Chapitre 8 - Damien

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John heurte le sol, en se tenant la cheville. J'amorce un pas dans sa direction avant de réaliser mon geste. Je m'arrête, n'ayant aucune raison de me précipiter vers lui. Victoria, elle, poursuit son mouvement jusqu'à eux et je reste en retrait.

Je la vois s'affairer autour de lui avec Tomas. Ils parlent avec de grands signes tandis que John grimace. J'espère pour leur équipe que ce n'est rien de grave. Un deuxième joueur hors service serait un réel coup dur.

John s'appuie sur les épaules de ses amis qui le transportent jusqu'à moi. Je cède alors ma place tout juste récupérée et réchauffée.

— Montre-moi ta cheville, lui ordonne presque Victoria.

Le jeune homme dénoue ses lacets et abaisse sa chaussette. Elle parcourt avec attention avant de déclarer :

— C'est rien de grave je pense, mais vaudrait mieux stopper là pour aujourd'hui.

— John, tu fais chier, j'avais besoin de toi pour m'entraîner.

— Désolé, mec.

— Ouais... je sais. Damien, tu le remplaces ? m'invite Tomas sans que cela ne soit une réelle question.

Il retourne en direction du terrain sans un regard pour s'assurer que je le suis.

— Moi ? Euh...

— Aller, je t'ai vu un peu à l'œuvre, je suis certain que tu feras l'affaire. C'est pas bien compliqué.

— J'allais partir...

Pour illustrer mes propos, j'esquisse une action pour récupérer mon sac. Je loupe la poignée quand un pied l'envoie valser à quelques mètres. Mes yeux ahuris remontent sur les longues jambes sensuelles de leur propriétaire. L'air faussement désolé de Victoria me confirme que cela n'a rien d'un accident. Sa tête qui se tortille en direction de Tomas me pousse à accepter la demande du capitaine et avant même que je comprenne ce qui m'arrive, je me retrouve sur le bitume, ballon en main. Son regard plein d'espoir et son sourire ensorceleur n'y sont pas pour rien. Après tout, ce midi, personne ne rôde autour du terrain. Pas de public. Pas d'œil pour épier mes gestes. Pas de bouche pour se moquer. Pas de langue pour commérer. Il y a seulement cette femme, qui m'entraîne hors de ma zone de confort. Seulement elle et John qui tient sa cheville, l'esprit ailleurs. C'est une occasion presque rêvée de renouer avec mon sport favori.

Je consacre cinq bonnes minutes à m'échauffer. Le temps de monter en pression. Mes muscles se développent sous la tension sanguine. Et quand mon cerveau est uniquement fixé sur le ballon qui navigue entre mes mains, j'ai conscience qu'il est l'heure de se jeter à l'eau.

— Tu veux t'entraîner à quoi au juste ?

— Je bosserais bien les transitions ou finitions au panier et on pourrait terminer par un petit un contre un. Ça te convient ?

— Ok.

Une légère appréhension me picote quand nous nous positionnons à l'extérieur de la zone des lancers francs. Je balance la balle au Tomas imposant qui me fait face. Il la rattrape avec aisance, prêt à en découdre. J'ai l'impression que le terme entraînement n'a plus lieu d'être.

— Prêt ?

— Prêt !

Tomas dribble quelques fois pour s'approcher du panier. Je monte la garde, en position pour récupérer un éventuel rebond. Après un spin move, en tournant promptement sur lui-même, il s'engage dans une direction différente, me prenant au dépourvu dans ma défense. Puis, il s'élève pour un lay-up. Le ballon ricoche contre le panneau puis termine dans l'anneau.

Je souris subtilement. Il est vraiment bon.

À mon tour, à moi de montrer ce que je vaux et le prendre par surprise. L'attention focalisée sur mon objectif, je m'élance, vif, en dribblant, feinte à droite le clouant sur place et effectue à mon tour un lay-up spectaculaire. La balle flirte avec mes doigts et glisse directement dans le filet.

Une vague de satisfaction me parcourt quand je vois la mâchoire de Tomas se contracter subtilement.

— OK, c'est moi qu'on entraîne ici, ou c'est toi ?

Sa réplique m'arrache un rire.

Nous enchaînons chacun notre tour nos démonstrations de force. Le plaisir de partager ce moment me submerge. Tomas est un adversaire et coéquipier de basket hors pair. Il y avait longtemps que je n'avais pas ressenti une telle euphorie. Une rivalité bienveillante s'installe, j'apprécie sa technique quand il me prend au dépourvu, tout comme il admire la mienne quand je flirte avec le panier. J'accueille l'adrénaline et la restitue dans mon jeu sans penser à ce qui m'entoure. Les uns contre un qui ne ressemblent plus à un simple entraînement, épuisent mes ultimes forces. Après un dernier point, je m'écroule au sol, au côté du joueur.

Étalés de tout notre long, nous nous dévisageons un instant, les yeux dans les yeux, avant d'exploser de rire en voyant nos mines déconfites. Mais, Tomas reprend son sérieux.

— Mec, j'ai une question ?

D'un mouvement du menton, je l'encourage à poursuivre. Pourtant, une boule se forme au fond de ma gorge.

— Pourquoi tu n'as pas fini les sélections ?

Je rumine des mots qui ne franchissent pas mes lèvres.

— Tu veux toujours en faire partie ? me devance-t-il face à mon silence.

— Je... Je sais pas, hésité-je.

— Viens demain soir, au prochain entraînement, ça coûte rien.

— Je verrai.

— Parfois, faut croire au destin.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now