Habits.

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Ce qu'on ne nous dit pas quand on s'apprête à mourir c'est que le voeux que l'on accorde aux enfants mourants n'est destiné qu'aux enfants et que celui qui grandit en nous meurt en même temps que ce voeux qui nous permets de tenir si longtemps. Si notre corps décide de nous laisser plus de temps, d'être un peu plus combatif, alors on meurt seul, avec tous nos rêves.

Depuis toujours, Jeongin cachait précieusement une boite remplie de tous ses souhaits. Il les avaient inscrits au feutre rose, puis jaune, orange, marron puis finalement au stylo à plume noir.

Depuis ses 11 ans, Jeongin racontait les petits et les grandes choses qu'il aimerait faire ou parcourir. Quelles plaines dévaler en roulant sur le dos, quel alcool goûter à l'arrière d'un supermarché de quartier, quelle bouche embrasser... Il avait tout couché sur ce papier roulé qui semblait avoir vécu avec lui des décennies de refoulement et de frustration.

Rien qu'à penser à cette boîte et ses larmes redoublèrent, fichu vent ! Il était sans pitié cette nuit. Il se doutait que Dorotha avait déjà dû quitter le service pour rentrer chez elle pendant que l'équipe de nuit avait déjà dû prendre place, ou alors étaient-ils encore en train de faire leurs transmissions tout en se racontant leurs potins personnels et d'institution, qui couchait avec qui et pourquoi... Cela le fit sourire avec difficulté en l'imaginant. Lui aussi aurait aimé avoir des histoires de comptoirs à raconter.

Jeongin repositionna son bonnet sur son crâne gelé et il inspira une dernière fois ce qu'il pouvait de son nez maintenant presque bouché. Il savait qu'il ne devait pas trop traîner, un simple rhume aurait pu le faire chuter et malgré ses allures d'homme prêt, il ne l'était pas tant que ça. Alors avec lassitude et enfin, une pointe de culpabilité, il regagna sa chambre 28.

Il s'attendait à y rentrer sans encombres ni bruits, comme invisible, mais devant la porte l'attendait cette fameuse Dorotha. Elle avait l'air contrariée, grandement contrariée même. Elle allait probablement lui passer un soufflons, il le savait. Quand ses bras étaient croisés sur sa poitrine comme ils l'étaient à l'instant ce n'était jamais très bon signe pour lui...

- « Innie ».
- « Oui, je sais ».
- « Non, t'as pas l'air de savoir ».
- « Je vais m'excuser ».
- « Tu le fera demain, là il est épuisé ».

Dorotha le regardait d'un air sévère, ses bras de plus en plus crispé l'un sur l'autre. Sa colère était palpable. Être le préféré d'une soignante, même de celle-ci, ne signifiait pas détenir un passe-droit pour devenir un parfait idiot.

- « T'as l'air de l'avoir vite oublié Yang, mais les traitements sont lourds, difficiles à supporter et le moral fait... ».
- « 40% à 60% de la guérison, je le sais ».

Dorotha souffla de son nez, comme seule elle savait le faire avec autant de puissance.

- « Ecoute moi poussin, s'il te plait... ».

Dorotha s'approcha tout prêt de son protégé et d'un geste tendre, presque interdit, elle lui caressa du dos de la main la joue et le temps d'une demi seconde, de manière presque imperceptible, Jeongin se laissa aller à son contact. Il ferma que trop brièvement ses yeux mut par un confort dont il ne pouvait se passer et dont elle était la seule détentrice.

- « Tu vas vu son dossier, il a des chances, c'est pas incroyable, mais c'est possible et il réagis bien aux premiers jours alors qu'on sait tous les deux qu'ils sont toujours les plus difficiles. Je ne suis pas en train de dire que, tu sais bien... mais il a une chance ».
- « Que c'est pas comme moi, c'est ça que tu veux dire ? ».
- « Je n'ai pas dis ça ».
- « Tu l'as juste pensé trop fort Doro ».

Jeongin lui sourit. Il la remercia du regard de ne pas lui faire l'affront de lui mentir et sans prévention il prit l'infirmière tout contre lui. Il nicha son visage gelé contre son cou à la recherche de sa chaleur et de ses bras frêles il entoura le corps reconfortant d'une mère qui n'en était pas une. Il inspira son odeur forte d'un parfum probablement trop cher et il en chérit chaque effluve.

- « Tu me manqueras, tu me manqueras vraiment Dorothéa ».
- « Tu sais que je déteste quand tu m'appelle comme ça ».
- « Mais qui sera là pour le faire, après ? ».

La chambre 28Where stories live. Discover now