La fin

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« Allez, on envoie des bisous ma puce ! »

Le cœur de Thomas se gonfle dans sa poitrine alors qu'il regarde sa nièce frapper maladroitement sa petite paume contre ses lèvres et lui envoyer des baisers à travers l'écran de son téléphone. C'était une nouvelle compétence, une autre étape qu'il avait manquée parce qu'il était loin des siens. Non pas qu'il ait désormais un « chez lui ». Pas un vrai en tout cas.

Il séjournait dans un hôtel depuis la rupture. Cela faisait six mois maintenant et il ne comptait plus le nombre de fois où sa mère lui avait dit : « Tu ne peux pas vivre comme ça Thomas ; il faut te trouver quelque part ». Mais il ne voulait pas, car il espérait toujours qu'elle change d'avis et qu'il pourrait rentrer chez elle avec elle et Eggy, alors il a continué à vivre dans une valise et à manger seul au restaurant de l'hôtel tous les soirs, son PC installé maladroitement sur le mince bureau de l'hôtel. La plupart des jeunes de 31 ans auraient été terrifiés à l'idée d'être largué après tant d'années, mais pas Thomas. Une famille était tout ce qu'il avait toujours voulu, mais finalement, il n'est pas si pressé que ça. Ce qu'ils voulaient tous les deux, apparemment pas avec lui cependant. Quand il a vu les deux enfants de sa sœur arriver, il s'est dit que vivre cela par procuration n'était pas si mal.

Thomas n'arrive même plus à savoir vraiment quand tout ce bordel à commencer. Il a négligé leur relation, ça il en est sûr. Ils ne faisaient plus rien ensemble, relayés au niveau de collocation. Au début, c'était chambres séparées, pour ne pas la réveiller lorsqu'il allait se coucher tard à la suite d'un stream et ça s'est terminé en une dispute, franchement ridicule, sur le fait qu'elle ne lui avait pas acheté de calendrier de l'Avent. Je ne suis pas ta mère Thomas, avait-elle crié d'exaspération quand il était entré dans la cuisine le 1er décembre à 14h, les yeux brillants et les cheveux touffus après neuf heures de sommeil ininterrompu et lui avait demandé où était le calendrier Kinder qu'il recevait chaque mois de décembre.

Elle, qui ne se souvenait pas de la dernière fois où Thomas avait fait quelque chose pour elle, sans parler d'un calendrier de l'Avent, n'avait aucune patience pour les désirs enfantins de Thomas. Ses yeux piquaient de fatigue et son cou lui faisait mal parce qu'elle avait dormi sous un angle étrange entre angoisses du boulot et questionnement personnel. Je dois travailler, je n'ai pas besoin de toi en plus. Elle avait toujours été maternelle, elle aimait la façon dont Thomas semblait avoir besoin d'elle pour tout ; les choses banales comme s'assurer qu'il avait bien emballé sa brosse à dents quand il partait, et les choses plus importantes, comme aller le chercher à la sortie du Zevent. Mais maintenant, elle avait d'autres choses à s'occuper, et le besoin de Thomas n'était plus attachant, au lieu de cela, elle trouvait cela irritant. Elle avait pensé qu'il pourrait grandir un peu avec une femme qui prend des responsabilités dans son travail, mais presque un an plus tard, rien n'avait changé et elle en avait assez. Je ne peux plus faire ça.

Thomas n'avait pas songé qu'elle le pensait, mais elle le pensait et c'est ainsi qu'il s'était retrouvé célibataire pour la première fois de sa vie d'adulte mature. Il n'était pas fait pour la vie de célibataire. Cela lui laissait trop de temps pour réfléchir. Il avait voulu se lancer dans son travail, mais il avait la tête en désordre. Il avait commencé à tout analyser, et sa forme souffrait alors qu'il commençait à deviner chacun de ses mouvements au lieu de laisser son instinct le contrôler comme avant. « Tu ne penses plus au Canada ? » Thomas suça pensivement sa lèvre inférieure en attendant sa réponse. Ils étaient en cours de transition, Thomas savait que c'était un sujet sensible ; elle qui était sur le point de partir au moment de leur rencontre, puis freinés à deux par le covid. Son regard fatigué en dit long sur son ressenti vis-à-vis de la question. Clairement les interrogations personnelles n'étaient plus vraiment sujettes à questionnement de sa part.

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