WINTER FALLS

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« - Arrête de me regarder comme ça Jisung.

- Quoi ? Comment ça ?

- Avec toute la peine du monde. T'es yeux transpire la pitié.

Face à cette réplique, les yeux de Jisung accrochèrent automatiquement ceux de son vis-à-vis. Depuis qu'ils avaient franchi le palier de sa maison, il se sentait comme impuissant face à la détresse silencieuse de son acolyte de toujours. Durant le trajet en voiture, Minho avait délicatement entre-croisé leur doigts. Sa tête avait légèrement basculé sur le côté pour rejoindre en douceur son épaule. Jisung avait senti le col de son pull s'humidifier progressivement. Son ami le plus précieux était en train de pleurer sans un bruit, exposant à demi-mots, ses peines et ses fardeaux à un ciel étoilé qui n'en avait que faire de ses problèmes.

- C'était pas mon but pourtant.

- Je sais.

- Tu veux en parler ?

- Pas vraiment. Il détourna le regard pour fixer avec intérêt le feuillage des arbres danser au grès du vent à travers les grandes baie-vitrées. Il ne voulait pas exposer ses failles et ses faiblesses, surtout pas aux yeux de celui qu'il considérait le plus. Il avait toujours été ce roque insaisissable que nul ne pouvait perturber. Il avait grandi dans une famille où la sensibilité n'était qu'une banalité. Quelque chose de presque honteux qu'il fallait irrémédiablement cacher. Et pourtant, il avait conscience de l'irrationalité des propos que pouvait tenir à tout bout de champs, son très chère et tendre père. Pointe d'ironie et sentiment amère, c'était là tout ce qu'il parvenait à éprouver pour lui.

Sensibilité. À qu'elle point le monde en manquait-il ? Il ne s'avait pas. Plus.

Depuis que son frère avait rejoint les astres et ses galaxies, il avait enfoui, au fond de lui, tous les mots qui pouvait lui torturer l'esprit. Enchaîné et cadenassé, jamais il n'avait eu l'envie de les partager. Son seul et unique fardeau avait été d'avoir survécu à la place de celui qu'il le méritait réellement à ses yeux.

- Tu sais Minho, j'te le dis pas très souvent mais je tiens à toi tellement fort, tellement puissamment que parfois, ça me fait flipper.

- Mec c'est pas le moment de me faire une déclaration. Il tourna soudainement la tête en sa direction. J'ai juste l'impression que c'est cette situation qui te pousse à me dire ses mots. Son regard était dur et tranchant, comme si attendre ces paroles venait alourdir davantage ses tourments.

- C'est pas ça. Avec précipitation, Jisung s'approcha du brunet pour agripper délicatement son poignet. Peut-être que si je sais pas. Mais j'ai l'impression que tu te rends compte de rien Minho. T'es si précieux, si important pour moi que ça me bouffe de l'intérieur de lire des messages comme ceux que tu m'as envoyé tout à l'heure.

- Merde, j'ai pas besoin de ta pitié ! Il retira brusquement son poignet pour se retourner. Tout était si lourd et si pesant. Il n'avait qu'une envie, prendre ses jambes à son coup pour déguerpir le plus loin possible. S'éloigner de tout, de rien. Ouvrir un nouveau chapitre de sa vie sans regretter l'ancien.

Minho, il n'avait besoin que d'une seule chose, respirer à nouveau.

- Putain c'est pas de la pitié ! C'est pas ça du tout ! On s'en fout Minho, ok ? On s'en fout de tes parents et de leur approbation. Vis pour toi et rien que pour toi. Arrête de vouloir lui ressembler, arrête de vouloir combler son absence, arrête toute cette mascarade insensée. T'es pas lui et tu le serras jamais. Jisung avait débité ces mots d'une traite, sans hésitation. Son souffle c'était fait plus rapide et ses yeux plus colérique face à l'absurdité des propos qu'il venait d'entendre. C'était irréel presque inconcevable, comment Minho pouvait-il penser de la sorte ?

- T'es marrant toi avec tes jolies discours de bon samaritain mais c'est pas aussi simple. Il ponctua sa phrase d'un rire sans joie. J'ai... j'ai envie de les voir sourires mais tout est si morne et sans vie. J'ai l'impression que le ciel est toujours gris au dessus de chez nous et que plus aucune couleurs ne pourra y fleurir. Il releva sa tête promptement et son regard croisa de nouveau celui du plus jeune à travers l'immense miroir de sa chambre. Une larme solitaire dévala l'arrondi de ses joues avant qu'elle ne soit rejointe par une ribambelle de perles salées identiques qui n'attendaient qu'une seule chose, le feu vert pour s'extirper de leur prison de chair.

- Minho les couleurs elles fleurissent déjà dans ton cœur.

- Hein ? Mais qu'est-ce que tu me racontes encore ? Perdu, oh ça oui il l'était.
Les couleurs ? Elles avaient depuis longtemps disparu, en même temps que leur détenteur. À travers ce miroir protecteur, il regarda fixement un point invisible sur le mur afin d'éviter prudemment le regard doux et conciliant de celui qui pouvait chambouler son cœur à tout instant. Décidément, il ne comprenait pas, les couleurs s'était évaporées. Il avait beau courir, entreprendre une quête au milles facettes, il ne parvenait pas à mettre la main dessus.

- Après plus d'un an, tu me parles enfin de Do-Hyun. Et en même temps que tes mots, les couleurs, elles, fleurissent de nouveau.

Ce soir là, l'éclosion d'un printemps hors saison fit son éruption. Deux garçons s'étaient entrelacés fortement avec l'espoir d'un renouveau.

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Le fameux retour...
Pour celles et ceux qui continuent de lire cette histoire, merci beaucoup.

Pour la petite anecdote, cette histoire a débutée durant une période de ma vie ou l'incertitude était le maître-mot. À travers mes écris, j'essayais désespérément de comprendre qui j'étais devenue et qui j'avais envie de devenir après tous les changements opérant dans ma petite existence. Donc, il ce peut que l'histoire prenne une nouvelle tournure, ne serait-ce que dans la façon d'écrire parce que ma quête a depuis bien avancée. Et même si je me questionne encore, tout devient plus lucide avec le temps.

À bientôt pour la suite (promis <3)

curious/furious ~ ᵐⁱⁿˢᵘⁿᵍOù les histoires vivent. Découvrez maintenant