Chapitre 22.1 : Traître

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Elle cligna des paupières pour chasser ses pensées parasites, déterminée à affronter la menace qui se dressait devant elle. D'un geste élégant, elle fit apparaître des sphères de glace flottant autour d'elle. Les ombres dentées fondirent comme des rapaces sur elles. Au moment où leurs crocs allaient déchirer les sphères, Vindottir fit un geste rapide de la main. Les sphères changèrent instantanément de forme, s'allongeant en formes élancées. Les pics transpercèrent les gueules ouvertes dans un bruit effroyable, et une pluie de canines brisées tomba à terre, disparaissant aussitôt au contact du sol.

Svartálfar poussa un cri de rage.

— Que crois-tu accomplir, ma sœur ? As-tu la moindre idée de ma puissance ? gronda-t-il.

La Fille des Vestiges vit avec satisfaction que l'assurance du dieu semblait vaciller. Elle ne devait pas relâcher ses efforts. D'un coup d'œil, elle constata que ses compagnons étaient bloqués entre le dieu et la sortie du tunnel, recouvert de ténèbres solidifiées. Ils luttaient contre les ombres restantes, leurs armes inefficaces contre ces entités immatérielles.

Malgré la fureur qui grondait en elle, Vindottir sentait inexorablement ses forces s'amenuiser face à la ténacité de Svartálfar. Les éclats de glace qui jaillissaient de ses doigts semblaient se fracasser impuissants contre une barrière invisible. Une plaie sanglante marquait cruellement son épaule, là où les crocs acérés d'une des ombres s'étaient enfoncés. Elle recula, luttant pour regagner son souffle, mais son regard demeurait inébranlable.

Svartálfar, arborant un sourire triomphant, avançait d'un pas déterminé, ses ombres démoniaques se resserrant autour de Vindottir comme un étau sinistre. Elles proliféraient sans répit, prenant à présent des formes grotesques et menaçantes, surgissant des parois de la grotte telle une horde affamée, saturant tout l'espace confiné.

Tyrulf se campa en position dos à dos avec Sverjar, la lueur sombre des spectres les encerclant sans merci. Un soupir de résignation s'échappa de ses lèvres, les lames qu'il brandissait impuissant face à l'assaut.

« On ne va pas tenir longtemps, j'en ai bien peur. À part gesticuler pour faire repousser ces saloperies, on est bloqués, » murmura-t-il, sa voix teintée d'une frustration palpable. Un frisson parcourut son échine.

Sverjar opina. Il ne voyait pas de façons de sortir vainqueur. Son pouvoir en lui était très affaibli par l'affrontement par les Ombres écarlates et il ne pouvait pas le solliciter. Il fallait à tout prix qu'ils trouvent un moyen de fuir. Thora effrayée avait les yeux rivés sur les ombres émanant du mur.

Au fur et à mesure que les créatures des abysses les submergeaient, un rugissement puissant jaillit de la grotte. Un choc brutal secoua l'air, suivi d'une explosion assourdissante, les projetant tous au sol. Tandis qu'il tentait de reprendre son souffle entre les hoquets et les crachats de poussière, le jeune guerrier se releva péniblement. Levant ses yeux fatigués, il assista à un spectacle majestueux : un loup titanesque émergeait des gravats, brisant la barrière autrefois impénétrable avec une grâce souveraine.

Une pause glaciale s'installa, et Svartálfar, silhouette obscure, observa l'intrus avec un air sinistre. La Fille des Vestiges, à mi-chemin entre la stupeur et la terreur, fixa ses yeux sur le nouvel arrivant. « Fenrir, le loup divin », murmura le Chasseur d'une voix presque étouffée.

Le Dieu-Loup s'immobilisa à leur hauteur, son pelage d'un noir profond émettant une lueur magique, ses yeux éteints dévorés par des feux, les scrutant tour à tour avec une vigueur féroce. Il s'attarda sur la dépouille de la Mère des Vestiges et les flammes de ses yeux parurent redoubler d'intensité.

— Svartálfar, Vindottir, grogna Fenrir d'une voix basse et gutturale, que signifie tout cela ?

Vindottir, les yeux fixés sur le loup titanesque, rompit le silence pesant qui s'était installé après l'apparition spectaculaire de Fenrir.

