Elle s'appelle Kara et a bientôt 26 ans. Sa vie se résume à son métier, écouter la vie des gens parce que tout le monde devrait être écouté, comme elle le rappelle souvent.
Dans l'intimité d'un cabinet, dans la timidité des liens créés, dans la séré...
Kara sourit et se leva pour saluer George qui s'installa, commençant à être habitué.
— « La vie, ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie. »
La psychologue haussa les sourcils, prise au dépourvu.
— Tu en penses quoi ?
— Que ça me fait penser à une autre citation, sourit-elle. « La vie, c'est 10% de ce que vous en faites et 90% de votre façon de la prendre. » Les idées se rapprochent.
Il opina du bonnet.
— Tout à fait d'accord.
— Alors, comment ça va depuis deux semaines ?
George haussa les épaules et soupira.
— Je ne sais pas.
— Beaucoup de gens ne savent pas eux-mêmes comment ils vont, le rassura-t-elle à sa manière. Certains ne cherchent même pas à savoir. Comme on dit, « connais-toi toi même. »
— Autant que ça ? s'étonna-t-il, les sourcils haussés.
— C'est dur pour tout le monde, même pour les psychologues.
— Ah ouais ?
— Pour aider les autres, on a le recul nécessaire. Pour s'aider nous-mêmes, c'est une autre histoire.
— C'est toujours plus compliqué, opina George.
— Effectivement. Enfin, passons. Donc tu ne sais pas comment tu vas.
— C'est ça.
Le regard du jeune pilote se perdit dans le vide et il soupira.
— Carmen a encore fait une crise de jalousie quand je lui ai dit que j'avais rendez-vous avec toi. Je ne sais pas ce qu'elle a.
— Peut-être qu'elle traverse une période de manque de confiance en soi, émit Kara. Ça part souvent de là.
— Pourtant tout marche. Elle réussit son rêve et semble vraiment épanouie.
— Je ne permettrai pas de donner mon avis, rappela la psychologue, mais il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que la réussite professionnelle. Sans entrer dans les détails pour secret professionnel, j'ai déjà reçu des patients qui réussissaient très bien leur vie et qui n'allaient absolument pas bien.
Dont un chef d'entreprise qui faisait un burn-out et une chercheuse de renom harcelée par ses collègues, se remémora-t-elle.
— Tu vois ce que je veux dire ?
— À peu près.
— Tu as réussi à entrer en F1, et pourtant tu es là. Réussir sa vie ne veut pas dire ne pas avoir besoin d'aide.
— Je vois.
— Tu as l'air très convaincu, s'esclaffa-t-elle.
— Si, si. C'est juste que je me pose plein de questions sur notre relation. Quelque chose a changé.
— Les relations changent forcément avec le temps. Le tout est de savoir si on veut s'adapter pour la préserver. Si ça en vaut le coup. Et ça, tu es le seul à pouvoir le savoir.
George baissa pensivement la tête, perdu dans ses pensées.
— Je ne sais pas. Je ne sais plus, rectifia-t-il. La distance est trop compliquée. Je ne sais plus si j'ai envie de me battre.
Promoted stories
You'll also like
Il se pinça les lèvres, comme culpabilisant de cet aveu.
— Eh, George. Il n'y a pas de souci à penser ça. Il n'y a pas de problème à vouloir lâcher prise quelques instants.
Le jeune homme gardait un visage fermé. Sa peau commençait à blêmir et elle soupira.
— Faiblir, c'est humain.
— Mais je l'aime, dit-il d'une voix blanche, pourquoi je pense ça ?
— Parfois l'amour ne suffit pas. Souvent, d'ailleurs. Tout le temps, même. Une relation, ça s'entretient.
— Je n'arrive pas à trouver le temps, avoua-t-il. Je n'y arrive plus.
Les derniers mots furent noyés par un sanglot qui secoua le pilote. Les yeux embués, il évita le regard de sa psychologue, honteux de craquer devant elle.
— George...
Kara hésita avant de se lever pour entourer l'Anglais de ses deux bras. Les larmes coulaient silencieusement le long de ses joues.
— Je... je suis désolé, hoqueta-t-il.
