Chapitre XIV : Sous le regard des étoiles

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 Le bruit d'un bec toquant au carreau de la fenêtre réveilla Lucia peu avant l'aube. La jeune fille se leva prestement pour ouvrir à son oiseau qui s'engouffra dans la pièce avec un doux bruissement de plumes avant de finalement se poser au pied du lit. Sa petite maîtresse s'assit non loin de lui et le pria de lui faire son rapport.

L'oiseau avait bien trouvé la maison qu'on lui avait décrite, dans le village indiqué. Il avait vu le couple un peu âgé qui y vivait. L'espion avait surpris quelques tendres échanges à la lueur de la lune. Il avait observé la maisonnée si tranquille, les affaires qui y étaient bien rangées, les sols bien entretenus. Il rapporta la vieille grange qui servait d'entrepôt pour le marchand, la mule qui y sommeillait dans un box.

Lucia l'écouta très attentivement, vérifiant que chaque détail correspondait aux paroles de Kaïto à propos de sa famille et de sa maison. Tout concordait parfaitement, peut-être était-elle trop méfiante... Cependant, elle se sentit rassurée. Cette précaution avait sûrement été prise pour rien mais mieux valait cela plutôt que de ne pas être prudente et exposer tout le groupe à un nouveau danger. Dans le fond, la jeune fille savait pertinemment qu'elle était la cause de la chute du village caché. Cette certitude était ancrée dans son esprit et aucune parole gentille en ce monde n'aurait su l'en faire douter. Si elle n'avait pas été là bas, si elle ne s'y était pas attardée, l'homme en noir ne serait pas venu, il ne se serait pas infiltré sur le territoire de Nathaniel et Faith serait toujours en vie. Elle serra les poings à cette pensée tandis que les larmes brûlaient ses paupières alors qu'elle tentait de les refouler.

« On ne peut revenir dans le passé, » lui glissa Lullë Corma d'un ton doux.

Elle acquiesça et se leva pour s'habiller afin de s'occuper l'esprit. Se focaliser sur des tâches simples était la meilleure façon de chasser les pensées qui la hantaient. L'oiseau l'observait depuis son perchoir, penchant la tête d'un air curieux. Lucia se prit à se demander à quoi le sortilège pouvait penser. Pensait-il véritablement ? Il avait l'attitude d'un oiseau réel mais n'était-ce pas juste une illusion pour donner une impression de réalisme ? Était-il simplement entrain d'attendre son prochain ordre ?

- Merci, lui dit-elle. Tu as bien travaillé.

L'oiseau agita ses ailes et émit un son doux avant de redevenir un ensemble de morceaux de bois et d'écorces agencés entre eux. La magie qui l'animait était partie. Lucia le ramassa avec précaution et l'enveloppa dans un mouchoir avant de le ranger dans son paquetage. Il lui servirait sûrement à d'autres occasions.

Ses affaires prêtes et le lit fait, elle quitta la chambre pour descendre dans la salle commune. Les autres n'allaient pas tarder non plus, ils prendraient le petit déjeuner ensemble avant de partir.


Ce que le sortilège, aussi assidu et bon observateur qu'il était, n'avait pu deviner, c'était le sol fraîchement retourné dans la cave du marchand comme si on y avait creusé récemment une fausse capable d'abriter les corps de deux adultes et de les dissimuler au reste du monde...


Une nuit passée dans un bon lit avait fait du bien à tout le monde. En dépit de l'heure tardive à laquelle ils s'étaient couchés, les traits étaient moins tirés et les yeux brillaient d'une énergie nouvelle. En guise de petit déjeuner, ils eurent droit à d'épaisses tartines de pain beurrées avec de la confiture. Une fois le ventre plein, ils s'apprêtèrent à partir. Le groupe était suffisamment organisé pour que charger le chariot et seller les chevaux ne prenne pas trop de temps.

Lucia retrouva Valériane avec plaisir. La petite jument la gratifia d'un coup de museau pour la saluer et accepta bien volontiers le morceau de pomme que sa maîtresse lui offrait. Une nuit à l'abri semblait lui avoir fait du bien à elle aussi. La jeune fille entreprit de la panser avant de lui passer la bride. Autour, les autres s'activaient pour préparer le départ, supervisés par Aramis qui donnait des directives.

Children of FoethWhere stories live. Discover now