11. Les Guides du Monde de l'Invisible & Co.

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Sanoé avait rendez-vous à 10 h 30. Il était 11 h 07. Elle était définitivement en retard. Elle jeta un regard à son téléphone, Rima lui avait encore envoyé une tonne de messages. Elle devait d'abord parler à Arthur. Ensuite, elle aviserait.


Elle arriva devant une devanture en bois blanc. Une pancarte OUVERT se balançait sur l'entrée. En haut de la porte, des lettres joliment calligraphiées indiquaient :

La madeleine de Proust

Café/Librairie

À travers la vitre, Sanoé aperçut la chevelure châtain d'Arthur. Au moins, elle était au bon endroit. Une clochette tintinnabula à son entrée dans la boutique. Le son cristallin ressemblait à des rires de fées. En tout cas, c'est ainsi que Sanoé s'imaginait le rire de ces créatures fantastiques.

À droite, des étagères remplies de livres colorés débordaient sur des tables de présentations. Une échelle en bois blanc permettait aux plus téméraires d'attraper les livres les plus hauts. Des fauteuils à oreilles accueillaient à bras ouverts les lecteurs. Et pour finir, un comptoir en bois laqué attendait les futurs clients.

Une délicieuse odeur de chocolat chaud et de viennoiserie l'interpella. À sa gauche, le reste de la librairie avait été aménagé en un espace restauration. Des petites tables blanches de jardin style anglais et des chaises assorties. Des coussins moelleux. Une vitrine en verre pleine à craquer de mets sucrés. Des glycines en papier violet pendaient au plafond. En fond sonore, elle reconnut les musiques d'un célèbre studio d'animation japonaise.

La séparation entre les deux espaces était d'autant plus flagrante en s'intéressant au sol. La partie librairie était recouverte d'un parquet brun clair alors que la partie café laissait place à un élégant carrelage de damier noir et blanc.

Sanoé avait l'impression d'avoir mis les pieds dans un livre de conte illustré.

Trois groupes de personnes étaient déjà attablés, une tasse et une sucrerie dans la main, ils discutaient joyeusement.

Arthur était derrière le comptoir du côté café, le nez plongé dans un carnet de croquis. Il était tellement concentré, qu'il ne fit pas attention à la nouvelle venue. Son crayon dansait sur sa feuille. D'un mouvement circulaire, il traçait minutieusement les bases de son dessin. Il s'arrêta. Sanoé crut qu'il l'avait vu, mais il se contenta de froncer les sourcils, les yeux rivés sur son œuvre. Il griffonna rageusement et mordilla le bout de son crayon.

Il avait relevé ses cheveux en une queue de cheval, mais des mèches rebelles ne cessaient de tomber devant ses yeux et chatouiller ses joues. Coiffé ainsi, on ne remarquait que d'avantage la rangée de boucles d'oreilles qui ornaient ses oreilles. Il avait enfilé un tablier vert sauge avec l'inscription "La madeleine de Proust". Pas de doute possible, il travaillait ici.

- Pas très professionnel tout ça, plaisanta Sanoé en s'accoudant au comptoir. C'est comme ça que tu accueilles tes clients.

Arthur sursauta. Il contempla Sanoé, comme s'il était étonné de la voir maintenant. Il jeta un coup d'œil à l'horloge derrière lui et d'un ton las lança.

- T'es carrément en retard.

- Bonjour à toi aussi cher partenaire, ça fait plaisir de te voir !

Arthur souffla du nez, mais le bout de ses oreilles avait viré aux rouges.

- Alors dis-moi, c'est quoi l'urgence ? Tu m'as laissé un tas de messages et je n'en ai pas compris le quart.

- C'est joli ici, tu bosses là depuis longtemps ? questionna Sanoé, en se tortillant pour admirer la décoration.

Sanoé avait parfois des difficultés à rester concentré sur un sujet. Son cerveau passait du coq à l'âne. Mais tout ce qui était autour d'elle était si intéressant. Les glycines qui frémissaient à cause d'un courant d'air. Le chat porte-bonheur sur une étagère, dont la patte bougeait en rythme. La jambe de cette cliente qui tressautait à cause d'un tic nerveux. Les deux grains de beauté d'Arthur qu'elle trouvait adorables. Le premier, situé sous son œil droit, et l'autre au coin gauche de sa lèvre inférieure.

Les RéceptifsWhere stories live. Discover now