— Ne t'excuse surtout pas.
Sa voix ferme le fit tressaillir.
— Ne t'excuse pas de craquer.
— D'accord.
Il acquiesça faiblement avant de se moucher dans le mouchoir que lui tendait Kara.
— Je ne sais plus où j'en suis. Je ne sais pas.
— On va peut-être écourter la séance.
— Surtout pas !
La voix de George se brisa et une dernière larme roula le long de sa joue avant de tomber sur une mèche blonde de la psychologue.
— Pardon.
— Il n'y a pas de souci.
Elle retourna s'asseoir à sa place et il posa sur elle un regard admiratif.
— Comment tu fais pour rester aussi calme ?
— Ça fait partie de mon métier, rappela-t-elle dans un doux sourire.
Doux sourire qui répara le cœur brisé de George.
— Merci, souffla-t-il.
— Je ne fais que mon métier.
Une lame invisible s'enfonça dans le cœur de George. « Que son métier. »
Seulement son métier.
Il avait commencé à s'attacher à elle et elle semblait ne le considérer que comme un simple patient.
— Je ne suis qu'un de plus ou un de moins ?
Kara haussa les sourcils, déconcertée.
— Comment ça ?
— Non, rien.
Elle le scruta du regard, pas du tout crédule.
— Tu peux tout me dire.
— Ce n'est rien.
— D'accord, acquiesça-t-elle, dans l'objectif de lui laisser de l'espace.
Vaine tentative qui déchiqueta un peu plus le cœur fragile du pilote. Elle s'en fichait.
— Il y a un problème avec moi ? s'inquiéta la psychologue.
— Pourquoi tu t'en fiches ?
Devant ce reproche, Kara tombait des nues et resta interloquée.
— Pardon ? Tu penses que je m'en fiche ? Absolument pas.
Son professionnalisme commençait à être mis à l'épreuve. Elle mourait d'envie de lui dire qu'elle se souciait de lui plus que n'importe quel patient.
— Bien sûr que non, reprit-elle d'une voix plus assurée, je veux juste te laisser l'espace dont tu as besoin.
— Est-ce que je ne suis qu'un patient comme un autre ?
— Chaque patient est différent à mes yeux.
— Ça ne répond pas à ma question.
— Je n'ai pas de réponse à ta question. Bien sûr que je me suis attachée à toi, admit-elle à voix basse.
Elle le sentit se détendre de plusieurs crans et esquissa un discret sourire. Elle se replaça une mèche blonde et laissa échapper un long soupir.
— Tout va bien ?
La voix du pilote la fit sursauter. Elle n'était plus concentrée.
— Bien sûr.
— Rien n'est sûr, sur ce genre de trucs que sont les sentiments.
— Ça va, insista-t-elle. Aux dernières nouvelles, c'est moi la psy.
— Ça n'empêche pas d'avoir des émotions.
— Je sais.
Il étudia distraitement son visage et remarqua qu'elle cachait sa fatigue derrière de l'anti-cernes.
— Ce n'est pas une faiblesse d'admettre quand on ne va pas bien.
— L'hôpital qui se fout de la charité.
Elle marmonna quelque chose d'inintelligible.
— Et sinon, la famille, la musique, la F1, la vie, comment ça va ?
— Ça va, opina-t-il.
— Oui, mais comment ? nuança-t-elle.
— Ça va.
Elle se mordit la lèvre inférieure mais ne répliqua rien. Ses émotions étaient embrouillées et réussir à se concentrer commençait à devenir inimaginable, pour ne pas dire impossible.
— On peut écourter la séance, proposa George. Ça commence à faire beaucoup d'émotions pour moi.
Il prétexta ainsi être la cause alors qu'il avait très bien saisi l'état mental de sa psychologue.
— Repose-toi bien, conseilla-t-il timidement.
— Merci. Toi aussi.
Il la salua une dernière fois et sortit du cabinet, passant devant l'écriteau.
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Bonjour !
J'espère que le chapitre et l'histoire en général vous plaisent.
Je vous conseille de préparer un mouchoir pour le prochain chapitre (puisque j'en ai eu besoin à la relecture... c'est dire).