Changer l'Histoire

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« - Papa ! Maman ! Pourquoi on habite à côté d'une vieille ville toute poussiéreuse où les gens c'est des statues ? Et pourquoi c'est des statues d'abord ?
- On habite ici car notre travail c'est d'étudier cette ville pour mieux connaître son histoire, et notre histoire à tous.
- Et ce sont des statues car il y a très longtemps, le volcan est entré en éruption – ça veut dire qu'il a craché plein de lave et de cendres. Et à cause de toutes les cendres qu'il y avait, les gens se sont transformés en statues.
- Mais le volcan, il va pas retourner en éruptition ?
- C'est éruption, et non, il ne va pas re-rentrer en éruption. Il est endormi. Et même si il se réveillait, on arriverait à le savoir avant et on partirait se mettre à l'abri. Donc tu n'as pas à t'inquiéter.
- J'étais pas inquiet, d'abord. »

- Ok, récapitulons. Je peux faire voyager des objets dans le temps, en leur enlevant ou en leur ajoutant du temps. Mais je ne sais pas jusqu'à combien de temps je peux les envoyer. Par contre je sais que dès qu'on modifie un objet qui n'est pas dans la bonne époque, il revient à son époque, comme un boomerang. Donc, techniquement, je peux envoyer une lettre le plus loin possible dans le passé, et quand les gens répondront je pourrais savoir en quelle année ils sont.

Voilà l'idée géniale que Théo avait eu.

Dès le lendemain, il descendit dans le jardin, une boîte de chocolats à la main. Il s'assit dans un coin du jardin, posa la boîte de chocolat, et y scotcha la courte lettre qu'il avait écrit. Il posa ensuite sa main sur la boîte et ferma les yeux. Quand il les rouvrit, la boîte avait disparue. Fébrile, il fixa l'endroit où elle se tenait, jusqu'à ce qu'elle réapparaisse, complètement vide.

Il l'attrapa, retourna dans la maison et courut dans les escaliers où il trébucha sur la dernière marche. Arrivé dans sa chambre, il ferma la porte et s'assit à son bureau. Il jeta à peine un regard à la boîte de chocolats vide et se saisit de la lettre.

Quand il se rendit compte que la réponse qu'il attendait tant avait été gravée, il prit une feuille de papier vierge et entreprit de la recopier lettre par lettre. Cela fut assez rapide, car il n'y avait que quelques mots : « Gratias. Deus es ? Mercurius es ? ».

Il relut ces mots et se frappa la tête en se traitant d'idiot lorsqu'il comprit que ce n'était pas de l'italien.

- Évidemment que c'est pas de l'italien ! Ils parlaient pas forcément italien avant !

Il sortit son téléphone et ouvrit une application de traduction.

- C'est du latin ? Je suis vraiment bête des fois. Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre ? Franchement je m'auto-désespère là. Mes parents sont archéologues et je suis incapable de reconnaître du latin. S'ils l'apprennent je suis mort. Bon, du coup ça veut dire quoi ? « Merci. Es-tu un dieu ? Es-tu Mercure ? ». Ah. Alors, non je suis pas un dieu.

Il réfléchit un instant.

- Du latin plus Mercure égal l'Antiquité romaine. Je pensais pas que je pouvais envoyer quelque chose aussi loin dans le passé. C'est cool ! Mais faudra que j'écrive en latin. C'est moins cool.

Le lendemain, il envoya une nouvelle lettre, cette fois ci en latin, où il expliquait qui il était. Au bout de plusieurs jours et autant de lettres, il avait réussi à convaincre son interlocuteur, ou plutôt son interlocutrice, qu'il ne mentait pas. Il renonça cependant à trouver en quelle année vivait sa nouvelle amie après avoir compris que les romains n'utilisaient pas le même calendrier.

Les jours passèrent, et chaque fois que Théo passait devant le parc archéologique de Pompéi, où travaillaient ses parents, un doute grandissait en lui. Pour le dissiper, il demanda à Tullia si le Vésuve était déjà détruit une partie de la ville. Mais sa réponse négative ne fit que l'inquiéter davantage.

Quand elle lui parla de la mort de l'Empereur Augustus Caesar Vespasianus et de l'arrivée au pouvoir de son fils Titus Caesar Vespasianus, il fit quelques recherches sur Internet.

Cet évènement dont elle parlait avait eu lieu en l'an 79 après Jésus Christ, quelques mois avant la tristement célèbre éruption du Vésuve ayant détruit Pompéi.

Complètement paniqué, il envoya une lettre à Tullia pour lui demander de quitter la ville. Son amie le cru sans difficulté, mais ses parents refusèrent ce qu'ils prirent pour un caprice.

Pendant un mois, il lui envoya une lettre chaque jour, espérant qu'elle lui réponde qu'elle allait quitter la ville. Mais les parents de Tullia n'écoutaient même plus leur fille.

« Envoie moi un objet de chez toi. » lui écrivit-elle un jour. « Je leur dirai que tu es un demi-dieu, le fils d'une nymphe, que je t'ai aidé quand tu t'es perdu dans Pompéi. Et que pour me remercier tu m'as conseillé de quitter la ville, mais que je ne savais pas pourquoi jusqu'à ce que tu m'envoies cet objet divin, qui m'a offert la vision de Pompéi en feu. »

Théo se leva d'un bond et entreprit de fouiller sa chambre. Au bout de quelques minutes de recherches intensives entrecoupées de commentaires, comme « Ça ça n'ira pas » ou « Vraiment pas, c'est nul », il finit par trouver un porte-clé représentant les ruines de Pompéi.

- Parfait ! s'exclama-t-il.

Sans plus attendre, il attrapa une feuille de papier, y écrivit quelques mots, et descendit dans le jardin pour envoyer le tout.

L'idée de Tullia sembla efficace, car deux jours plus tard, elle cessa de répondre, alors que l'éruption n'avait pas encore eu lieu.

Elle avait quitté la ville avec sa famille, c'était évident. Mais au fond de Théo un doute persistait.

Lettres de cendreWhere stories live. Discover now