Chapitre 3 - Damien

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Le bruit de la serrure ainsi que la porte qui claque clôture cette première journée. Je suis enfin de retour chez moi. Je jette mon sac à l'entrée de mon studio, et après deux enjambées seulement, je m'écroule déjà sur mon lit. Mon coude écrase mon front tandis que j'expire bruyamment pour évacuer toutes les émotions qui m'ont traversé aujourd'hui. L'anxiété, la curiosité, la peur, la joie, l'appréhension, le soulagement. Ce mélange empoisonné malmène encore mes muscles qui peinent à se détendre. Si la chaudière n'avait pas rendu l'âme, une douche chaude aurait pu y remédier. Ce logement d'une vingtaine de mètres carrés est oppressant, mais je n'ai rien trouvé de mieux, dans mes tarifs et pas trop loin du campus. Tout était déjà complet et je ne voulais pas d'une chambre étudiante dans les résidences universitaires. Si l'année dernière m'a appris au moins une chose, c'est qu'il me faut un lieu pour pouvoir couper et ce n'est pas dans un milieu grouillant d'étudiants que c'est possible.

Cette semaine de rentrée se déroule nominalement, je dirais même qu'elle est plutôt satisfaisante jusqu'ici. Jusqu'à aujourd'hui : vendredi, le dernier jour de cours qui la clôture. Enfin, si je la compare à l'année précédente, elle est même au-delà de mes espérances. Aucune embrouille, aucun mot déplacé, aucun encombre à l'horizon.

Je rejoins mon poste de surveillance près du terrain de basket et sans surprise, j'y retrouve des joueurs. Rare sont les moments où personne ne foule son bitume. Je repère de nouveau celui qui semble être le capitaine de l'équipe universitaire : Tomas. J'avoue que son jeu m'a interpellé.

— Salut, Damien !

— Salut.

Je m'habitue progressivement à la présence de cette fille à mes côtés. Le deuxième jour, j'ai changé de banc, mais elle avait décidé de ne pas me laisser tranquille et est venue s'installer à côté de moi. Tout comme aujourd'hui.

— Alors cette université te plait ?

— Ça va. Et toi ?

— Tu as entendu ma question ?

— Tu me demandais si ça allait ! tenté-je.

— Loupé ! C'était un piège. Tu ne m'écoutes pas.

— Ne le prends pas pour toi, je suis juste concentré.

En réalité, je suis comme hypnotisé par le claquement des baskets contre le bitume. Leur bruit résonne dans l'air, créant une symphonie rythmée de mouvements calculés. Tomas, le meneur de jeu, dirige les hostilités avec une maîtrise étonnante. Ses dribles rapides et précis décontenancent le défenseur, créant des ouvertures. La fluidité de ses mouvements m'impressionne. Ben, grand et solide, occupe l'espace sous le panier avec une présence imposante. Son regard scrute le capitaine, anticipant chaque mouvement. Il bloque habilement les tentatives d'infiltration, érigeant un rempart de son corps devant le cercle, et défend sa zone avec ténacité, comme un mur infranchissable. C'est sans compter sur la détermination de Tomas qui se faufile habilement. Sa rapidité et son agilité lui créent une opportunité d'où il décoche un tir : la balle glisse sans effort dans le filet. Je reste bluffé par l'action qui vient de se dérouler et retrouve ma respiration. Je souffle de soulagement, comme si ma vie venait de se jouer devant mes yeux, et accorde un regard à ma voisine.

— Je pourrais être vexée tu sais, commence-t-elle un sourire dissimulé sous ses lèvres, les bras croisés sur sa poitrine pour le contrer. C'est rare qu'un mec m'ignore avec autant d'aplomb. Bien qu'on dirait que tu ne le fais pas exprès.

Sa réflexion me tire un sourire.

— Désolé.

— Tu sais qu'ils font passer les sélections la semaine prochaine ? me questionne-t-elle.

— Les sélections ?

— Bah oui tu sais, la sélection pour intégrer l'équipe de basket.

— Hum...

J'enregistre son information, mais je ne laisse rien paraître. Mon cœur se met à battre un peu plus fort, laissant naître en moi une envie soudaine. Si seulement...

— Tu veux pas les faire ?

— Pourquoi je ferais ça ?

Elle ne lit quand même pas dans mon esprit.

— Tu passes tout ton temps ici !

— Tu me suis ? la taquiné-je pour changer de sujet.

Je la vois blêmir avant de copier mon rire quand elle comprend que je me moque simplement d'elle. Depuis quand je plaisante avec quelqu'un ? Et surtout depuis quand cela ne m'était pas arrivé ? Une vague de bien-être envahit mon corps, sensation trop longtemps oubliée. J'ai beau écouter généralement sa conversation que d'une oreille, je dois avouer que si sa présence m'a d'abord mis mal à l'aise, je m'y accommode, me détendant toujours un peu plus en sa présence. Sa voix a quelque chose de doux, instaurant un climat de confiance quand ses paroles dansent jusqu'à moi. Je pourrais même dire que je commence à la trouver sympa. Elle est ce qui se rapproche le plus de ce qu'on appelle une amie. Cependant, je reste méfiant. Toujours sur mes gardes, je ne suis jamais trop prudent.

Mon esprit divague, ses paroles trottent dans ma tête. Une sélection. Ils recrutent pour l'équipe. Je me perds dans des rêveries. Et si je saisissais la chance qui s'offre à moi ? Depuis le premier jour, depuis que mes mains ont de nouveau caressé le contact du ballon, elles me démangent. Elles veulent de nouveau saisir une balle orange, la faire rebondir, la lancer, faire des paniers. Oui, tout ce qu'elles veulent c'est retrouvé des sensations enfouies depuis un an.

— Alors ? me coupe-t-elle de mes interrogations.

— Alors quoi ?

— Tu vas les faire ?

— Nan, je pense pas.

Une moue se dessine sur son visage, signe que ce n'était pas la réponse qu'elle espérait. Pourquoi donc cela lui importe-t-elle après tout ? Elle ne me connaît pas vraiment.

— Mais pourquoi ?

— Qui te dit que je sais jouer d'abord ?

Je me braque. Elle me pousse dans mes retranchements, mais je ne lui dévoilerai rien. Rien de moi. Rien de mon secret.

— Ton regard, ta posture. Je vois bien comment tu décortiques les joueurs sur le terrain. Ne me fais pas croire que tu ne sais pas jouer.

— C'est compliqué !

— Ça te coûte rien d'essayer, me dit-elle en se levant. Désolée, je vais te laisser, j'ai des choses à faire, mais je suis contente, tu t'améliores en conversation ! À plus tard.

— Salut !

Elle fait signe à Tomas pour lui annoncer son départ et je le vois faire un signe en retour puis reprendre son jeu. Quelle relation entretient-elle avec lui ? Cherche-t-elle à me piéger ? Veut-elle que je ridiculise pour ensuite rire de moi avec son ami ? Ou se préoccupe-t-elle sincèrement d'un inconnu qui passe son temps assis sur un banc ?


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Voici le début du chapitre 3 ! 

J'espère qu'il vous intriguera ;)

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now