— Mon Frère, Skaldir était retenue par Svartálfar. Lui et Ylva sont les architectes de ce chaos. Leur dessein est de ramener le Père des Vestiges, hurla-t-elle, les mots résonnant avec une urgence désespérée.

Fenrir demeura muet, absorbant les révélations.

— Que réponds-tu à ces accusations, Svartálfar ? questionna-t-il, un soupçon de méfiance transparaissant dans sa voix.

— Inutile de feindre l'innocence, elle dit la vérité. Mais il te reste encore le choix, Fenrir, de te joindre à la cause des vainqueurs, déclara Svartálfar d'un ton impérieux. Rallie-nous, et le Père des Vestiges se montrera clément. Nous hériterons du pouvoir que ce monde nous doit de droit.

— Je t'en prie, Fenrir, ils ne doivent pas réussir, implora Vindottir, ses yeux empreints de larmes exprimant une détresse sincère.

Fenrir, délaissant son regard du duo, se tourna vers Sverjar, Tyrulf et Thora, qui se tenaient en retrait derrière lui.

— Qui sont-ils ? interrogea-t-il, sa voix résonnant de curiosité.

« Des alliés, » s'empressa de répondre la Fille des Vestiges, un éclat de détermination dans son regard. D'un geste assuré de la tête, elle présenta Sverjar.

— Skaldir m'a confié la responsabilité de veiller sur lui, déclara-t-elle d'une voix calme, dissimulant soigneusement le secret qu'il était le fruit d'une union avec un dieu. Si la réputation de Fenrir penchait en sa faveur, la prudence s'imposait. Les circonstances passées avaient cruellement démontré cette nécessité. Un simple regard en arrière dévoilait une toile tissée de dangers et de trahisons.

Avant même que le loup, visiblement bouleversé par les révélations qui avaient jailli, puisse esquisser la moindre réaction, Svartálfar se précipita en avant, les ombres de la caverne fusionnant avec lui dans une danse sombre. Une métamorphose s'opéra, le faisant paraître grandir, sa peau s'obscurcir pour devenir une entité ténébreuse, un géant qui fondit sur le jeune homme.

Dans un ultime sursaut, Vindottir se jeta en travers de son chemin, élevant un bouclier de glace pour protéger le garçon. Elle fut violemment propulsée en arrière, son corps heurtant la paroi de la grotte. Le sang maculait son menton et sa tête inclinée sur le côté, souillant ses cheveux argentés. Un cri de détresse s'échappa de la gorge de Sverjar qui se précipita vers elle, mais le loup se dressa en barrage.

Les yeux du jeune homme s'accrochèrent fugacement au regard enflammé du Dieu Loup, une fraction de seconde suspendue hors du temps.

« Fuyez », ordonna-t-il d'une voix rocailleuse. « Nous nous retrouverons. »

Tétanisé, Sverjar secoua la tête avec détermination, refusant de laisser Vindottir. Il se dégagea de l'étreinte de Tyrulf qui tentait de le prendre par le bras pour l'éloigner.

— Je ne peux tout simplement pas l'abandonner, déclara-t-il avec une urgence palpitante dans sa voix.

Fenrir riposta d'un ton ferme, les yeux reflétant la gravité de la situation :

— Tu n'as pas d'autre choix. Assure-toi d'être en lieu sûr et débrouille-toi pour révéler la vérité aux Vestiges. Si nous échouons, la guerre sera imminente.

Le dieu-loup décocha un coup de griffe dévastateur, propulsant le jeune homme à une distance de cinq mètres, le catapultant dans l'obscurité profonde du tunnel. Thora et Tyrulf plongèrent en avant pour le récupérer dans leur fuite effrénée. Ensemble, ils s'éloignèrent, laissant Sverjar, les yeux embués de larmes, l'esprit étourdi et le cœur en lambeaux, jeter un dernier regard en arrière. Vindottir gisait là, inconsciente et ensanglantée, prise en otage entre les deux divinités.

Il se détourna, suivant ses compagnons, pendant que les échos des cris de bataille résonnaient dans la caverne, se diluant comme une funeste mélodie accompagnant leur retraite.

Vestiges [Roman Dark Fantasy]Where stories live. Discover now