Chapitre 7 : L'Enchanteresse

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 Au réveil, Sverjar se sentait mieux. Ses blessures le faisait toujours souffrir mais semblaient propres. Au moins, il éviterait l'infection, ce qui constituait déjà un soulagement. La marque du fer était rouge et boursoufflée sur sa peau mais il survivrait. Il se redressa.

Jetant un coup d'œil à la forme endormie du chasseur, qui se soulevait au rythme de sa respiration, il se mit à réfléchir. La ténacité de cette tête de mule le contrariait au plus haut point, même s'il devait admettre partager lui-même un caractère tout aussi obstiné. Malgré son statut d'adulte et ses qualités de guerrier, Sverjar se sentait impuissant hors de son territoire. Les réalités au-delà du Peuple du Sang lui échappaient, et le chasseur pourrait se révéler d'une aide inestimable s'il connaissait l'emplacement de l'arbre évoqué.

Cependant, accorder sa confiance à Tyrulf suscitait des hésitations chez Sverjar. Une décision devait être prise, mais il savait qu'affronter seul les défis de ce monde inexploré serait semé d'embûches.

Ses pensées dérivèrent ensuite vers son pouvoir. La gangue poisseuse d'énergie obscure, transmise par Skaldir d'une manière ou d'une autre – il en était maintenant convaincu – restait une énigme. Son don semblait se matérialiser dans les situations les plus critiques, mais il n'en maîtrisait ni son ampleur, ni la façon de le contrôler. Son utilisation le rendrait également physiquement faible, ce qui représentait un risque non négligeable.

Le lien du sang avec les Vestiges au sein de son clan procurait généralement des avantages tels que force et agilité améliorées, communication avec les esprits de la nature, voire clairvoyance sur les secrets de la forêt. Certains prêtres des Vestiges, à l'instar de Varulf, étaient même capables de ramener temporairement à la vie des éléments morts. Cependant, rien de tout cela ne ressemblait au don particulier de Sverjar.

Il fut interrompu dans ses pensées. L'air se refroidit soudainement, et la femme de la nuit précédente fit son apparition.

Tyrulf se réveilla d'un bond, une main fermement appuyée sur la poignée de sa hache, se redressant pour scruter l'environnement. Ses yeux se posèrent avec suspicion sur eux deux.

Sverjar, ignorant le chasseur, brisa le silence qui pesait dans le refuge de Vindottir.

— Je te suis reconnaissant pour ton hospitalité, Vindottir. Tu possèdes manifestement des pouvoirs. Es-tu une völva ? Il pesait soigneusement ses mots.

Ses yeux clairs dévisagèrent le jeune homme avec une intensité qui le mit mal à l'aise.

— En quelque sorte, on pourrait me qualifier ainsi, c'est vrai. En tout cas, je sens quelque chose en toi qui m'intrigue. Elle laissa ses paroles flotter dans l'air.

Sverjar retint son souffle. Elle avait détecté son don. Que savait-elle d'autre ? Abandonnant toute prudence, il poursuivit :

— Tu as vu juste. Que peux-tu me dire de plus ?

Elle soupira légèrement. « Pas grand-chose, c'est ce qui me tracasse. Vous arrivez ici, tu possèdes une magie en toi qui porte une empreinte disons... familière. Une empreinte que tu ne devrais pas avoir. »

Elle se mit à marcher en rond, réfléchissant à voix haute.

— Tu as forcément été marqué par un Vestige. Je le sens dans ton sang. Mais qu'est-ce que... Elle s'interrompit brusquement.

— Que s'est il passé, comment t'es-tu retrouvé en contact avec un Dieu ? demanda-t-elle, son ton devenant plus pressant. Elle discernait la peur chez le garçon. Il dissimulait quelque chose... mais quoi ?

Sverjar se sentait comme un cerf sous la menace d'une lance. Il ne savait que dire, quoi révéler, quoi cacher. Cette discussion prenait un tournant dangereux pour lui.

— J'ai.. j'ai effectivement rencontré un des Vestiges, finit-il par confirmer, une ombre de doute dans ses yeux.

— Et j'imagine que ton sang est le déclencheur de ta faculté, jeune guerrier ? Sa question n'en était pas une ; il lisait la conviction dans ses yeux. Il frissonna et ne répondit pas.

Les paroles de Vindottir confirmèrent que Skaldir lui avait transmis un don divin, et que son sang en était l'activateur. Comment cela pouvait-il être possible ? Une vague de nausée lui tordit l'estomac. Il ignorait tout de cette femme, de ses pouvoirs et de ses intentions. Elle avait déjà découvert bien plus que lui-même. Il réalisa qu'il devait jouer son jeu avec précaution. Il devait divulguer le moins possible, s'il pouvait lui cacher quelque chose, tout en cherchant à en apprendre davantage.

— Tes réponses me sont précieuses, mais tu gardes le secret sur ton identité, Vindottir. Même une völva ou un Prêtre du Sang n'en saurait pas autant. Qui es-tu ? interrogea-t-il, scrutant attentivement les réactions de Vindottir.

Le sourire de la jeune femme s'estompa légèrement, laissant place à des yeux plus scrutateurs, brillants d'une lueur inquisitrice.

— J'ai déjà beaucoup fait pour toi, Sjervar. Ne tente pas le diable. Je n'apprécie pas le soupçon que je perçois dans tes mots. C'est une bien étrange manière de me remercier.

Le jeune homme se tut. Il sentait une puissance croissante autour d'elle, empoisonnant l'atmosphère. Il avala avec difficulté. Elle s'avança, son visage ombrageux et déterminé.

— Dis-moi quel était ce Vestige, Sverjar. Je dois le savoir.

Le garçon secoua la tête. Les mots semblaient bloqués dans sa gorge. Il déglutit péniblement.

« Dis-le-moi, Sverjar, » insista-t-elle, sa voix résonnant dans la caverne, chargée de menaces.

Tyrulf, resté silencieux, intervint abruptement : « Partons. »

L'Héritier des VestigesOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz