Chapitre 14 - Bis - Damien

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Nous passons environ cinq minutes, top chrono, à perdre toutes nos pièces aux machines pousse-pièces. Quelque chose m'échappe dans les lois physiques propres à ce jeu, comme si la gravité et les poids n'existaient pas. Il y a forcément un tips dont j'ignore le secret.

Nous décidons de tenter notre chance au tir à la carabine. J'insère le plomb, place les éléments de visée correctement et tire. L'impact est loin d'être à l'endroit escompté. Je souris à l'idée qui me traverse. Le forain a tout simplement complètement déréglé son arme pour induire les participants en erreur et limiter ainsi le nombre de gagnants. J'aurais eu beaucoup plus de chance les yeux fermés !

Le plomb suivant est pour Victoria. Je le poste dans son dos et lui glisse à l'oreille.

— Fie toi à ton instinct. L'arme est loin d'être fiable.

— Et je gagne quoi si j'y parviens ?

— Hum... gagne et on verra.

Elle prend son allure fière, se tient bien droite et se concentre avant d'appuyer sur la détente.

— Comme c'est dommage, tu ne sauras jamais ce que tu aurais pu gagner, la taquiné-je.

Avec son air faussement boudeur, elle me demande d'utiliser notre dernier plomb et de lui faire l'honneur de décrocher une peluche, en souvenir du moment passé ensemble.

Les ballons volent dans l'espace qui leur est attribué. L'air envoyé semble constant. Si ma mémoire est bonne, tout à l'heure j'ai visé trop à gauche et trop haut. J'estime la marge d'erreur et calcule une hypothétique trajectoire. Le bras tendu, le regard fixé sur ma cible, le coup part. Deux ballons éclatent quasi simultanément. Je n'en reviens pas. Le vendeur également. Sa mâchoire se contracte une micro seconde avant qu'un sourire commercial apparaisse.

— Oh joli ! Félicitations, me dit-il faussement enjoué.

Je suis le seul témoin de ce spectacle affligeant. Victoria, qui a sauté dans mes bras sans perdre de temps, lui tourne le dos. Je lui caresse le dos avant de la faire redescendre.

— Va choisir ton lot maintenant.

Toute guillerette, elle empoigne un singe aux longs bras. Loin d'être la plus belle peluche, son choix m'étonne mais ses yeux pétillants m'attendrissent et je valide sa sélection.

Cela fait déjà une heure et demi que nous déambulons à travers les stands. Ma pression artérielle est redescendue, et je profite de ce moment comme tout homme de mon âge en présence de sa copine. Mais, sommes-nous ensemble désormais ? Que voulait dire notre baiser ?

Victoria, malicieuse, s'arrête devant un nouveau jeu: les paniers de basket.

— Ne me dis pas que tu veux me mettre au défi de te battre ? Tu sais que c'est perdu d'avance ?

— Qui te dit que je ne sais pas jouer ? réplique-t-elle.

— Rien, c'est vrai. Peut-être que je pourrais avoir une démonstration de tes talents ?

— Un jour peut-être mais là tu dois faire un choix. Acceptes-tu le défi ?

— Lequel ?

— Allez, sois joueur, accepte sans savoir ! me provoque-t-elle, glissant son corps contre moi, la mine taquine.

Je me plonge dans ses yeux brillants puis fixe les paniers. Après tout, ce n'est que du basket, qu'est ce que j'ai à perdre ?

— OK.

— OK quoi ?

— J'accepte ton défi.

— Super, alors je parie que tu ne mettras pas le double de mes paniers.

— Le double ! C'est quand même énorme en deux minutes de jeu.

— Tu as accepté !

— Et qu'est ce que t'y gagnes ?

— Un deuxième rendez-vous ?

— Et qu'est ce que j'y gagne ?

— Un deuxième rendez-vous !

Je rigole face à son aplomb.

— Mais quelle différence alors ? Dans tous les cas, il y aura un deuxième rendez-vous.

— Le choix du lieu !

J'insère la monnaie dans la machine et le mécanisme se débloque. Les compteurs sont à zéro, et un bip lance la partie.

J'attrape le premier ballon et enchaîne les lancers. Victoria, à côté, se débrouille plutôt bien. Faire le double de son score n'est pas si évident. Si elle ne rate pas plus de panier que ça, c'est cuit.

Je tente de vaines tentatives de déconcentration pour la faire flancher, mais elle reste fixée sur son objectif. Comme si elle jouait sa vie.

— C'est pas très fair play Damien de jouer contre Victoria. Tu ne lui laisses aucune chance, tonne une voix derrière moi.

Je me retourne légèrement pour distinguer Tomas. Il vient de me faire gaspiller de précieuses minutes. Je me focalise de nouveau sur mon jeu. Trente-quatre paniers pour moi, dix-huit pour Victoria. Merde ! J'ai perdu mon avance.

Mady se poste aux côtés de son amie et l'encourage. Des ailes semblent lui pousser, elle augmente sa cadence de tir. Je me presse également.

Trente-cinq, trente-six, trente-sept...

Victoria me rattrape encore, ne loupant presque plus les siens, mais je creuse de nouveau l'écart. Il ne reste qu'une dizaine de secondes à jouer.

— Alors Damien, elles sont comment les lèvres de Victoria ? Elles ont bon goût ?

La question de Mady me décontenance, je loupe mon lancer. J'arrête tout mouvement pour la dévisager. Comment peut-elle savoir que je l'ai embrassée ? Son air coupable et sa bouche retroussée dans un sourire plus grand qu'elle me confirme que je viens de me faire piéger. Le gong retentit et le score final s'affiche.

Quarante-quatre à vingt-trois. J'ai perdu.

D'un panier.

Les bras ballants, j'accepte la défaite. Heureusement que je ne suis pas mauvais joueur. En tout cas, Victoria n'a pas la victoire modeste. Elle saute comme une puce et se déhanche jusqu'à moi. Sur la pointe des pieds, ses pupilles pétillantes et fières, elle chuchote à mon oreille.

— Je vais te préparer un deuxième rendez-vous que tu n'es pas prêt d'oublier.

Des papillons s'élèvent dans mon bas ventre, face aux sous entendus que je devine à sa voix. Putain !

Elle ponctue sa provocation d'un baiser court mais profond.

J'entends des exclamations discrètes derrière nous, et je me souviens que nous avons des spectateurs.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now