Introduction

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TW: pensées suicidaires

Cette nuit.

Cette nuit est pour moi la dernière, car, c'est décidé, je m'en vais. Pour ne plus jamais revenir. Je ne veux plus de ce monde, de ses problèmes et de ses défauts.

Mais si seulement ce n'était que pour cette raison...

C'est la fin, la fin d'une histoire tragique et violente, peuplée de drames en tous genres et de gouffres sans fond.
Ce sera aussi la fin de ces souvenirs qui me hantent et des nombreuses fissures que mon cœur a encaissées.

Ce soir, à minuit, je sauterai du haut de mon minuscule balcon avec vue imprenable sur la décharge municipale de Paris.

Je ne regretterai rien.

À minuit, ce soir, dans seulement quelques minutes, ma vie prendra fin.

Tant mieux.

Il est 23h 45. Aucun adieu larmoyant à faire, c'est déjà ça.

Maman ne se rendra même pas compte qu'il manque un membre de la famille au repas de Noël. Depuis que j'ai quitté la maison, elle m'en veut encore plus...

Elle ne s'est jamais souciée de moi. De sa propre fille. Celle qu'elle a porté mais qu'elle n'a jamais désirée, fruit d'une erreur de jeunesse et d'un préservatif abîmé.

Celle qui, par sa simple naissance, l'a forcée à épouser le propriétaire de ce même préservatif.

J'ai 19 ans, elle en a 34.

Papa, lui, s'en rendra très vite compte. Après tout, je suis censée être sa fille "chérie", l'aînée de ses 6 enfants .

J'ai 19 ans, ma mère en a 34. Et mon père en a 70.

À cette période de l'année, il est toujours tendu. Ces affaires le stressent et ces procès sont difficiles...

Alors, lorsque je rentre à la maison pour les fêtes, il ressent le besoin de se détendre et de se défouler.

C'est normal Maëva, tu es la plus grande !! Tu dois simplement prendre sur toi ! Tu ne voudrais pas que ce soient tes frères, hein ? Et tes petites sœurs alors ?

Ils ne le supporteraient pas.
Alors, je supporte.

Enfin... supportais.

Avant de mourir, je veux me rappeler les raisons de mon geste, pour ne rien regretter de ma misérable vie. De toute manière, il ne me reste que des souvenirs douloureux, depuis l'histoire taboue de la rencontre de mes parents jusqu'à aujourd'hui...

Mon prénom ? Maëva de Rouhan, enfin... mon véritable prénom est Maja. Il a été choisi par ma mère. C'est à peu près la seule chose sur laquelle elle a eu le contrôle d'ailleurs...

Je suis étudiante en commerce à Paris. J'ai 5 frères et sœurs et je suis franco-polonaise.

Mon père : Pierre de Rouhan est l'un des avocats et hommes politiques les plus réputés de France et vient d'une longue lignée bretonne, noble et très riche.

Ma mère : Maria Piątej est femme au foyer depuis leur mariage. Et sa famille, immigrée de Pologne, est extrêmement catholique et plutôt pauvre.

Ils firent connaissance à Paris, quand ma mère avait 14 ans. Elle était alors mannequin pour des pubs de robes et jupes pour ados. Payée au noir bien sûr, mais elle ne pouvait pas faire autrement : ses parents ne joignaient plus les deux bouts.

Quand sa famille avait déménagé de Poznań, elle avait 12 ans, elle ne parlait que très mal français, habitait dans un appartement ridicule et n'allait pas à l'école.

Mon père lui, avait déjà 50 ans. Célibataire et sans enfants, il était député de l'assemblée nationale. Il avait été invité au gala de la marque pour laquelle travaillait ma mère.

Il lui plaisait car il était gentil, elle lui plaisait car elle était mignonne.
Alors, ma mère, malgré ses convictions religieuses, perdit sa virginité ce soir là . Et cette même nuit, mon père perdit son préservatif.

2 mois plus tard, ce fut le drame.

En effet, lorsque ma famille maternelle se rendit compte qu'elle était enceinte, cela leur fit l'effet d'une bombe.

Ils lui ordonnèrent de se marier dès ses 18 ans pour sauver le peu de réputation qui lui restait car selon eux elle s'était déshonorée et les avait humilié eux aussi.

Le mariage était la seule option valable selon eux, car l'avortement était impossible du fait de leur religion.

Alors, ma mère ne sachant plus que faire, rejetée par tous et désespérée, appela mon géniteur et le menaça de porter plainte pour viol sur mineure (pourtant, elle était consentante cette nuit là) s'il n'assumait pas ses responsabilités et refusait de l'épouser.

Mon père, abasourdi refusa sur le coup puis, quelques jours plus tard, angoissé pour l'avenir de sa carrière, il rappela ma mère et accepta.

7 mois plus tard, ma mère accouchait et mon père ( qui n'était pas présent à ma naissance) la demanda en fillancailles non-officielles.
Ils se marièrent le jour de ses 18 ans.

Un Phare Dans L'obscurité Où les histoires vivent. Découvrez maintenant