XIX- j'en peux plus.

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Numb - MARINA

"Amity Blight !!"

Ah tiens, je peux reconnaître la charmante voix de ma tout aussi charmante mère. J'ai beau ironiser, je stresse. Quand elle m'appelle, en général ce n'est pas bon signe.

Je descends les escaliers. Elle me montre le fauteuil en face d'elle pour que je m'assoie ; c'est encore moins bon signe.

"Amity, il faut qu'on parle. Ça fait longtemps qu'on n'a pas eu une vraie discussion, toutes les deux. Tu m'as évitée, et tu m'as manqué, tu sais ?"

C'est drôle, moi elle ne m'a pas manqué, et elle n'a pas l'air sincère du tout. Je ne réponds rien, de toute façon elle n'a pas l'air d'attendre de réponse vu qu'elle regarde dans le vide.

Quelques secondes de silence gênant passent avant qu'elle ne dise :

"Tu sais que je t'aime, pas vrai ?"

Je me fige. Est-ce que j'ai halluciné ? Je dois être en train de rêver. Ça doit bien être la première fois que ma mère me dit qu'elle m'aime.

Je lève la tête, mais elle ne me regarde toujours pas. Elle a dit ces mots dans le vide, comme si elle parlait à quelqu'un d'invisible.

"Approche."

Son ton est catégorique et sans appel, je n'ai pas le choix. Je me lève et vais vers elle, méfiante. Soudain, elle prend mon visage entre ses mains, et je ne peux m'empêcher d'avoir un mouvement de recul. Tout de suite après, je regrette, elle va s'énerver, c'est sûr...

Mais non. Elle ne dit rien, laisse tomber ses mains sur ses cuisses, et une expression indéfinissable passe furtivement sur son visage. Je frissonne un peu. Elle est bizarre. Je me rapproche un peu, elle se redresse. Son visage est très près du mien maintenant, et je comprends alors. Elle sent l'alcool. Elle a trop bu.

Mal à l'aise, je demande doucement :

"Est-ce que je peux retourner dans ma chambre maintenant ?"

Elle ne répond rien. Je prends ça pour un oui et lance :

"Bonne nuit."

Alors que je me dirige vers l'escalier, je m'arrête d'un coup ; c'est un sanglot étranglé. Ma mère pleure. Je me retourne, mais reste là où je suis. C'est la deuxième fois que je vois ma mère pleurer - la première était quand une entreprise dans laquelle elle avait beaucoup investi avait fait faillite et qu'elle avait été humiliée en public -, et ça fait toujours aussi bizarre. Je sais que cette fois, c'est à cause de l'alcool, mais elle ne montre presque jamais ses faiblesses, parce que "un vrai Blight reste impassible et calme quelque soit la situation", pour la citer.

"Amity, tu me brises le cœur... Viens voir ta maman... sanglote-t-elle."

Je ne peux pas empêcher un frisson de mépris de me traverser le corps en la voyant comme ça, la fière Odalia Blight, tremblante et suppliante. J'ai l'impression d'être un monstre mais je ressens presque de la satisfaction de la voir aussi faible, après le nombre de fois où je me suis aplatie sous la pression qu'elle mettait sur mes épaules.

"Amity... Amity, tu ne m'aimes pas, n'est-ce pas ?"

Non, je ne t'aime pas. Mais je garde le silence. Je fais un pas en avant, prête à me rapprocher d'elle - elle ferait presque pitié -, mais je me ravise et monte à toute vitesse l'escalier. Je claque la porte de ma chambre sans le vouloir, me laisse tomber sur mon lit. Mes yeux me piquent, j'ai envie de pleurer. J'enfouis ma tête dans mon oreiller et laisse les larmes couler.

Quelques minutes après, on toque à ma porte.

"Tout va bien, sœurette ? fait la voix d'Ed. On a entendu ta porte claquer, on se demandait pourquoi..."

u r pretty - lumityWhere stories live. Discover now