Detroit : Love, Death and Robots (Hank x Connor)

8. Mātariśvan

La perte d'un être cher n'était pas une sensation inconnue à Hank Anderson. Maintes et maintes fois, cette blessure s'était rouverte, ne laissant qu'un trou béant en lieu et place de son cœur. Dans le monde du lieutenant de police, la joie et l'espoir s'étaient effacés. Ne restait que la perspective d'une vie d'excès et de solitude.

Puis, Connor était arrivé. Si parfait, si agaçant.

Si Hank n'avait jamais pu oublier la main froide de son fils, le regard vidé de toute étincelle de vie, la présence de l'androïde policier avait jeté comme un voile sur son passé sombre. En sa compagnie, tout semblait si pur. Connor avait toujours un plan, une petite phrase, un nouveau projet à lui proposer pour égayer ses journées. Ils avaient regardé des séries, rééquipé la cuisine, pris soin de Sumo ensemble... Son amant n'était plus un androïde à ses yeux. Il était devenu son guide.

Avec sa disparition, le cinquantenaire avait l'impression de chuter à nouveau dans le puits du désespoir. Chaque minute, chaque lieu, tout portait encore l'empreinte de l'homme de sa vie. Lindsay et le reste de l'équipe Alpha avaient beau eu récurer le lieu de l'attaque, il ne pouvait effacer de sa mémoire la vision du corps de son amant hissé au mur comme un supplicié, ses membres pendant misérablement dans le vide alors que la moindre trace de sa conscience s'échappait.

Dernier clou sur son cercueil déjà bien garni, la présence du nouveau RK900 de Cyberlife ne l'aidait en rien. Il avait remis le pied à l'étrier une semaine auparavant, manquant de faire un AVC à chaque fois qu'il entraperçevait la silhouette familière de l'androïde d'élite au détour d'un couloir.

Au fil des jours et à coup d'œillades éhontées, il avait cependant noté tous les petits détails physiques le différenciant de son Connor. Cela ne tenait à rien : des gestes un peu plus fluides ; une tendance très mécanique à tourner en rond lorsqu'il se mettait en réflexion... et enfin des iris couleurs acier, aux antipodes de la couleur noisette si douce des yeux de son prédécesseur ; son regard était froid, dénué de la moindre étincelle d'amitié, de tendresse.

S'il en avait presque l'apparence, cette nouvelle version de son amant n'était rien d'autre qu'une coquille vide, automate à la solde de Cyberlife et de la police de Détroit. Hank ne savait pas de quelle genre de mise à jour il s'agissait, mais apparemment l'entreprise de cybernétique avait réussi à rendre le modèle RK encore plus rasoir.

— Lieutenant Anderson ! Nous sommes arrivés sur le lieu du crime ! La voix insistante de l'androïde brisa le flot de pensées sombres qui avait envahi Hank, qui ouvrit un œil en grognant à cause de la vague de froid qui venait de s'engouffrer dans l'habitacle du van de l'équipe Alpha.

Il renifla bruyamment, se redressant pour sortir du véhicule avec un grognement de souffrance. S'il marchait à nouveau depuis peu, ces trois derniers mois n'avaient pas été une partie de plaisir pour son état physique - à l'instar de son état mental. Interdit, le RK900 le fixait de ses yeux inexpressifs :

— Vous ne devriez pas surdoser votre médication Lieutenant. Avec l'état général de votre santé, cela augmente vos risques d'accident vasculaire cérébral de...

— Ferme-là R2D2. Le coupa l'homme en posant le pied à terre, ignorant superbement sa main tendue. Le jour où j'aurais besoin d'un conseil médical, je prendrai rendez-vous sur Doctolib.

Connor ne releva pas, se contentant d'un petit haussement d'épaules avant de tourner les talons en direction des agents déjà sur place. Plus loin, Lindsay enfilait une paire de gants en latex, les yeux fixés sur le corps inerte de la victime.

Dans l'entrée de la galerie d'art qui leur faisait face, une androïde vêtue d'une jolie robe blanche était étendue, bras écartés, baignant dans son bio-liquide comme toutes les autres victimes androïdes et humaines. Comme s'ils avaient été une auréole, ses cheveux blonds étaient étalés en corolle autour de son visage détruit, tâche d'or sur le sol dallé de marbre luxueux.