Chapitre 20 : Léo

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Vêtue d'un tablier immonde aux couleurs d'un arc-en-ciel délavé qu'Eden avait déniché dans l'un des placards, la forgeronne s'évertuait à se terrer dans son mensonge.

Pourtant, je n'étais pas dupe. Lorsqu'elle m'était rentrée dedans à la sortie de l'hôpital, j'avais instinctivement connecté mon aura divine à son âme.

Elle était paniquée, une émotion similaire à celle qu'elle éprouvait le soir du 14 juillet. Mais à ça, s'ajoutait un sentiment puissant dont je ne parvenais pas à mettre le doigt dessus.

En silence, je l'observais dans cet accoutrement enchaînant les gaffes.

Étrangement, mon frère jouait le jeu et s'impliquait plus que je ne l'aurais cru.

À deux, ils tentaient de réaliser une recette « facile » trouvée sur le net. De mémoire, ils essayaient de faire des pâtes bolognaises, mais au vu du carnage sur le plan de travail, je redoutais le résultat de cette expérience.

En dépit du tablier qui protégeait ses vêtements, Aélys avait réussi à tacher son débardeur blanc, son short en jeans et avait des traces de sauce tomate sur une partie de ses avant-bras et sur ses baskets. À côté, Eden paraissait toujours impeccable malgré l'activité, on ne peut plus humaine qu'il faisait.

En rythme, les hanches d'Aélys se trémoussaient à mesure qu'elle touillait la casserole de pâtes.

Trop impliqués, ils ne remarquaient même pas la viande qui commençait à brûler à leur droite, pourtant l'odeur calcinée embaumée toute la pièce.

Malgré le spectacle chaotique qui se déroulait en face de moi, je n'éprouvais aucun excès d'émotions. Au contraire, mon enveloppe charnelle était étrangement calme et s'habituait à la présence d'une humaine dans cet appartement.

Même si mon frère n'en avait pas parlé directement, je me doutais au sourire qui illuminait son visage qu'il s'amusait de cette situation. Pour autant, lui comme moi, n'oublions pas le but premier de notre pari. J'en avais la certitude quand Eden observait Aélys avidement lorsqu'elle avait le dos tourné. Je ne pouvais lui en vouloir, je ressentais le même besoin de posséder la forgeronne.

— Tu penses qu'elles sont assez cuites, questionna Eden concentré comme jamais.

Un dieu qui fait de la cuisine ! On aura tout vu.

Aélys scrutait avec attention les bulles qui se formaient à la surface de l'eau. Dans sa main droite, elle tenait fermement la cuillère en bois.

— Que dit la vidéo ? demanda-t-elle sans détourner le regard.

Eden s'empara de son téléphone et tritura l'écran pour revoir un passage explicatif.

— Ils conseillent 8 minutes pour qu'elles soient al dente et 10 bien cuite.

— Al den-quoi ? s'étonna Aélys le sourcil levé.

Eden haussa les épaules pour seule réponse

— Combien de temps indique le chronomètre ?

Nouvelle manipulation d'Eden pour trouver l'information sur son téléphone.

— Heu, je crois qu'on a oublié de le mettre...

— Quoi ! répondit Aélys dont l'indignation frisée du ridicule. Bon, on a qu'à dire que c'est bon.

Eden ne put qu'acquiescer et il observa Aélys prendre les choses en main.

Entre ces mains aux multiples brûlures, elle souleva la casserole d'eau bouillante et de pâtes pour les passer à la passoire. Certaines gouttes tombèrent sur ses jambes dénudées et je me rendis compte que j'étais toujours connecté à elle quand une douleur fantôme émana de mon tibia.

La forgeuse d'âmesWhere stories live. Discover now