Chapitre 3 - Ter - Damien

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À l'opposé du gymnase, d'autres auditions ont lieu. Les cheerleaders, dont Victoria fait partie, recrutent également. Les prétendantes sont regroupées en cercle, concentrées sur la capitaine qui donne des instructions. N'importe quel homme serait distrait par les tenues suggestives d'un bon nombre d'entre elles. Pourtant moi, je suis juste soulagé de voir que peu de monde nous accorde de l'attention. C'est un poids en moins à gérer.

Tomas reprend la directive des évaluations.

— Ce soir, nous sommes à la recherche de joueurs déterminés, disciplinés, prêts à relever les défis qui nous attendent. Nous avons besoin d'hommes motivés avec une force mentale solide. Vous avez tous donné vos préférences de poste sur le terrain, mais ce soir, c'est une appréciation globale qui a lieu. Je dois voir votre polyvalence avant de vous attribuer un rôle en particulier. Vous êtes prêts ?

— Oui, crions en chœur.

En file indienne avec un mouvement circulaire, chacun notre tour, nous effectuons quelques dribbles avant de viser le panier. Tomas ainsi que le co-capitaine, John, prennent des notes sur les calepins qu'ils tiennent fermement sur l'avant-bras. Le sifflet en bouche, Tomas donne le rythme. Plus le nombre de joueurs diminue devant moi, plus mon palpitant s'emballe. La sueur s'invite sur mes paumes. Je les essuie alternativement sur mon short, ballon dans la main libre. Malgré son absence de surface lisse, un excès de transpiration pourrait la faire glisser malencontreusement et louper mon lancer.

Au signal qui m'est destiné, j'amorce des enjambées laissant la sphère rebondir à mes côtés avant que mes pieds s'ancrent au sol et dans un appui précis, je saute pour tirer. La balle suit une courbe quasi parfaite pour finir sa course dans l'arceau du panier. La fierté m'envahit après cette réussite. Rien de mieux pour reprendre confiance en moi. Tout est bon à prendre et savourer chaque victoire, aussi petite soit-elle, en fait partie. Je récupère mon ballon puis me positionne en fin de file.

La mise en jambe se termine après cinq passages et la partie se complique. Deux joueurs de l'équipe se positionnent comme étant des adversaires. Seul, nous devons trouver les failles et tirer. Trois minutes par personne nous sont accordées.

Je m'installe au milieu des autres participants sur le bord du terrain pour attendre mon passage. Mon esprit divague quelques instants avant que la première rencontre ait lieu et je constate avec horreur un attroupement du côté des cheerleaders. Pourquoi ai-je regardé là-bas ? Des dizaines de filles ont les yeux braqués sur les joueurs, sourire aux lèvres. Pourquoi ne sont-elles pas focalisées sur leur évaluation ? Cela ne peut pas être déjà fini !

Mes yeux sont rivés sur leurs bouches qui piaillent, cherchant à lire les commérages qu'elles peuvent déblatérer. Mon pouls s'emballe dans des proportions exagérées. Ma respiration saccade, l'air n'arrive plus à m'oxygéner correctement.

— Ça va mec ? me questionne mon voisin.

Je le regarde, hagard.

— Euh... ouais... ouais... haché-je.

— C'est de passer après Adrien qui te met dans tous ces états ?

Je n'avais pas remarqué que le candidat s'était élancé sur le terrain, trop absorbé par ce qui se joue en arrière-plan.

— Un coup de stress, ça va passer, déclaré-je sans aucune conviction.

En réalité, cela ne va pas du tout. Ma vision est troublée par les corps de ses nanas qui discutent. Leur regard tourné dans notre direction me fait perdre tous mes moyens. J'essaie de suivre des yeux le ballon qui évolue avec le premier concurrent, mais mes pupilles reviennent continuellement sur le groupe de filles. Paupières fermées, je pratique des exercices de respiration. Mes battements cardiaques ralentissent. La chaleur qui m'enveloppait se dissipe tandis que mon tee-shirt colle à ma peau brûlante.

J'ai évité le pire.

Je souffle exagérément pour reprendre mes esprits et me focaliser sur le deuxième joueur qui entre en lice. Après quelques secondes, mes vieux démons ressurgissent et poussent mes iris à s'orienter de nouveau vers l'objet de mon stress. Les demoiselles se trémoussent, chahutent, et cherchent à attirer les regards. Mes coéquipiers semblent réceptifs à cette démonstration superficielle. J'entends, dans un brouhaha, des chuchotent presque obscènes qui sortent des bouches masculines, alors que le dégoût s'invite sur la langue. Mais lorsque des doigts sont pointés dans ma direction, je craque complètement. Mon rythme, tout juste apaisé, s'emporte jusqu'à ce que je perde le contrôle. L'espace autour de moi m'oppresse. Je suffoque, comme si l'air inspiré était toxique. Mes oreilles n'entendent plus rien, me coupent du monde. Je perds pied.

C'est trop. Trop d'attention, trop de sourires, trop de messes basses. Trop de choses sur lesquelles je n'ai aucune maîtrise. La vague de mes souvenirs me submerge tandis que de la bile remonte dans ma trachée. Je vais vomir. Je me lève d'un bond, attrape mes affaires et je fuis. La tête basse, je fonce vers la sortie.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now