8. Le grand chapiteau

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Trois jours passèrent durant lesquels Thomas se remit peu à peu, comme Tante Louison l'avait imaginé. Bien que sa guérison m'emplit de joie, je tremblai de voir Balthazar et sa troupe venir frapper à la porte de la cabane.

Henri-Joseph etJean-Henri, les deux fils de Tante Louison, patrouillaient sans cesse dans le secteur afin de s'assurer que les bois étaient bien vides de toute présence hostile. Malheureusement, ce que nous craignions tous ne tarda pas à se réaliser.

Au petit matin, Henri-Joseph vint me tirer brutalement d'un sommeil sans rêve.

-Ils arrivent. Une quinzaine au moins. Il faut que vous filiez d'ici en vitesse !

Thomas s'était redressé sur son grabat. Son bras était toujours bandé, mais il semblait désormais en mesure de reprendre la route en toute sécurité.

-Savent-ils qu'on est ici ? demanda-t-il à brûle- pourpoint.

-Ça m'étonnerait mais ils ne vont sûrement pas se gêner pour vérifier.

Tante Louison accourut à son tour, tenant à la main un sac de cuir qu'elle portait en bandoulière.

-Tenez. Prenez ceci. Il y a de quoi manger pour plusieurs jours là-dedans, dit-elle en me le tendant.

J'acceptai d'une main hésitante.

-Vous ne nous accompagnez pas ? osai-je.

Henri-Joseph eut un rire grave.

-Plutôt mourir qu'abandonner not' maison, hein maman ?

Cette dernière approuva d'un hochement de la tête.

-J'ai mis aussi dans le sac une lettre destinée au bourgmestre Henrotin. Il administre la ville de Spa depuis une bonne dizaine d'années maintenant. C'est un de mes amis, vous pourrez compter sur lui pour vous cacher le temps qu'il faudra. De plus, il n'apprécie guère Pangelpique et sa clique. Il saura que c'est moi qui vous envoie. Morgane, tu dois aller le voir ! C'était un ami proche. Il ne te refusera son aide.

Non loin, dans la forêt noyée de brume, on entendait distinctement des hennissements. Tante Louison souleva un vieux tapis élimé posé sur une trappe. Thomas et moi nous regardâmes stupéfaits, au grand amusement de Tante Louison.

-Les bandits qui, de tous temps, ont infesté les forêts d'Ardenne n'étaient pas des idiots. Ils savaient prendre les précautions nécessaires en cas de menace imminente. Qu'ils soient bénis !

Elle tira sur l'anneau de métal, dévoilant un souterrain qui s'enfonçait dans l'obscurité.

-N'oubliez pas de rendre hommage à la prévoyance des malandrins d'autrefois, dès que vous serez en sécurité. Et surtout, remerciez l'esprit de la forêt de vous avoir permis de trouver votre chemin jusqu'à ma modeste demeure.

Je réprimai un soupir agacé devant cette ineptie digne de ma mère. Mais j'avais d'autres préoccupations. Cet étroit boyau noyé dans les ténèbres m'arracha un frisson de peur. Thomas prit sa main dans la mienne et je sentis mon angoisse me quitter aussitôt. Nous nous enfonçâmes alors dans le boyau. Nous n'eûmes même pas le temps de remercier Tante Louison pour tout ce qu'elle avait fait pour nous car elle avait déjà refermé précipitamment le panneau au-dessus de nos têtes.

Nous émergeâmes du souterrain après plusieurs minutes de marche passées à tâtonner dans le noir. Naturellement, mon cœur battait la chamade, mais la présence de Thomas m'avait empêchée de succomber à la panique. Nous étions dans une petite clairière. Au loin, on entendait des aboiements furieux et quelques cris. Je fus alors tentée de tourner les talons afin de m'assurer que Tante Louison et ses fils allaient bien, qu'ils étaient en sécurité. La poigne de fer de Thomas autour de mon bras m'en empêcha cependant.

Macrâle: itinéraire d'une sorcière de BelgiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant