Chapitre 2 : Un refuge silencieux

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16 Février,

Cher journal,

J'ai les larmes aux yeux au moment où j'écris sur tes pages blanches. Et non, ce n'est pas le ciel, mais mes yeux qui pleuvent sur toi.

Bien que je voie les fleuves de mes terres te fragiliser, je n'arrive pas à arrêter de pleurer.

Dis-moi, est-ce que dans la vie réelle aussi, nos larmes touchent le cœur de quelqu'un et peuvent même le briser, tout comme elles humidifient des pages, les fragilisent et les exposent au risque de se déchirer ?

Est-ce que quelqu'un peut nous aimer au point de ressentir autant de souffrance face à notre mal ?

Maman avait l'habitude de dire que Christ a donné sa vie par amour. Par amour pour moi, par amour pour l'humanité.

Alors peut-être bien que mes larmes, coulent sur ma face, mais c'est au pied de Dieu qu'elles tombent, et il ressent la chaleur qui brule ma paix. Les ténèbres qui recouvrent mes yeux.

Quelle ironie.

La lumière est capable d'aveugler tout autant que les ténèbres. Cependant, il y a de nombreuses de différences entre les deux. La lumière peut rendre un sujet heureux et redonner joie, comme le soleil offrant de la vitamine D à un corps. La lumière peut éclairer un chemin. Or, les ténèbres ne montrent rien. Ils peuvent même tuer.

Christ m'aurait aimé et serait mort pour que je vive. Toutefois, j'ai l'impression que le monde s'abat sur moi et que même ceux qui m'entourent n'arrivent pas à m'aimer. Aujourd'hui fait partie d'un de ces jours, où, les souvenirs de maman frappent à la porte de mon âme avec violence. Cela fait déjà cinq ans pourtant qu'elle nous fut retirée, et que papa a jeté tout ce qui lui appartenait.

Il a tenté de supprimer son existence, mais ce que Dieu a créé qui peut l'annuler ? Et ce qu'Il n'a pas encore appelé à l'existence qui peut l'imaginer ou lui donner vie  ?

On essaie tant bien que mal de modifier nos histoires, comme si on effaçait une chose déjà écrite à la gomme ou au blanco . On essaie d'oublier le passé, de cacher les blessures, de faire des amis ou de la famille, des étrangers.

Ainsi, il y aura toujours une tache sur les feuilles qui racontent l'histoire de nos vies. Même si on arrache les pages, la tache restera partout où ira la feuille et si jamais on ne la recolle pas à notre livre, notre histoire deviendra insensée. Car, il manquerait une part de nous et de comment nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui.

Malgré le fait que le visage de maman devient flou dans ma tête, lorsque je pense à elle, sa voix est toujours aussi nette.

J'arrive même à réinventer l'odeur de son parfum, et à le sentir traverser mes narines. Ce vent doux, léger, se retrouve prisonnier de mon cœur et sous la pression, tombe malade, il attrape la fièvre. Puis meurt et refroidit, se voyant liquéfié. C'est ce liquide qui explose sous mes cils et envahit ma face.

Maman m'a laissé alors même que je n'avais que dix ans et j'ai grandi en la détestant. Oui, je la détestais il y a peu encore, car elle n'avait pas tenu toutes ses promesses. Celle de me maquiller comme cendrillon le jour de mon mariage, celle de menacer le premier garçon que je lui présenterai afin qu'il ne me brise pas le cœur.

Et le temps n'a pas arrangé les choses. Papa s'est remarié et j'ai détesté maman, encore plus, de m'avoir abandonné dans ce chaos.

Sa voix répète sans cesse la même phrase dans ma tête, <<accroche-toi à Dieu.>> Mais pourquoi s'accrocher à quelqu un qui a le pouvoir d'arranger les choses, mais ne le fait pas ?

Mon âme est en agonie, cher journal. Mes doigts écrivent à une vitesse qui me donne des crampes, mais je ne cesse pas d'écrire. La douleur physique est devenue mon apaisement. Oui, elle me permet de revenir dans le présent alors que mes pensées essaient de voler ma concentration.

Alors même que le deuil devrait rapprocher les vivants, ça m'a éloigné de tout le monde.

Et tante Béatrice, n'aide guère à soulager mes plaies.

Elle peut se montrer si venimeuse. Je ne comprendrai jamais pourquoi une personne se marie avec une autre personne ayant déjà des enfants, juste pour les faire souffrir.

Pourquoi s'allier dans un premier temps à quelqu'un qui a des enfants si on sait que l'on ne les supportera pas ?

Et puis, si Jésus est le Fils de Dieu et que nous sommes fils, adoptés par le sacrifice de Christ, mais que Dieu nous traite avec amour, pourquoi ne traitons-nous pas nous aussi ceux qui ne naissent pas forcément de nos entrailles avec amour et respect ?

Ah que nous sommes méchants nous les hommes.

Oui, Christ avait bien raison de dire : "Si donc, mauvais comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ?"

Nous sommes mauvais, arrogants, et si égoïstes.

Ce qui me fait le plus mal, c'est que papa est aveugle au comportement de sa nouvelle épouse. Ou peut-être est-il trop amoureux ?

Si c'est le cas, j'espère ne pas avoir un jour à tomber amoureuse. Je n'aimerais pas devenir aussi folle, que j'en oublie le cœur des tout petits.

Lorsque maman était en vie, elle me racontait tout le temps l'histoire de Job. Et, je me souviens maintenant qu'il avait fait la promesse, de ne pas porter son regard vers des jeunes femmes autres que sa femme.

Quelle preuve de soumission envers Dieu hein... de faire la promesse de ne pas fléchir notre être entier devant la sensualité de la chair, mais plutôt, faire confiance en la voix de l'Esprit saint.

Tante Béatrice est une belle femme, plus jeune que maman, mais moins élégante et classe. Elle me fait faire la lessive et toutes les autres corvées de la maison. Avant, elle cuisinait de temps à autre, mais depuis qu'elle est enceinte, tout lui est permis.

Et lorsque j'essaie de résister, papa me dit tout simplement, <<tu sais pertinemment que ta mère est enceinte.>>

De quelle mère parle-t-il ?

Une mère qui n'adresse la parole à sa fille que pour lui ordonner de polir la maison ?

La mienne s'en est allée il y a longtemps, me laissant sans remord dans un monde aussi fou.

Par-delà Les PagesWhere stories live. Discover now