Chapitre 13.1 : Manigances

113 4 0
                                    

 La Forêt ancienne de Nornsyl s'étendait tel un royaume hivernal figé dans le temps. Ses majestueux arbres, drapés d'un manteau de neige étincelant, se dressaient comme des sentinelles silencieuses sous le ciel pâle. Chaque branche, chaque feuille était délicatement parée de cristaux de glace, créant un paysage féérique d'une beauté froide. Le sol, recouvert d'un tapis moelleux vierge, invitait à la contemplation de ce spectacle enchanteur.

Les deux corbeaux glissaient avec aisance entre les arbres enneigés, leurs ailes noires tranchant l'air. La splendeur ténébreuse de leurs plumes contrastait harmonieusement avec la palette immaculée de la forêt hivernale. Leur vol les conduisit vers le village, dessinant des cercles gracieux au-dessus du Foyer des Anciens. Leur présence, tel un présage, ne passa pas inaperçue.

Éveillé par ses sens aiguisés, fruit d'années de communion avec les forces mystiques, Varulf, le Prêtre du Sang, demeurait en tailleur à l'intérieur du Foyer des Anciens. Son visage, dissimulé derrière une cascade de longs cheveux d'ébène, se dérobait dans l'obscurité du lieu, uniquement rompue par la lueur rougeoyante des torches accrochées aux murs. Dans ce sanctuaire, des fresques sombres et inquiétantes contant l'épopée des Vestiges et de leurs exploits héroïques émergeaient de l'ombre.

Un sourire énigmatique se dessina sur les lèvres de Varulf dès qu'il identifia l'emblème de la magie ancestrale porté par les oiseaux. Il se leva, sinistre dans sa robe de fourrure ténébreuse, ornée de symboles ésotériques brodés d'or, et franchit le seuil du Foyer. Les corbeaux vinrent se percher en croassant sur ses épaules.

Distraitement, Varulf caressa les corbeaux, convoquant mentalement ses disciples à se réunir en sa présence. Dans la semi-obscurité de l'âtre, il demeura en attente. Les ecclésiastiques, drapés de toges sombres, firent leur entrée dans en silence. Ils arboraient une similitude frappante, leurs crânes rasés et leurs visages d'une pâleur presque uniforme. Les flammes des torches dansèrent à leur approche, projetant des ombres mouvantes sur les fresques murales.

« Mes Frères, » entama Varulf d'une voix grave, mes corbeaux sont revenus, porteurs de nouvelles. » Les disciples formèrent un cercle solennel, fixant attentivement le Prêtre du Sang de leurs regards.

— La première phase a été menée à bien : Yggdrasil a été annihilé. Cette disparition privera les Vestiges de leur capacité à localiser la Mère, car l'arbre pouvait ressentir la position des Vestiges à travers le monde. Notre allié a réussi à capturer celle-ci. Skaldir nourrissait trop de soupçons, devenant de plus en plus insistants. Ils ne pourront désormais plus la retrouver.

Des murmures d'approbation se répandirent, mais Varulf les fit taire d'un geste brusque.

— Les Vestiges sont plus divisés que jamais, et notre sympathisant se porte garant pour maintenir le chaos parmi eux. Il n'est pas exclu que nous réussissions à rallier certains d'entre eux à notre cause.

Les disciples écoutaient avec attention, captivés par les paroles du Prêtre du Sang.

— Cependant, continua Varulf, il semble que notre récent exilé, Sverjar, ait réussi à survivre aux dangers de la forêt. Accompagnés d'une sorcière et d'un chasseur, ils ont entrepris un voyage jusqu'à Yggdrasil, puis à Havtryor, d'où ils sont parvenus à s'échapper. Les corbeaux les ont suivis de près. Quelle que soit leur intention, il est impératif que nous ne leur permettions pas de progresser davantage.

Un des clercs, d'une voix empreinte de suffisance, rompit le silence.

— La Jarl Astrid a-t-elle des soupçons sur nos activités ? Elle pourrait devenir un obstacle redoutable si elle décidait de se mêler de nos affaires, interrogea-t-il.

Varulf esquissa un rictus à peine perceptible. D'un geste, il tendit la main vers le prêtre. Sous l'emprise du pouvoir de Varulf, le prêtre se mit à léviter, son visage prenant une teinte rougeâtre, privé d'oxygène. Le Prêtre de Sang observa d'un regard vide ses vains efforts pour se libérer. Alors que le clerc semblait sur le point de succomber, Varulf relâcha la pression. Ce dernier s'effondra à genoux en pleurs.

— Ma parole ne doit pas être mise en doute, asséna-t-il, que cela soit clair pour vous tous. Notre Jarl demeure dans l'ignorance totale. Sa foi envers les deux l'aveugle. Lorsque le reste des Vestiges sera suffisamment affaibli, nous pourrons déclencher notre plan sans opposition significative, » déclara-t-il.

Il leva la main, notifiant la fin de la discussion.

— Que cinq d'entre vous partent intercepter Sverjar et ses alliés. Mes corbeaux vous guideront jusqu'à eux. Une fois localisés, éliminez-les tous. Les pouvoirs conférés par notre proche devraient être amplement satisfaisants pour les surmonter. Soyez prudents avec la jeune fille et le jeune homme, car ils possèdent des dons qui nous échappent encore. En attendant, maintenons notre vigilance. Patience et discrétion sont nos meilleures alliées. »

Les clercs s'inclinèrent respectueusement puis se fondirent dans les ombres. Varulf demeura seul, son regard fixé sur les flammes dansantes des torches qui vacillaient dans la pénombre. Une détermination froide animait son regard.

— Es-tu isolé, prêtre ? » susurra une voix profonde.

Varulf sursauta. Il ne parvenait pas à s'habituer à l'intrusion du Vestige dans son esprit. En plus de provoquer une douleur lancinante, cela lui causait d'intenses migraines. Varulf, dissimulant sa souffrance derrière un masque d'indifférence, répondit d'une voix grave.

— Je ne suis jamais seul, Vestige. Que désires-tu ? »

— Veille sur tes paroles, Prêtre, gronda la voix. D'un simple mot, je peux faire éclater ton âme et disperser tes membres aux quatre vents. Ne te montre pas plus orgueilleux que tu ne l'es déjà. J'ai besoin de quelqu'un de fiable. »

La voix du Vestige résonnait dans l'esprit de Varulf avec une autorité incontestable. Bien qu'il demeurât impassible, Varulf percevait une pointe de menace dans les paroles du Vestige. Les migraines s'intensifièrent, mais il tint bon.

— Je suis à votre service, Vestige. Mon dévouement envers nos desseins communs est absolu. Dites-moi ce que vous souhaitez, et je veillerai à ce que cela se réalise.

La voix profonde murmura dans son esprit.

— Ne sous-estime pas le garçon, Varulf. Je le désire en vie, car quelque chose en lui dévoile un pouvoir que l'un d'entre nous a dû lui conférer. Vindóttir est à ses côtés, mais elle est trop faible pour en être la source. Je les veux, et je les éliminerais moi-même.

Varulf inclina légèrement la tête, pleinement conscient de la portée cruciale de la mission qui lui avait été confiée. « Les directives nécessaires ont déjà été émises. Je vous en rendrai compte, Vestige. Notre avancée sera inexorable, je vous le jure. »

La voix du Vestige s'adoucit. « N'oublie pas qui te guide, Prêtre. L'ombre elle-même. »

La connexion se dissipa, laissant Varulf avec une douleur à la tête persistante.

Vestiges [Roman Dark Fantasy]Where stories live. Discover now