Chapitre 27

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Presque aussitôt, je fais le lien avec l'indice. 

Je feuillette frénétiquement le livre. Les pages fines en papier tournent à une vitesse folle. Je remarque l'écriture soignée: rien ne dépasse, tout est bien ordonné. Les feuilles sont douces sous mes doigts, comme les feuilles des arbres. 

Mon doigt s'arrête finalement sur une page, où un autre papier est coincé. Ce dernier est fin, long, et coloré. Des formes multicolores y sont dessinées, et un mot y est gravé. "Rêve". Pour compléter le tout, un fil bordeaux dépasse du livre. Je ne l'avais pas remarqué. 

Je retourne le marque page, et aperçois une date:

"26 août 2031, vacances avec N. , J. , L. , Z. , et E. à la mer"

— Quoi? Seulement une date? grognai je à haute voix. 

Le mot mentionne une date. 2031. C'était il y a si longtemps... 

Je commence à fouiller aléatoirement la chambre, ne sachant pas où chercher. Je sort les dizaines de livres de la bibliothèque, les secoue, tout en aillant l'impression de profaner la chambre. Rien. 

En désespoir de cause, je regarde sous le lit. Mon souffle entraîne le mouvement de peluches de poussière. 

Je me redresse, et mon regard croise celui de la propriétaire de la chambre sur une photo. C'est celle où on la voit avec son petit ami en train de manger des glaces, tout deux riants aux éclats. 

Je me précipite vers la photo, et l'évidence m'apparaît en la retournant:

"15 juin, en train de manger des glaces!"

Il faut que je cherche une photo... Mais bien sûr! Je suis stupide!

Je réunis alors tous les clichés en un tas sur le lit.

Je retourne chaque photo, tout en les détaillant du regard. Sur chacune d'elle, tous sourient, ont les yeux qui pétillent. Les dates sont toutes proches: de 2031, à, pour la plus récente, 2040. 

Soudain, mes mains prennent une photo où l'on voit six jeunes filles en maillot de bain. Derrière elles, on voit seulement de l'eau, et le grand ciel bleu. Elles ont les pieds posés sur du sable, qui forme lui aussi une mer, mais une mer de petits cailloux détruits et rejetés par l'immensité bleue. En plissant les yeux et en me concentrant, je vois également des gens s'amuser dans l'eau. Les plus jeunes semblent avoir des bouées. Les vagues lèchent le rivage, calmes mais ambitieuses. 

M'arrachant à cette contemplation, je retourne la photo.

Il y a bien la même inscription que sur le marque- page, mais autre chose est inscrit en bas à droite, si petit que je dois presque y coller mes yeux pour pouvoir la lire.

"Bravo! Ceci est la dernière épreuve. Mais, d'où vient cette photo?"

D'où vient cette photo? Je n'en ai aucune idée! D'après mes connaissances, la France comptait beaucoup de côtes... Et encore, ce n'est même pas sûr que ce cliché ai été pris dans ce pays!

— Jade, quelle heure est il?

Il est 17h02, mademoiselle! Il ne vous reste plus qu'une seule épreuve, avant de pouvoir partir d'ici!

Je ne réponds pas, et me creuse la tête. Peut être qu'il y a une carte quelque part, où l'endroit est inscrit! Finalement, elle n'était pas difficile, cette dernière épreuve...

Mais, au fond de mon âme, dans les recoins de ma conscience, je sais que ce n'est pas aussi simple. Quelque chose cloche. Mais quoi? Impossible de le dire avec précision. Cependant, je sais que trouver le code de la porte sera tout sauf simple. 

Alors, avec cette alarme en fond, je cherche une carte, où du moins quelque chose qui pourrait ressembler à l'endroit où a été prise cette photo.

Je tombe sur un magnifique appareil photo, protégé par un sac plastique. Il rutile, brille presque. Comme s'il émettait de la lumière. J'admire quelques instants le magnifique objectif, avant de reposer l'appareil sur le lit.

Je trouve au final plusieurs cartes, mais aucune ne correspond à un littoral. 

Déçue, je retourne dans la cuisine, et prend une pomme de mon sac. Le jus coule dans ma bouche, sucré, et me revigore un peu.

Je décide de faire une courte sieste, allongée sur le lit. La poussière me fait éternuer, mais tant pis. 

Je suis réveillée par une douleur dans les côtes. Je grogne, et passe ma main sur celles ci. Je touche l'appareil photo, qui m'appuyait sur les côtes. 

Je l'attrape, fais une grimace et appuie sur l'endroit qui me semble être le bouton pour prendre la photo. 

Une lumière m'aveugle pendant un bref instant. Surprise, je pousse un petit cri et ferme les yeux, tout en lâchant l'appareil, qui m'arrive donc en plein dans la figure.

— Aïe! Ca fait mal ce truc! 

Soudain, un petit bruit se fait entendre. Il provient de l'appareil photo. Je le repousse, et voit avec effarement une photo en sortir.

Tremblante, je la prends. On me voit, fermant les yeux, le visage enfoncé dans le coussin.

Je ris de ma propre tête. On dirait que je vais mourir!

Amusée, je me reprends en photo, en prenant la pose, où en faisant des grimaces. Je me retrouve donc avec une vingtaine de clichés de moi. 

Je n'aurais jamais cru ressentir autant d'émerveillement. Je suis figée sur le plastique souple. La qualité est cependant médiocre: on voit bien que l'appareil date de 2020. 

Je fourre les photographies dans ma poche, et me rappelle que je suis censée trouver d'où vient la photo...

— Jade, quelle heure est il? demandai je, complètement paniquée, la voix tremblante.

Il est 18h16, mademoiselle! Il vous reste moins d'une heure pour ouvrir la porte!

Je panique, perds pied. J'ai l'impression de me noyer, de couler dans une eau sombre et pure. 

D'où vient la photo? 

— Et c'est là qu'elle vient de l'appareil photo! Oh, si c'est ça, c'est vraiment un coup de merde! dis je en riant et pleurant.

Alors, seulement maintenant, l'évidence m'apparaît. Bien sûr que la photo vient de l'appareil, Perle. Tu es stupide, où quoi?

Je cours vers l'appareil, et cherche une inscription. Rien.

Puisqu'ils pensent tordu, il faut penser tordu. Mets toi à leur place. Pense comme eux. Comment aurait tu fait, toi? La voix de ma mère résonne et se réverbère dans ma tête, calme et posée. 

Moi? J'aurais fait en sorte que quelque chose se déclenche quand on prend en photo le cliché en question, là où était marqué le dernier indice.

Alors, fais le! Qu'est ce que tu attends? Dans la vie, on n'a rien si l'on ne tente rien. Tu veux faire partie des faibles, ou des courageux? Change ta vie, Perle, bon sang. Prends toi en main!

Je prends la photo, la met sur mes genoux et place l'appareil juste au dessus. 

Il me semble que la photo met des années à sortir.

La photo est chaude, quand je la prends entre mes mains. Et, miracle, je distingue six chiffres.

0 2 7 4 1 2

Je prend mon sac, mets l'appareil photo dedans — je ne sais pas si ça compte comme du vol, étant donné que la propriétaire est sûrement morte —, les photos, et cours vers la porte.

Celle ci m'attend, et semble me dire "Tu arrives enfin? Je t'attendais.".

Je me jette sur le cadenas, place les bons chiffres, et un déclic se produit. A cet instant, le bruit d'un cadenas qui s'ouvre est le plus beau bruit du monde pour moi. Je retiens un pleur, et me jette dehors.


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