Vestiges [Roman Dark Fantasy]

Chapitre 22 : Traître

   Le nouvel arrivant s'avança lentement, avec une assurance certaine. Il était imposant, revêtu d'une armure terne richement ciselée. Ses yeux noirs étincelaient d'une lueur malicieuse, et une crinière grise tombait en cascade derrière lui, se mêlant à une barbe fournie. Un heaume majestueux ornait sa tête.

— Les liens familiaux, c'est toujours une affaire délicate, n'est-ce pas ? ajouta-t-il, son sourire en coin révélant une satisfaction malsaine. J'espère ne pas interrompre un moment trop privé.

Vindottir avança d'un pas déterminé vers l'homme qui se dressait devant elle. Ses yeux brillaient d'une lueur menaçante, et sa voix, chargée de mépris, s'éleva dans l'air.

— Svartálfar, dit-elle d'un ton cinglant, fils de chien. Comment peux-tu sérieusement penser que libérer le Père des Vestiges est une idée sensée ? Cela entraînera notre effondrement à tous.

Svartálfar, campé sur ses positions, répliqua avec un sourire moqueur.

— Il n'anéantira que les faibles, nuance. Les faibles comme toi, enfermés dans leur grotte sans aucune ambition. Nous sommes des divinités, Vindottir, et le monde est notre domaine. Il est grand temps que tu le réalises. Les humains ne sont que des pions à notre service.

Les mots de Svartálfar provoquèrent une étincelle de colère dans les yeux de Vindottir, qui répliqua avec fougue.

— Sans eux, nous ne sommes rien ! C'est leur sang qui alimente notre puissance.

Le dieu ricana, exprimant son scepticisme.

— Notre puissance ? Réduite à des rituels avec les prêtres de Sang, partagée entre nous pour maintenir un équilibre fragile ? Allons, ma sœur, ne me dis pas que tu crois en ces sottises.

— Que cherches-tu à obtenir, abomination ? attaqua la Fille des Vestiges, sa voix résonnant de fureur alors qu'elle fixait Svartálfar d'un regard brûlant.

Svartálfar, imperturbable, répondit d'un ton calme, presque mélodique, comme s'il récitait une prophétie : « Le pouvoir, bien sûr. Un pouvoir à la hauteur de ce que devrait être un Vestige, une divinité crainte de tous. Le Père des Vestiges nous placera sur le trône à ses côtés lorsque nous le libérerons, Ylva et moi. Il saura se montrer généreux envers ceux qui croient en lui. »

La tension monta d'un cran lorsque Vindottir intervint, sa voix tremblante de rage : « Tu es inconscient, mon frère. Le Père des Vestiges n'acceptera pas de partager le pouvoir. Il se sert de vous et vous tuera dès qu'il aura obtenu ce qu'il souhaite. »

Svartálfar esquissa un sourire moqueur, répliquant avec assurance : « Que tu crois. Notre plan est réfléchi et se développe doucement depuis maintenant des décennies, sans que l'un ou l'une d'entre vous ne s'en rende compte. La totalité des Prêtres du sang sont ralliés à notre cause. Avec un tel pouvoir, nous n'aurons aucun mal à libérer notre Père. » Il haussa les épaules, ajoutant avec un air dédaigneux : « Malheureusement, vous ne serez pas là pour assister à son retour, puisque je vais accomplir ce que Varulf, puis les Ombres écarlates ont échoué à faire. Vous tuer tous une bonne fois pour toutes, toi, ma sœur, et le bâtard qui est à tes côtés. Quant aux autres, j'imagine que ce sera un bonus. »

Des volutes de ténèbres s'enroulèrent autour de sa silhouette, serpentant de manière sinistre et gagnant en intensité à instant. Les parois rocailleuses de la grotte vibrèrent d'un grondement sourd, et le sol vibra sous l'emprise d'une force inconnue. Un cri strident émanant du sanglier résonna dans l'obscurité, et sans hésiter, il s'éclipsa dans la pénombre, laissant derrière lui un nuage de poussière. Entre les tourbillons sombres, des silhouettes se dessinaient, prenant vie.

Vindottir, les yeux étincelants de colère, son visage tordu par une mélange de haine et de chagrin, se dressa devant le dieu des ombres. Une détermination farouche enflammait son regard, un désir de vengeance pulsait dans ses veines en mémoire de la Mère des Vestiges.

Autour d'elle, des cristaux de glace étaient apparus et tournoyaient dans une danse frénétique, témoignant de la puissance froide qui circulait en elle.

« Thora, Sverjar, Tyrulf, partez ! Je me chargerai de cela ! » ordonna-t-elle, sa voix, rauque d'émotion, déclenchant une déferlante glaciale qui fit frémir l'air environnant.

— Hors de question, protesta Sverjar, ses mots résonnant d'une détermination inébranlable. La dernière chose qu'il voulait était de laisser un de nous derrière, la mort d'Uldric avait déjà été suffisamment douloureuse.

— Ne me contredis pas, guerrier. Ce combat m'appartient, cracha la Fille des Vestiges, son ton tranchant ne laissant aucune place à la discussion.

Sverjar tourna les talons, son hésitation à peine dissimulée, et s'enfuit avec Thora et le chasseur vers l'issue de la grotte. Cependant, leur élan fut brusquement interrompu lorsque Svartálfar surgit derrière eux, dans un tourbillon ténébreux, un sourire cruel étirant ses lèvres. Les ombres s'épaissirent, formant un mur impénétrable devant les fugitifs. Ils étaient pris au piège.

Dans une impulsion féroce, Vindottir se précipita à l'assaut de Svartálfar, une colère glaciale déformant son visage. D'un geste brusque, elle détourna toute son attention, ses mains projetant des éclats de glace qui s'entrelacèrent pour créer une cage de cristal éphémère, enserrant son adversaire comme un étau glacial. Pourtant, les ténèbres diaboliques, serpentant tels des serpents noirs, s'insinuèrent autour de Svartálfar, déchirant la prison de glace avec une facilité déconcertante, comme si elle n'était qu'un vulgaire morceau de papier.

Animée par une détermination inébranlable à venger la Mère des Vestiges amplifia son attaque, ses mouvements empreints d'une férocité croissante. Autour d'elle, les éléments se déchaînèrent, créant un tourbillon de magie glaciale qui tournoyait avec une intensité grandissante. Des éclairs gelés jaillissaient de toute part, cherchant à frapper Svartálfar, mais ce dernier se déplaçait avec une agilité démoniaque, esquivant chaque offensive avec une grâce malfaisante.

Un grondement mêlé d'effort et de frustration s'échappa d'entre les lèvres de Vindottir. Ce maudit dieu était indéniablement un adversaire redoutable. Elle esquissa un geste de la main, ses éclats de glace se dressant comme des lames tranchantes, fonçant vers la divinité. Les ombres, ténébreuses et menaçantes, se matérialisèrent soudainement à ses côtés. Les pics de glace s'écrasèrent sur la surface, se disloquant en une pluie de fragments gelés. Un rugissement de colère s'échappa du dieu alors que les ombres se ruaient en direction de la Fille des Vestiges.

D'un mouvement agile, elle fit surgir une paroi de glace du sol, obstruant le chemin des ombres. Ces entités semblaient hésiter devant le bouclier. Soudain, des crocs difformes surgirent de l'obscurité, aussi tranchants que des rasoirs, émergeant des ombres pour créer une vision d'horreur. Ces crocs cliquetaient de manière grotesque, se multipliant à chaque instant. Un rictus sinistre se dessina sur le visage de Svartálfar, tandis que les spectres dévoraient la barrière de Vindottir, fissurant la glace sous leurs assauts frénétiques.

Un juron s'échappa des lèvres de Vindottir alors qu'elle évaluait rapidement ses options. L'inconnu entourant les sorts du dieu des ombres la déstabilisait, tout comme son air tranquille. Sa magie semblait être déployée sans effort apparent, alors qu'elle sentait ses propres forces s'amenuiser. Passant la main sur son front, elle perçut une fine pellicule de sueur.

« Je dois les laisser se fuir, songa-t-elle. Reculer n'est pas une option, sinon tout est perdu. » En tant que Vestiges, la notion de mort ne lui avait jamais effleuré l'esprit. Les divinités se considéraient souvent comme immortelles, mais maintenant, Vindottir réalisa qu'elle n'avait aucune envie de disparaître.