Chapitre 1 : Lena

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Léna

L'avion atterrit, c'est un tout petit aéroport qui n'a pas changé depuis la dernière fois. Nous récupérons nos bagages et nous sortons en moins de vingt minutes. À l'extérieur, je retrouve la chaleur sèche de l'hiver rodriguais. Nous sommes dans le pôle sud alors les saisons sont inversées par rapport à la France. Sur le parking, je reconnais le loueur de voiture qui nous attend avec deux petites voitures et une mobylette. Mes parents ont pris une vieille Nissan Micra rouge. Les formalités se font rapidement, ici tout est plus simple. Après avoir payé, nous entassons comme nous pouvons les valises dans la voiture, sachant à l'avance que certaines finiront sur nos genoux. Nous montons dans la voiture, mon père démarre non sans quelques difficultés la vieille Nissan, et nous voilà partis.

Je ne peux m'empêcher de sourire alors qu'une bouffée d'air venant des fenêtres soulève mes cheveux. Nous nous éloignons du lagon pour pénétrer dans les terres, passant devant des prés remplis de cabris, c'est comme ça qu'on appelle les petites chèvres ici. Puis, les étendues d'herbes cèdent la place aux forêts tropicales où l'air est plus frais, et nous prenons de la hauteur. Nous sommes rapidement au cœur de l'île. Rodrigues n'est pas très grande : elle mesure 18 km de long sur 8 km de large. On pourrait penser que sur ce petit bout de terre perdu dans la mer, on pourrait s'ennuyer, se sentir perdu, dans un coin, oublié. Mais moi, ici, je me sens au centre, au centre du monde, au centre de la vie, au centre même du but de l'existence. Ici, je me sens vivante.

La climatisation est défaillante alors on laisse les fenêtres ouvertes, je sais que mes cheveux se nouent et que le démêlage va être long mais je m'en moque. Ils finiront la journée empreints du sel de la mer. L'odeur saline remplit d'ailleurs mes narines et je me vois déjà me baigner dans le lagon turquoise.

Je reconnais le point culminant de la route, dans les douces collines du centre. Un instant, la vue est dégagée et on aperçoit quelques maisons qui ressemblent à des miettes sur un sol de velours vert, grillées à quelques endroits par le soleil. Au dernier plan, le lagon, et puis l'océan, d'un bleu puissant, immense, où quelques îlots de sable se dessinent tendrement.

Nous arrivons à Saint François, là où se trouve la maison. Je reconnais la route, rien n'a changé, comme si le temps ici, s'était arrêté. Quelque part, ça me rassure. Le portail est toujours le même, le code aussi. Nous nous garons dans le parking fait de graviers de corail. Nous sortons de la voiture, il fait un peu moins chaud, il y a de l'air, qui vient directement de la mer et qui berce nos oreilles. Fred et Amanda sortent de l'autre voiture, suivis de Haley. Josh, lui, a conduit la mobylette. Mon père souffle un bon coup, et ses épaules semblent se détendre. Enfin, nous sommes arrivés à la maison de vacances de Joseph, le vieil ami de mon père.

Sur le parking, son pick-up est là. Nous commençons à monter les marches qui mènent à la maison surplombant devant nous. C'est une grande bâtisse blanche, avec une immense varangue en bois foncé qui l'entoure pour la protéger du soleil, typique de l'architecture créole. Le chemin est encadré par des palmiers et des vacoas, où se cachent souvent les geckos endémiques au corps turquoise et bleu lagon. À mi-chemin, le gardien de la villa nous rejoint et me libère de ma valise.

"Kosé Louis, tout Korek ?" demande mon père en créole.

"Oui bien monsieur, vous avez fait bon voyage ?"

"Oui, oui, un peu long, nous sommes contents d'être arrivés !"

Nous arrivons sous la varangue, qui accueille une immense table familiale en bois, ici même où nous avons l'habitude de manger, tous réunis. Les baies vitrées posées sur des murs de roches volcaniques sont grandes ouvertes, à l'intérieur, le grand salon n'a pas changé non plus. Nous faisons quelques pas et entrons. L'air y est plus frais et l'odeur boisée agréable.

Un été à Rodrigues IslandWhere stories live. Discover now