aligerous ━ star wars.

OS - Le goût des herbes du désert

LE GOÛT DES HERBES DU DESERT.

          IL ÉTAIT MISÉRABLE. Que dire de plus ? Peut-être que l'adjectif miséreux conviendrait même bien plus à son comportement, à son état, que n'importe lequel qu'il pourrait retrouver dans le vieux dictionnaire croupi qui lui servait de mémoire. L'odeur de poussière lui collait encore à la peau malgré les vingt minutes réglementaires passées sous l'eau. Ses mains tremblotaient encore de l'adrénaline éprouvée, ses yeux, vagues pour ne pas dire vides, ne parvenaient pas à se fixer sur le moindre détail qui l'entourait. Et le verre d'alcool qu'il venait de recevoir de la main, enfin, du tentacule du barman, ne parvenait guère à redresser la barre. Poe Dameron était misérable, pas même remis de ses émotions, et le fil de sa pensée ne parvenait à tenir qu'avec un seul nom.

         Niran.

         Le liquide alcoolisé lui brûla tendrement l'œsophage lorsqu'il porta le verre à ses lèvres. Le moindre de ses muscles était encore tendu, crispé de la situation à laquelle ils avaient à peine réchappé quelques maigres heures auparavant. Leurs deux vaisseaux étaient dans un état lamentable, fumants et grinçants, tout son corps criait au repos. Ils avaient frôlé la catastrophe à quelques parcelles de la victoire, à rien du tout de pouvoir rentrer chez eux victorieux. Mais ils avaient été devancés, encore. C'était indéniable, le chasseur de primes semblait avoir une longueur d'avance qu'ils ne discernaient pas. Une longueur d'avance qui leur était, pour l'heure, impossible à détrôner. Poe Dameron était épuisé. Physiquement, mentalement éreinté. Il ne s'agissait plus seulement de rentrer à la base avec la relique en poche. Il s'agissait, bien au-delà, de parvenir à redresser la barre pour espérer ne serait-ce que caresser l'espoir de retrouver la carte. Et avec ce capharnaüm qu'était devenue leur mission, la seule chose qui lui semblait claire et logique se résumait à ce même nom qui tournait en boucle derrière son crâne.

          Niran.

          Niran, qui avait frôlé de très près la catastrophe.

          Niran, qu'il avait cru perdue à jamais dans le dédale souterrain.

          Niran, qui avait manqué de disparaître de sa vie en emportant avec elle ce qu'il restait de son humanité, de ses rêves qu'il lui avait confiés.

         Niran, qui s'était redressée dans le noir et lui avait probablement épargné une mort lente, douloureuse, et inutile.

         Niran, qu'il renvoyait saignant à n'en plus savoir quoi faire, le souffle court, ses cheveux, ses si beaux cheveux en pagaille et collants à son visage.

          Niran, qu'il avait cru morte, pendant les dix plus longues minutes de sa vie.

          Une nouvelle rasade d'alcool descendit rejoindre la première, d'un mouvement plus désespéré que vif. Niran, qu'il avait perdue, puis retrouvée, puis reperdue, et enfin retrouvée. Cette fille le rendait dingue. Il ne savait ni comment ni pourquoi ni d'où cela sortait, mais elle le rendait complètement dingue. Pas dans le sens où elle lui faisait perdre la tête à cause de ses âneries, quoi que. Non. Parce que Niran était tout, absolument tout, ce qu'il lui restait de ses rêves perdus. Il avait mis du temps, beaucoup de temps, à s'en rendre compte. Que cette imbécile n'était pas seulement une imbécile, mais aussi une imbécile talentueuse. Qu'elle était tout, tout ce que le monde pouvait créer de plus chaotique et détestable, tout en étant l'entièreté de ce que l'on pouvait désirer chez quelqu'un. Qu'elle était méprisablement attachante. Insupportablement attendrissante, tout en étant parfaitement haïssable jusqu'à la plus fine partie de son corps. Niran était le summum, le point culminant de ce que Poe avait toujours détesté du plus profond de son cœur. Mais elle était aussi tout ce qu'il avait toujours voulu. Tout ce qu'il avait toujours désiré.