fit un signe de croix. « Que Dieu préserve cette maison » marmonna-t-elle en s'éloignant.

Rose ne put s'empêcher de sourire face à la ferveur religieuse de sa gouvernante. Non, Odon ne pouvait pas être une créature des enfers. Il était bien loin des démons à cornes du mythe biblique. Bien qu'elle ne s'expliquait pas la raison de la présence de cet homme sur ses terres, elle était toutefois heureuse de cette arrivée imprévue qui lui apportait une distraction d'un nouveau genre. Et puis Odon semblait connaître son père, il s'était certainement réfugié dans la forêt de Vagny pour cette raison. La jeune femme était, de toute façon, bien trop intriguée par cet homme pour le laisser partir si rapidement.

Le soir-même, elle retourna dans la chambre de l'inconnu. Elle tenait dans ses bras une pile de vêtements, trouvés dans l'armoire de son père.Odon était installé dans la même position que ce matin. Il était assis sur le lit, les jambes cachées sous les draps et le dos appuyé contre l'épaisse structure en bois de son lit. Il avait l'air reposé et confiant. Ses yeux se posèrent instantanément sur la jeune femme, qui s'approcha de lui et posa la pile de vêtements aux pieds du lit :

_ « Ces vêtements étaient à mon père... j'espère qu'ils vous conviendront. Berthe a essayé de laver les habits que vous portiez mais vous avez perdu tellement de sang... Ils étaient irrécupérables. »

Odon prit le temps d'observer la jeune femme. Elle avait les joues roses et ses yeux noirs brillaient d'un vif éclat. Elle portait une longue robe bleue en velours et ses boucles brunes reposaient négligemment sur ses épaules. Elle était incroyablement belle.

_ « Je n'ai pas pris le temps de vous remercier, Rose, pour l'aide que vous m'avez apporté.

_ Je vous en prie.

La jeune femme laissa planer un silence.

_ Je dois... il me faut savoir... Qui êtes-vous ?

_ Je m'appelle Odon Bar...

_ Non. Le coupa-t-elle.Qui êtes-vous vraiment ? Et comment connaissez-vous le nom de mon père ? »

Rose crut apercevoir de la peine dans les yeux du jeune homme.

_ Votre père était ami avec... le mien. J'espérais lui rendre visite, quand j'ai été attaqué. La suite vous la connaissez.

_ Cela ne répond pas à ma première question.

_ Je suis navrée, je ne peux rien vous dire de plus.

Rose garda le silence, agacée.

_ Pourquoi vous veut-on du mal ? Qui vous a infligé ces blessures ? »

Odon à son tour, resta silencieux. La jeune femme reprit alors, avec plus de véhémence :

_ Et vos plaies !Vous baigniez dans votre propre sang quand je vous ai trouvé hier. Vous aviez cette longue entaille qui parcourait votre ventre, jusqu'à vos côtes ! Et ce matin... Il n'y avait plus rien ! Il n'y a plus rien! C'est impossible ! Comment... Aucun homme ne peut guérir à une telle vitesse ! Qu'avez vous fait ?

_ Il y a des choses qu'il est préférable que vous ignoriez Rose.

_ De quel droit pensez-vous disposer, Monsieur, pour me dire ce que je dois savoir ou ignorer ? Lui répondit-elle sèchement »

Odon afficha un air contrit mais garda le silence.
La jeune femme le regarda avec dédain. 

« Très bien. »

Elle se retourna et prit la direction de la porte. Qu'il aille au diable! Elle trouverait bien les réponses par elle-même, tôt ou tard. Elle n'allait pas s'arrêter aux mensonges de cet inconnu.

« Attendez ! » Implora-t-il d'une voix rauque.

La jeune femme se figea.Le désarroi était perceptible dans la voix d'Odon. Quelque chose en elle sembla s'éveiller, elle eut l'impression de ressentir sa souffrance.

« J'aimerais pouvoir me confier à vous, mais je risquerais de vous mettre en danger. Et c'est bien la dernière chose que je souhaite. Ne me craignez pas Rose, je vous en prie. » Il prononça la dernière phrase dans un murmure. Le silence retomba et l'air qui les entourait devint pesant.

_ « Je ne vous crains pas, Odon. J'aimerais seulement comprendre.

_ Je suis désolé. Si je pouvais...Vous n'aurez pas à supporter mon impertinence plus longtemps, Rose. Je pars demain. J'ai trop abusé de votre sympathie. »

La jeune femme marqua une pause et le dévisagea. Elle répondit alors, mobilisant dans sa voix toute l'autorité dont elle disposait :

_ « Votre guérison a beau être incroyablement rapide, Monsieur, vos yeux sont abîmés par la fatigue et vous êtes encore bien trop faible. On m'a également rapporté que vous aviez refusé tous vos repas. Au vu de votre état, il est hors de question que je vous laisse partir maintenant. »

Rose ne lui laissa pas le temps de répondre et quitta abruptement la pièce.


Rose SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant