Chapitre 3.1 : Perdu (réécrit)

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   L'inconnu avança vers le guerrier dans un silence pesant. Une lueur vacillante émanait de la lanterne rudimentaire qu'il tenait fermement, créant des ombres mouvantes sur sa figure austère. Sverjar eut un hoquet de surprise, réalisant soudain que l'homme qui se dressait devant lui était celui qui avait pris sa défense lors de son affrontement contre les spectres.

Au milieu de la confusion des événements, Sverjar l'avait complètement oublié. Le visage dur, la barbe abondante et les cheveux argentés tombant en mèches, ainsi que la hache serrée dans sa main, ne laissaient aucun doute sur son identité. L'Ulfgard qui avait orchestré la diversion avec lui ne se trouvait pas à ses côtés.

— Eh bien comme on se retrouve. Égaré à nouveau en pleine nuit dans la forêt, constata l'inconnu d'une voix forte, interrompant le silence. « Soit tu as un penchant pour les ennuis, soit j'ai commis une erreur en te ramenant au village de ta tribu. Tu as de la chance que je t'ai découvert. Allez, relève-toi si tu veux vivre, et suis-moi. »

Sverjar, partagé entre le soulagement et l'inquiétude, essaya d'empoigner le bras tendu par le chasseur, mais son propre bras lui désobéissait. Un soupir de frustration s'échappa de ses lèvres. L'homme contourna Sverjar et, d'un geste brusque, le saisit par les épaules pour le tirer du sol. À la lueur vacillante de la lanterne, les yeux fatigués du jeune homme tentèrent de décrypter le geste de son sauveur.

— Dites-moi qui vous êtes. Comment avez-vous réussi à me retrouver ? » demanda-t-il d'une voix brisée.

L'inconnu sembla prendre un instant pour réfléchir.

— Tu peux m'appeler Tyrulf. Mais je crains que ce ne soit pas le moment idéal pour engager une conversation, » répondit-il. Son regard balaya rapidement les environs. « Cette maudite forêt grouille de créatures et de démons qui ne réclament qu'à nous sauter dessus si nous restons immobiles. »

En tirant Sverjar, le chasseur eut un bref mouvement de surprise en découvrant la marque de l'exil sur son torse, rouge et gonflée. Pourtant, il ne fit aucun commentaire.

Sverjar observa attentivement Tyrulf, pesant ses options. Conscient qu'il n'avait pas beaucoup de choix à ce stade, il se contenta de plisser les yeux avec méfiance.

— Je ne vais pas mentir, je suis reconnaissant de ton intervention chasseur. Mais après ces deux jours de galère, j'aimerais juste savoir si je peux te faire confiance. Es-tu envoyé par quelqu'un du village ? Ou est-ce Skaldir elle-même qui t'a guidé jusqu'à moi ? » demanda le jeune homme.

Tyrulf se renfrogna, manifestement à bout de patience.

— Écoute, je suis frigorifié et je n'ai pas l'intention d'attendre ici plus longtemps. On aura le temps pour discuter autant que tu veux une fois à l'abri. Maintenant le choix t'appartient : tu peux soit me suivre ou rester dans la neige. »

Sverjar pesa rapidement le pour et le contre. Entre suivre l'inconnu ou mourir dans le froid de la clairière, la décision était évidente. Il hocha avec vigueur la tête.

« Bien. Alors c'est résolu. Peux-tu te déplacer ? » demanda Tyrulf.

Le jeune guerrier, s'appuyant sur le bras du chasseur, parvint à se présenter debout. Ses jambes vacillaient, mais il tint bon. Tyrulf lui adressa un sourire approbateur avant de se mettre en marche.

Sverjar suivait Tyrulf d'un pas hésitant vers l'orée d'un bois plus petit en marge de la clairière, sa tête remplie de questions. Le vent mordant sifflait à travers les branches dénudées des arbres, faisant crisser la neige sous leurs pieds. Alors que Sverjar cheminait dans les ténèbres glacées, un profond épuisement le saisit à nouveau.

