🦋Prologue🦋

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Moscou,

14 Août 2018

L'adrénaline embrase le sang qui s'écoule dans mes veines telle un torrent d'euphorie, m'incitant à enfoncer la pédale d'accélération. Mon regard divague entre la route et le rétroviseur, suivant de près mon adversaire. Les pneus crissent sur le bitume, le moteur gronde, m'offrant une agréable mélodie. Mes doigts se cramponnent au volant, alors qu'avec l'autre, je tire d'un coup sec sur le frein à main, lorsque je m'engage dans le virage qui s'annonce serré. D'un coup d'œil rapide, je regarde par la fenêtre pour voir s'il me suit toujours, mais un grand nuage de fumée me brouille la vue.

Un sourire étire mes lèvres, quand je réalise l'avoir semé. Pourtant, mon cœur rate un battement au moment où mon crâne rencontre de façon brutale la vitre. Un juron m'échappe alors que je reprends le contrôle du véhicule. J'ouvre les carreaux, faisant entrer les courants d'air à m'en faire siffler les oreilles, mais avant même que je puisse cracher mon venin, il lance.

— À charge de revanche, Ребенок шлюхи !

L'enfant de putain va t'envoyer tout droit à la morgue, connard.

Il m'offre son troisième doigts, suivi d'un rictus provocateur avant de me passer devant le nez. Je grogne et enclenche la vitesse suivante après avoir refermé les fenêtres. Je vais profiter de cette ligne droite pour doubler et reprendre l'avantage. Néanmoins à chaque fois que je décide de le dépasser, il me contre et se place en plein devant moi.

Mes nerfs bouillonnent et les insultes affluent dans tous les sens. La ligne d'arrivée approche à grands pas et je ne suis plus très sûr de pouvoir gagner. Seulement, il est hors de question que je le laisse remporter la victoire. J'ai trop à perdre, ma caisse, ma thune, ma réputation et ma fierté.

Plus que quelques mètres et je vois déjà ma défaite faire écho. Je serre le volant entre mes phalanges crispées et tente de dompter ma respiration qui se fait chaotique. Ma soif de victoire m'anime bien trop violemment et m'empêche de réfléchir de façon rationnelle. Alors d'un coup de tête, je change brusquement de direction et décide de prendre un raccourci, qui n'en est pas moins dangereux.

Je dévie sur la voie ferrée et prie intérieurement pour que le train ne prenne pas ma direction. Avec un peu de chance, je rattraperai mon retard. Je donne tout ce que j'ai, je puise dans mes dernières réserves et fonce à vive allure.

Mon sang cogne contre mes tempes. Mon cœur tremble à l'idée qu'on se fasse percuter, mais d'autre part, il est stimulé par ce danger qui rôde. Le regard rivé sur les rails qui font danser ma voiture, je tente de maintenir les roues et de ne pas m'envoyer moi-même à la morgue.

Après plusieurs mètres, le pouls palpitant, les muscles tendus et nerfs à vif, je braque brutalement vers la gauche et prends la sortie. Je zieute rapidement derrière moi et en voyant l'avance que j'ai réussi à prendre sur lui, un cri de jubilation m'échappe.

Hors de question que je le laisse me rattraper, j'accélère. J'ouvre l'une de mes fenêtres et prends ma revanche en lui faisant un doigt d'honneur. Je ne réprime pas mon grand sourire lorsque je découvre la ligne d'arrivée. La foule s'écarte pour me laisser passer et de nouveau, j'observe à travers mon rétroviseur la distance qui nous sépare.

Si près du but, je crèverai de honte s'il venait à me doubler.

— Je t'avais dit que je gagnerai la course, fils de...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase, que tous mes sens se mettent en alerte. J'enfonce de toutes mes forces le frein en plus du frein à main, mais à cette vitesse, la collision est inévitable. Mon souffle se coupe, mon cœur s'arrête de battre, alors que mes yeux s'écarquillent. Les pneus crissent comme jamais et malgré tout, ils ne parviendront pas à s'arrêter à temps.

Pitié, pas ça...

Pourquoi tu n'es pas resté à ta place ?

Pourquoi il a fallu que tu t'écartes ?

J'aurais aimé fermer les paupières quand je l'ai vu au milieu de cette route. Pour ne pas voir la détresse dans son regard ni apercevoir la terreur le clouer sur ce bitume. Alors quand son petit corps percute mon capot dans un bruit assourdissant, brisant mon pare-brise sous la violence du choc, je prie pour succomber à cet accident.

Mon être est projeté en avant, tandis que mon crâne se fracasse contre le volant, m'assommant aussitôt. Seulement, aucun répit ne m'est accordé, on m'extrait du véhicule, m'empêchant de sombrer dans les méandres de mon inconscience. Mes paupières papillonnent, un monde m'entoure, leurs lèvres bougent, mais seul le bourdonnement dans mes oreilles me parvient. Néanmoins, dans cet attroupement, j'entrevois entre deux, le jeune gisant, inerte au sol. Ma vue se floute, ma gorge s'obstrue, je tremble.

Pitié, pas ça...

La douleur qui me lancine, à cet instant, est foudroyante. Rien n'est plus douloureux que de prendre l'âme innocente d'un enfant.

Black ButterflyAu Coeur Des TénèbresWhere stories live. Discover now