Chapitre 6 : Fuite

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    Sverjar et Tyrulf avançaient dans les plaines infinies, la neige étendant son manteau à perte de vue. Ils progressaient avec peine, leurs bottes s'enfonçant à chaque pas, éclairés par la lueur pâle de la lune. Une bise froide balayait les fugitifs, rendant la marche encore plus ardue. Après quelques heures dans cette nuit polaire, leurs forces déclinaient, chaque dune traversée en révélant une autre, désolée et dépourvue d'abri. La tempête menaçait de glacer leurs os, le moral était en berne, et chacun restait plongé dans un silence sombre.

Alors que la résignation envahissait Sverjar, une formation rocailleuse attira son regard au milieu du paysage immaculé. Les deux compagnons, frissonnants, s'acheminèrent instinctivement vers cette silhouette de pierre, leurs vêtements figés par le froid, des cristaux de glace ornant leurs barbes.

À mesure qu'ils approchaient, la masse rocheuse se révéla être une grotte naturelle sculptée par les éléments. Le jeune homme se fit la remarque que cet emplacement isolé au cœur des plaines était surprenant. L'entrée, un gouffre sombre, n'était guère accueillante, mais elle semblait offrir un répit temporaire contre les rigueurs du vent et de la neige.

— Et si nous tentions de nous réfugier là-dedans ? Nous marchons depuis longtemps et nous ne tiendrons pas plus longtemps dans ces conditions, prévint le Chasseur, son regard scrutant l'entrée de la grotte.

Sverjar, épuisé, eut un geste de dépit, reflétant la résignation qui pesait sur ses épaules.

— Je ne suis pas franchement en état de décider de quoi que ce soit, avoua-t-il d'un ton rauque. Qui sait ce que nous pourrions trouver là-dedans ? Une bête ?

— Nous n'avons pas vraiment de meilleur refuge par ici, marmonna le Chasseur, sa voix trahissant une pointe d'exaspération. Tu vois bien qu'il n'y a rien autour de nous.

Il en voulait à ce gamin d'avoir délibérément plongé dans le pétrin, mais sa propre colère envers lui-même était plus amère. De nature posée et réfléchie, il s'était imprudemment jeté dans une situation périlleuse en volant au secours du jeune homme, sans parvenir à en démêler les raisons. Peut-être que les solitudes de la forêt pesaient plus lourd sur lui qu'il ne l'admettait ?

Hésitants, ils s'engouffrèrent dans l'antre froide, où les ombres virevoltaient à travers la lueur argentée filtrant d'un bout à l'autre de la glace. À l'intérieur, une obscurité dense et oppressante les enveloppait. Progressant avec précaution, leurs yeux s'ajustant lentement à ce vide de lumière, le sol gelé crissait sous leurs bottes, tandis que le murmure du vent extérieur s'infiltrait dans l'enceinte. Les parois rugueuses de la caverne semblaient porter les stigmates du temps. À mesure qu'ils pénétraient plus profondément, la grotte s'ouvrait, évoluant d'un étroit tunnel à une cavité plus vaste. Leurs pas résonnaient dans le silence, accentuant la solennité de ce sanctuaire naturel.

— Je ne le sens pas du tout, souffla Sverjar, tendu. Je n'en peux plus, et on ne voit rien. Peut-être pourrions-nous rester ici ? Au moins, on est à l'abri du vent.

Le chasseur secoua la tête dans l'obscurité.

— Poursuivons un peu, je veux m'assurer qu'aucune créature ne se tapit dans cette tanière. Je n'ai aucune envie de me faire bouffer par une bête pendant mon sommeil.

Il ignora le soupir agacé du jeune guerrier, et ils reprirent leur avancée, l'oreille en alerte au moindre signe de danger. Leurs souffles, invisibles dans l'air froid, accompagnaient le son étouffé de leurs pas.

Soudain, ils découvrirent en empruntant un détour, une salle plus vaste, où la glace tapissait tout, du sol au plafond. En apesanteur, des cristaux flottaient, illuminant la caverne d'une lueur turquoise magique. Les parois polies brillaient comme des miroirs déformants, reflétant les deux voyageurs sous des angles étranges.

— Par les Vestiges, quel est cet endroit, grogna Tyrulf.

Le silence de la grotte fut remplacé par un murmure, un écho doux et hypnotique qui créait l'illusion que l'antre prenait vie. Devant cette manifestation, ils sentirent l'inquiétude monter. Bien qu'épuisé, Sverjar se prépara au combat, dégainant une de ses dagues. De son côté, Tyrulf avait fermement empoigné sa hache, prêt à affronter ce qui pourrait surgir des ombres.

Ils firent quelques pas avec une lenteur accrue, les yeux plissés par cette lueur surnaturelle. L'anxiété nouait leurs estomacs. Ils virent une ouverture dans la paroi de la grotte, sorte de renfoncement obscur qui faisait tache dans le décor.

— Soit prudent, avertit Tyrulf, observant Sverjar s'approcher, la main tendue dans un geste incertain.

Il y eut un violent courant d'air et une silhouette féminine surgit du coin d'ombre, se matérialisant progressivement au travers d'une volute de fumée. Le jeune homme fit un bond en arrière, tandis que Tyrulf, perturbé par cette apparition, hésitait à lancer sa hache.

Vestiges [Roman Dark Fantasy]Where stories live. Discover now