Le chasseur remarqua son état et le rattrapa juste à temps alors qu'il était sur le point de défaillir. Il passa son bras autour de l'épaule du jeune guerrier, le soutenant tandis qu'ils continuaient à avancer à un rythme plus lent. La lueur de la lanterne éclairait leur chemin, dissipant une partie de l'obscurité devant eux.

Après une marche éprouvante, ils atteignirent enfin leur destination. Au cœur d'un enchevêtrement d'arbres morts et de buissons épineux, Sverjar découvrit avec stupéfaction une entrée en chêne, parfaitement intégrée à la végétation environnante. Les charnières, vieillies par le temps, soutenaient cette entrée grossièrement taillée.

D'un geste, Tyrulf ouvrit la porte, invitant Sverjar à pénétrer à l'intérieur. La cabane se révéla être un refuge de chasseur, baigné par la lueur de bougies disposées avec soin. Les murs étaient parés de peaux d'animaux, témoignages d'exploits de chasse, tandis que des étagères débordaient d'objets liés à la vie sauvage, des crânes sculptés aux talismans arborant des symboles mystiques.

L'air ambiant était chargé d'une odeur boisée. Une robuste table en chêne trônait au centre, chargée de cartes topographiques, d'outils de chasse et d'équipements divers. Dans cette cabane, au milieu des ombres mouvantes, Sverjar ressentit, pour la première fois, un profond soulagement.

Les dernières forces qu'il avait déployées pour tenir jusqu'ici lâchèrent. Les bras puissants de Tyrulf le rattrapèrent juste à temps, l'empêchant de heurter le sol dur. Le jeune guerrier le remercia d'un geste et s'effondra sur une couche de paille dans la hutte. L'homme lui tendit une vieille couverture et se retira en silence.

Sverjar ferma les yeux et s'abandonna rapidement à une torpeur pesante. Les visions de la journée écoulée se mirent à danser dans un songe agité, où les murmures des Vestiges résonnaient dans son esprit comme une mélopée sombre. Il s'agita en grognant dans son sommeil pour chasser ces visions. Puis, une obscurité profonde s'installa. Il se vit hors de son corps, flottant au milieu d'un espace vierge empli de noir.

Au cœur de son rêve, le jeune homme crut discerner une silhouette mouvante s'approchant de lui, façonnée dans la fumée. Le brouillard s'éparpilla en une colonne verticale, révélant la mère des Vestiges. Fixant Sverjar de ses yeux blancs, elle s'approcha lentement de lui. Il pouvait sentir le souffle de sa respiration sur son visage. Était-ce encore un rêve ? Elle effleura doucement sa joue d'une main froide, presque réconfortante malgré sa fraîcheur, comme si elle pouvait lire dans ses pensées.

— Ne nourris aucune rancune à mon égard, jeune guerrier, lui souffla-t-elle. Nous sommes désormais liés l'un à l'autre. Bientôt, j'aurai besoin de toi. Ton exil ne sera pas vain, je te le promets.

— Je n'y comprends rien, interrogea Sverjar dans son rêve. Quel est ce pouvoir qui s'est manifesté en moi ? Que signifie tout cela ? Vous avez essayé de me tuer pour vous avoir invoquée ?

Les questions s'enchaînaient, il était perdu. Les yeux vides de Skaldir le contemplèrent un instant avant de rétorquer :

— Le temps presse, mon Enfant. J'ai répondu à ton appel, sache-le. L'attaque des Draugars n'était pas de mon fait. Des événements dépassant ton entendement se préparent dans l'ombre. Aie confiance en moi, comme tu me l'as promis.

— Mais je ne...

— Nous n'avons pas de temps à perdre en explications, trancha-t-elle. Ton destin est désormais tracé, Sverjar. Reste en vie. Si ton don se manifeste, utilise-le et apprivoise-le. Rends-toi au plus vite à l'extrémité des plaines, là où Yggdrasil veille sur la falaise. Tu y trouveras protection et réponses. Ne tardes pas.

Il ouvrit la bouche pour répondre, mais elle commença à s'estomper dans les ténèbres de son propre rêve. Un sourire sembla animer un instant la chair divine de Skaldir, puis l'obscurité s'abattit à nouveau.

Vestiges [Roman Dark Fantasy]Where stories live. Discover now