Vestiges [Roman Dark Fantasy]

Chapitre 14.2 : Tempête

   Malgré la gravité de la situation, Sverjar réprima un sourire amusé. Depuis sa première rencontre avec la sorcière, il ne l'avait jamais vue dans un tel état de colère, elle qui mettait un point d'honneur à se maîtriser. Derrière son visage impassible, Huldra semblait osciller entre l'impulsion de céder à la fureur et l'adoption d'une approche stratégique.

— Tu es prête à te battre pour ces deux humains, ma sœur. Ils sont clairement précieux à tes yeux. Tu n'as aucune chance, abandonnes. Je peux, d'un simple claquement de doigts, rassembler les Luminoths, qui se feront un plaisir de vous noyer.

— Et tu n'auras rien appris de plus, ma sœur, cracha Vindottir.

Huldra éclata d'un rire cristallin.

— Tu as bien changé, Vindottir. Nous voilà donc dans une impasse. Vous ne sortirez pas d'ici tant que je ne serai pas satisfaite. Trouvons un compromis.

Vindottir poussa un profond soupir. Elle réfléchit à ce qu'elle pouvait dire, cherchant quelque chose qui pourrait accommoder Huldra sans trop dévoiler. Sa sœur était attirée par le pouvoir dominant, la rendant à la fois dangereuse et peu fiable. Cependant, si Vindottir parvenait à la guider dans une direction qui servait également ses propres intérêts, cela pourrait être bénéfique lors du prochain appel des Vestiges. Ignorant les regards inquiets que lui lançaient ses compagnons de route, elle se racla la gorge.

— Très bien, je vais parler, mais tu dois jurer sur les Vestiges que tu nous laisseras partir sains et saufs.

Huldra, impatiente, balaya la requête d'une main assurée.

— C'est une évidence. Je t'écoute, ma sœur.

— Ces deux-là, elle désigna Sverjar et Tyrulf, ont trouvé refuge dans mes terres. Leur quête m'a intriguée, mentit-elle. Ils étaient en chemin pour un pèlerinage auprès d'Yggdrasil, tout comme de nombreux fervents. Après l'avertissement de notre Mère, j'ai pensé qu'il serait bénéfique de lui demander ce qu'il savait. Nous avons découvert Yggdrasil détruit, confirmant ainsi les soupçons de la Mère. Mais nous avons également fait une découverte plus importante : l'attaque a été orchestrée par les Prêtres du Sang.

Suspendue à ses lèvres, Huldra manifesta une réaction de surprise.

— En es-tu sûre ma sœur ? Ces fanatiques de la forêt seraient capables de mener une telle attaque ?

Sverjar resserra son emprise sur la garde de son épée, répondant au mépris affiché par la Vestige envers son peuple. Malgré son exil, une colère profonde l'envahit. Sentant son trouble, Tyrulf posa une main apaisante sur le bras qui tenait l'épée. Impassible, Vindottir poursuivit :

— Non, les Prêtres de Sang ne sont pas les seuls coupables, mais il est évident que Skaldir avait raison. L'un d'entre nous est impliqué et a cherché à la faire taire.

Huldra se plongea dans un silence méditatif, laissant planer une instabilité dans l'air. Vindottir percevait une perturbation en elle, une véritable surprise qui suggérait qu'elle était étrangère aux événements. Malgré l'attente, Huldra prit son temps pour réagir. Enfin, elle se tourna vers eux avec gravité :

— Admettons que tes paroles soient vraies. Que comptes-tu faire maintenant ?

— Je prévois de démasquer le responsable de cette situation et de le confronter devant les Vestiges, affirma Vindottir d'un ton assuré, étonnée elle-même de sa détermination.

Huldra la fixa, son regard perdu dans l'horizon de ses pensées. Sa fougue semblait momentanément avoir déserté son être.

— Je doute que tu sois à la hauteur, ma sœur. Mais je ne vois pas de raison de t'en empêcher. Si tu succombes, je prendrai les choses en main. Si tu réussis, ce dont je doute grandement, tant mieux pour nous tous. Elle recouvra son assurance. Bien, vous êtes libres de partir. J'ai des affaires à régler. Les îles sont habitées à l'intérieur des terres, dirigez-vous vers là-bas.

Alors que les deux hommes semblaient hésiter, la sorcière leur fit signe d'accélérer. Ils n'avaient pas le loisir d'observer Huldra changer d'avis et abandonner cet endroit pendant que l'opportunité se présentait. Ils se détournèrent de la Vestige et reprirent leur marche. Vindottir, en se retournant, surprit le regard profondément troublé de sa sœur fixé sur elle, puis Huldra replongea dans les flots.