Chapitre 22 - Bis - Damien

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— C'est toujours à cause d'une nana, intervient du bout des lèvres Adrien, mais assez fort pour créer l'indignation.

— Putain les mecs, vous le faites exprès merde ! proteste Tomas.

Il juge entre ses dents, à deux doigts d'en coller une à chacun de ses amis. Son regard en dit long lorsqu'il le pose sur eux. Après avoir soufflé comme un buffle, le silence reprend ses droits et l'attention se dirige de nouveau sur moi.

— Je disais, la première semaine, il y a eu une fête sur le campus, pour intégrer les nouveaux. Cette soirée ne s'est pas tout à fait passée comme prévu. J'ai rencontré une fille. Une très jolie femme avec qui j'ai passé une partie de la soirée. On a discuté, accroché. Du moins, c'est ce que je pensais. Elle était tactile, avenante voire complètement aguicheuse. Ça m'a surpris sur le coup, puis je me suis dit que j'étais peut-être simplement chanceux. Quelle connerie ! J'en reviens toujours pas d'avoir été aussi con sur le moment. Au moment, où j'ai tenté de l'embrasser, elle m'a repoussé comme une merde avec son rire aigu. Elle a attiré tous les regards dans notre direction avant de me traîner dans la boue. Puis, elle s'est approchée d'un mec un peu plus âgé avant de l'embrasser à pleine bouche. Ça me dégoûte encore. A partir de là, a commencé mon humiliation publique et ma descente aux enfers. Ce mec, c'était le capitaine de l'équipe de basket.

Mes yeux quittent mes ongles pour venir lire avec hantise l'expression de mes colocataires. Du dégoût, de la colère.

— C'était y'a plus d'un an, il aura surement oublié cet épisode, tente de m'apaiser John.

— Non, vous ne comprenez pas. Ce n'était pas qu'une soirée qui a dégénéré. C'était une année entière d'enfer. Une année à subir les moqueries, les crasses d'un groupe d'individus. J'étais devenu le centre d'attraction. Où que j'allais, le harcèlement me suivait.

Ma voix se casse à ses souvenirs. Je ne contrôle plus le tremblement qui s'échappe de mes jambes.

— D'où ton comportement distant et méfiant, conclut Tomas.

Je capte la conversation silencieuse autour de moi mais dont je ne décode pas encore le contenu. J'avale avec difficulté ma salive excessive, attendant la sentence.

— Du coup, c'est tout ? Ton histoire est finie ?

— Oui.

— OK. Donc demain tu es en forme pour le match.

C'était plus une affirmation qu'une question mais je reste interdit.

— Comment ça ? Tu m'as pas entendu ou quoi ? Je ne joue pas demain, m'emporté-je.

— Oh, Damien serait-il capable de s'énerver ? s'étonne-t-il.

Putain, le fumier !

— Je savais que j'aurais dû fermer ma gueule. Ça vous a plu que je vous révèle tout ça ? Vous attendiez ça depuis le début, c'est ça ? Un moyen de vous foutre de moi et de me mettre à terre encore une fois ? J'y crois pas sérieusement !

Je me lève d'un bond, en rage. Comment ai-je pu croire qu'ils étaient de mon côté ? Comment j'ai pu me laisser berner encore une fois ? Victoria est-elle elle aussi dans le coup ? Forcément, Tomas est son meilleur ami. C'est un coup monté.

Les phalanges blanchies et les dents soudés, je déguerpis du salon avant d'être retenu par une prise ferme sur mon poignet.

— Tu vas où comme ça ?

Tomas de toute sa hauteur me fait face. Son regard est dur mais une bienveillance danse dans ses iris. Un contraste déstabilisant qui me fait douter de sa réelle intention.

— Tu vas redescendre sur terre, reposer ton cul sur ce canap qu'on puisse établir un plan de bataille pour demain.

Mon air interrogateur déclenche l'hilarité de mes comparses.

— C'est assez particulier de voir ce grand gaillard toujours sur la retenue sortir de ses gonds, dit Adrien à John qui acquiesce d'un mouvement de tête.

— Ecoute mec, on est pas comme ceux que tu as pu côtoyer l'année dernière OK ? Tu fais partie des LearnT maintenant. On est une équipe. Une équipe se soutient envers et contre tout. Je ne sais pas ce que tu as interprété quand j'essayais de tâter ton potentiel mais ta réaction au quart de tour prouve que la haine et la rancœur peuvent être une source motrice chez toi. C'est ça, c'est cette source qu'on veut que tu dégages sur le terrain. Demain, on va lui faire ravaler toute envie de rire de toi. Tu vas être le meilleur et le ballon, à part le prendre dans la gueule, il n'en verra pas la couleur.

A ses mots, je me sens con. Très con. Ma mâchoire se décroche mais je la referme en déglutissant péniblement. Que puis-je ajouter après ça ? Tomas se rassoit et je m'écroule à ses côtés. Celle-ci je ne l'avais pas vu venir.

Ses paroles se veulent rassurantes. Les regards de mes coéquipiers pleins de compassion et de soutien, voire même d'animosité envers ce que j'ai vécu. Pourtant, la boule présente dans mon estomac ne diminue pas. Elle reste là. Présente. Comme si, elle s'était cachée durant ses dernières semaines pour réapparaitre en un claquement de doigt. Comme une vieille habitude qui te colle à la peau et dont tu n'arrives pas à te débarrasser.

— Merci les gars mais je n'en serai pas capable.

— Damien, écoute. Tu es l'un de nos meilleurs joueurs. Tu n'as rien à prouver à ce mec. Demain, fais toi confiance, fais nous confiance. S'il te cherche des noises, nous serons là. Il ne t'approchera pas.

— Et si je perds mes moyens ?

— Alors on sera là pour te soutenir. Et en cas de grand désespoir, tu plongeras dans les yeux de ta gonzesse. Tu la fixeras et tu penseras à tout ce que tu as accompli depuis que tu es ici. A notre équipe, à elle. Et la fierté te fera revenir sur terre.

Tomas saisit mes épaules dans ses paumes et ancre ses pupilles dans les miennes. Son assurance s'infiltre peu à peu en moi, comme si elle passait de son corps au mien à travers nos points de contact. Mes lèvres se retroussent timidement.

— En attendant, tu veux te prendre une branlée sur la console ? Tu peux pas être plus nase qu'Adrien ceci dit.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now