Partie 1

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Tout changea lorsqu'elle mit le chapeau.

Un de ces couvres-chefs qui vous font comprendre des expressions comme paniers garnis et crâne dégarni.

Livia avait trouvé le trésor dans la chambre de son adelphe. Habilement posé sur une étagère pour créer une ambiance de film jauni. Son frère aimait le vintage. Le feutre trônait sur un tourne-disque qui marchait sur la tête à force de tourner en rond et d'être usé comme fond de photo Instagram.

A côté du royaume chapelien, une rose desséchée de larmes était avalée par une bouteille verte assez transparente pour remarquer les épines décomposées de la fleur.

Livia, peu intéressée par la poussière aesthetic s'approcha du chapeau et le déposa sur sa tête. A vrai dire, il n'y a pas pléthore de loisirs avec un chapeau ; peut-être le lever, le faire porter, mettre la main dedans, le faire bas ou coup.oiç

Il ne s'est rien passé d'abord. Pas de lumière divine choisissant l'élue, pas de vent magistral pour faire danser sa tignasse. Bref, rien, nada, R.A.S. Il était seulement un peu serré.

Le frangin arriva et resta un instant interloqué devant le spectacle de Livia plantée dans sa chambre, les yeux fermés mais la bouche ouverte, les bras ballants, la face priant vers le plafond.

-T'attends quoi ?

Elle sursauta. Ce moment intime avait été grossièrement interrompu par un être totalement inélégant.

-Que veux-tu, cher béotien ?

Le frère sourit. Il cru à un nouveau jeu.

-Rien, merveilleuse sœur, mais serait-il indiscret de vous questionner à propos de votre présence dans mon domaine ainsi que celle du détritus sous lequel vous semblez vous abriter ?

-Absolument. Votre requête est foncièrement envahissante et je vous prierai, frater, de m'abandonner à mon navire pour me permettre de prendre les voiles en solitaire.

-Bien, tu peux prendre la poudre d'escampette mais fais gaffe t'en as sur le chapeau.

-Merci, brave ostrogoth, dit Livia en embrassant la joue fraternelle.

Livia se retrouva sur le boulevard devenu bavard par les hurlements des charrettes métalliques.

Elle ôta son couvre-chef. En effet, la poussière avait fait razzia sur la couleur du feutre. Il n'avait pas une teinte gris Madrid, bleu de Prusse ou jaune de Mars, mais les nuanciers font voyager.

Livia souffla tel Eole lorsqu'il fait la bise, l'Autan emportant le vent ou le loup sur les façades des porcheries.

Des particules sont bé-tons sur l'asphalte et j'ai pu me chapeauter.

J'ai croisé mon regard dans la vitre d'un resto et je me suis trouvée belle, le bro avait raison, c'est mieux sans poussière. Je me souviens que mon grand-père disait que j'avais une tête à chapeau, je pensais qu'il n'osait pas m'avouer que j'avais une tête à claques. Je crois que je veux pas savoir ce que j'ai comme tête, pas une tête à quoi, je veux juste une tête à moi. Mais c'est vrai que je me trouve différente, il me grandit.

Je pense que les moments où on se sent le mieux dans son épiderme sont ceux où une femme te fait un compliment, que ton nom long et étranger est bien prononcé et quand t'arrives à sourire à ton reflet.

Dans l'écho de la vitre j'ai vu Sami qui me faisait signe, je me suis retournée.

Je sais pas vraiment qui il est mais il est chic.

C'est un élégant clochard. Il m'a dit une fois que c'était pour que les vieilles en Versace sursautent quand elles le voient dans la même tenue, un autre jour il m'a dit qu'il l'avait cousu lui-même et il y a peu, il m'a avoué être né avec. C'est possible : il est assez vieux pour ne pas être né en couleur.

Tête à...Where stories live. Discover now