Section 3 : Divers

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Je rêve

Dans l'ennui et la froideur,

Dans la violence et le mépris,

Dans l'angoisse et dans la peur,

Dans les massacres et les tueries.


Moi, je rêve.


Dans la tristesse et l'oubli,

Dans la vulgarité et l'injure,

Dans les guerres et les soucis,

Dans les la pauvreté et dans la dictature.


Moi, je rêve.

Encore...


La tour noire

(À travers les champs, les prés,

Une tour noire s'est élevée.)


Son toit pointu

Perce les nuages

Qui, bien trop sages,

Ne se plaignent plus.


À travers les champs, les prés,

Une tour noire s'est élevée.


Un vieil escalier en colimaçon

Se tient à l'intérieur de l'édifice,

Dont les murs de pierre brunissent

Avec le temps et les saisons.


À travers les champs, les prés,

Une tour noire s'est élevée.


On la voit le soir

Apparaître soudain

En dessous d'une lune d'airain,

Perçant le blanc brouillard.


À travers les champs, les prés,

Une tour noire s'est élevée.


Qui a donc construit

Cette tour sombre et immense ?

Mais maintenant que j'y pense,

N'était-ce pas ma mélancolie ?


(À travers les champs, les prés,

Une tour noire s'est élevée.)


À Jules André Peugeot

Ô mon caporal, vous êtes mort le premier,

Alors que la guerre n'avait pas même commencé.

Vous avez été fini avant même le début,

Tué par sombre prussien jusqu'alors inconnu.

Le crime se produit un matin parfumé,

Quand votre sentinelle s'arrêtant souper

Vit surgir d'une pénombre forestière

Cinq allemands sortant de la lisière...


Vous vous êtes battu, puis vous êtes fait tuer,

Et sur le sol, dignement, vous êtes tombé

Mort pour la France, avant tout !

« Il n'aura pas connu la guerre ! » me direz-vous ;

Mais moi je sais au fond de moi si pertinemment

Que s'il l'avait faîte, il en serait sorti vivant.


Le canon dans la prairie

Le canon est seul, seul dans la prairie ;

Il ne sert plus à rien car la guerre est finie.

Il a commis un très grand nombre d'exploits,

Mais est-ce réjouissant d'avoir tué des soldats ?

Alors le canon pleure, pleure dans la prairie,

Mais des temps révolus il garde la nostalgie.

Ses boulets sont bien loin, dispersés dans la plaine,

Enterrés sous l'herbe chaude et sous l'ombre des chênes.

Aujourd'hui, tout le monde l'a oublié ;

Un jour peut-être on viendra le chercher :

On le fera fondre et on refabriquera

Un nouveau canon qui tuera des soldats...


PoèmesWhere stories live. Discover now